Bamako persiste et signe : la France a abandonné le Mali «en plein vol»
- Avec AFP
Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a de nouveau déploré le retrait progressif de la France de son pays, où la menace terroriste demeure. Il a en outre démenti l'existence de discussions entre Bamako et la société privée russe Wagner.
Le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga persiste à dénoncer un «abandon en plein vol» de la France, après la décision de Paris de retirer du Mali la force Barkhane, incapable selon lui d'enrayer la montée du terrorisme dans le pays. Une déclaration similaire avait généré un regain de tensions entre Paris et Bamako.
Pendant qu'Al-Qaïda multiplie ses attaques, notre principal allié, en tout cas celui que nous croyions l'être, décide de quitter sa zone d'influence pour se concentrer sur les trois frontières. N'est-ce pas de l'abandon en plein vol
«Les faits sont que le Mali a demandé à la France de l'aider à détruire le terrorisme et à recouvrer l'intégralité de son territoire. Près de neuf ans après, que constatons-nous ? Le terrorisme qui était confiné à Kidal [bastion des rebelles touaregs] s'est étendu à 80% de notre territoire», a-t-il déclaré lors d'une interview publiée le 18 octobre par Le Monde Afrique.
Barkhane a décidé de «se concentrer sur le Liptako», dans l'est du Mali, où l'EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) est actif, alors que «le groupe le plus dangereux pour l'Etat malien, c'est le GSIM [Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, proche d'Al-Qaïda]» dans le Nord, a-t-il en outre regretté.
«Pendant qu'Al-Qaïda multiplie ses attaques, notre principal allié, en tout cas celui que nous croyions l'être, décide de quitter sa zone d'influence pour se concentrer sur les trois frontières. N'est-ce pas de l'abandon en plein vol ? Nous sommes en train de chercher des solutions», a-t-il martelé.
Des propos similaires de Choguel Kokalla Maïga tenus récemment aux Nations unies avaient été fermement condamnés par la France. «C'est une honte», avait tonné le président Emmanuel Macron.
Les discussions entre les autorités maliennes et Wagner ? Des «rumeurs»
Face à cette situation, le gouvernement malien, qui «a bien compris que s'il ne compte que sur un seul partenaire, [...] pourra à tout moment être abandonné, [en] cherche d'autres», a expliqué le Premier ministre, démentant toutefois des discussions avec la société privée russe Wagner, qu'il a qualifiées de «rumeurs».
Ce sont les médias français qui en parlent. Moi, je ne connais pas de Wagner. Ce sont des rumeurs, à ce stade-là
Face à cette situation, le gouvernement malien n'exclut pas la recherche d'autres partenaires. A ce titre, il en a profité pour démentir des discussions avec la société privée russe Wagner, qu'il a qualifiées de «rumeurs». «Le jour où [le Mali conclura] des accords avec quelque pays que ce soit, nous les rendrons publics», a-t-il précisé. D'ici là, il exhorte à ne pas faire «de procès d’intention» au gouvernement malien.
Les autorités russes, qui ont toujours démenti tout lien avec la fameuse société de sécurité privée, ont répété le 15 septembre qu'elles ne prévoyaient aucune négociation quant à l'instauration d'une présence militaire dans le pays sahélien : «Il n'y a aucun représentant des forces armées russes là-bas [...] et aucune négociation officielle n'est en cours», a rappelé le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov. Celui-ci a précisé que Moscou avait des «contacts dans le domaine militaire avec beaucoup de pays, y compris ceux situés sur le continent africain».
Ce que nous avons, c’est un accord avec l’Etat russe. Dans ce cadre, nous achetons des équipements militaires
Accusé d'entretenir le flou sur cette question et ses possibles conséquences sur les relations internationales du Mali, Choguel Kokalla Maïga s'est là aussi montré catégorique. Le Mali n'a «pas signé d’accord avec qui que ce soit», et les pressions internationales que son pays pourraient subir seraient à ce titre «sans objet» selon lui.
«Ce que nous avons, c’est un accord avec l’Etat russe [conclu en juin 2019]. Dans ce cadre, nous achetons des équipements militaires – on en a reçu récemment –, et nous demandons à des instructeurs russes de former nos militaires», a développé Choguel Kokalla Maïga. «Nous sommes en discussion avec l’Etat russe, nous ne le cachons pas. Nous cherchons tous les moyens et le concours de tous les Etats qui pourraient nous aider à sécuriser notre peuple», a-t-il encore précisé.
Choguel Kokalla Maïga a par ailleurs prévenu que le calendrier des élections présidentielle et législatives, prévues le 27 février 2022, ne devrait pas être respecté, autre point de friction entre une partie de la communauté internationale et ce gouvernement malien issu d'un coup d'Etat militaire. «Quelques semaines ou quelques mois de décalage, ce n'est pas la fin du monde pour un pays en crise depuis dix ans», a-t-il justifié.