La Belgique en procès pour «crimes contre l'humanité» envers des enfants métis dans ses ex-colonies

- Avec AFP

La Belgique en procès pour «crimes contre l'humanité» envers des enfants métis dans ses ex-colonies© Hadrien DURE Source: AFP
Léa Tavares-Mujinga, Simone Vandenbroecke-Ngalula, Monique Bitu Bingi, Noelle Verbeken et Marie-José Loshi durant une audition au tribunal de Bruxelles, le 14 octobre 2021.
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Cinq femmes métisses nées au Congo d'un père blanc et séparées de leurs mères noires il y a environ 70 ans ont exigé des réparations financières à l'Etat belge. Celui-ci refuse cependant la qualification de «crimes contre l'humanité».

Le 14 octobre, cinq femmes métisses arrachées à leurs mères noires au Congo il y a environ 70 ans ont exigé des réparations financières à la Belgique, ancienne puissance coloniale accusée devant un tribunal de «crimes contre l'humanité». L'Etat belge conteste cette qualification.

A l'âge de deux, trois ou quatre ans, ces femmes aujourd'hui grands-mères ont été retirées de force à leur famille maternelle, puis placées dans une institution religieuse située «parfois à des centaines de kilomètres», selon Michèle Hirsch, avocate de Léa, Monique, Simone, Noëlle et Marie-Josée. Celles-ci sont toutes nées de l'union entre une mère congolaise et un Blanc et étaient présentes à l'audience entourées de leurs proches.

Des «politiques de protection de l'enfant», selon la défense

«Je les appelle par leur prénom, car leur identité leur a été enlevée. Elles ont été sans voix pendant près de 70 ans, incapables de raconter», a lancé l'avocate devant le tribunal civil de Bruxelles. «Durant la colonisation, le métis était considéré comme une menace pour la suprématie de la race blanche, il fallait l'écarter», a affirmé Michèle Hirsch, parlant d'un «système généralisé» mis en œuvre par l'administration belge.

Clémentine Caillet, avocate de l'Etat, a quant à elle contesté ces accusations, ainsi que la qualification brandie par les plaignantes. Dans le droit belge, les «crimes contre l'humanité» sont imprescriptibles, de même que les crimes de génocide et de guerre. Or, selon cette avocate, l'action est prescrite. S'appuyant sur un régime juridique applicable à l'Etat belge depuis le XIXe siècle, elle a assuré qu'une faute supposée de l'Etat – en l'occurrence ce retrait forcé d'enfants à leur famille – ne pouvait lui être reprochée que dans un délai de cinq ans.

«Il faut se replacer dans la réalité de l'époque», a ajouté Clémentine Caillet, pour qui ces mises sous tutelle de petits métis dans les années 1940 et 1950 «relevaient des politiques de protection de l'enfant».

15 000 enfants concernés par cette «ségrégation ciblée»

Ce procès est le premier en Belgique à mettre en lumière le sort réservé aux métis nés dans les anciennes colonies belges (Congo, Rwanda, Burundi), dont le nombre est généralement estimé autour de 15 000.

La plupart des enfants nés de l'union entre une noire et un blanc n'étaient pas reconnus par leur père, et ne devaient se mêler ni aux blancs, ni aux Africains. En conséquence, beaucoup d'entre eux étaient mis sous la tutelle de l'Etat et placés en orphelinat moyennant le versement de subventions à ces institutions, généralement gérées par l'Eglise catholique.

On nous appelait «les enfants du péché»

«A l'école, on nous traitait de "café au lait". Nous n'étions pas acceptés», s'est souvenue l'une des plaignantes, Simone Ngalula, lors d'un entretien avec l'AFP en septembre 2020. «On nous appelait "les enfants du péché". Un blanc ne pouvait pas épouser une noire. L'enfant né de cette union était un enfant de la prostitution», a raconté Léa Tavares Mujinga, née d'un père portugais qu'elle n'a revu qu'à l'âge de 14 ans.

Pour ces femmes, les excuses de l'Etat formulées en 2019 par le Premier ministre belge doivent être suivies d'indemnisations. Charles Michel – désormais président du Conseil européen – avait alors reconnu «une ségrégation ciblée», et déploré des «pertes d'identité» avec la séparation des fratries, y compris au moment des rapatriements en Belgique après l'indépendance du Congo en 1960.

«On nous a détruites. Les excuses, c'est facile, mais quand on pose un acte il faut l'assumer», a estimé Monique Bitu Bingi devant les journalistes peu avant le procès. «On ne peut pas mourir avec ça», a-t-elle déclaré à la fin du procès.

Les plaignantes demandent 50 000 euros en attendant l'évaluation de leur préjudice moral

Face à la presse, Monique Bitu Bingi a également dénoncé un «deuxième abandon» lorsque, après l'indépendance des colonies, ces fillettes n'ont pas pu monter dans les camions de l'ONU pour être rapatriées avec les Occidentaux, contrairement aux religieuses blanches. Alors âgées alors de dix à 12 ans, certaines d'entre elles disent avoir été «violées avec des bougies» par des rebelles. 

Toutes réclament aujourd'hui à la justice belge «une somme provisionnelle de 50 000 euros» et la nomination d'un expert pour évaluer leur préjudice moral. Elles exigent aussi le plein accès à tous les documents susceptibles d'éclairer leur histoire.

Il a fallu passer par une mise en demeure de l'Etat pour obtenir les dossiers des pères de Simone, Noëlle, Marie-Josée et Monique, tous fonctionnaires belges à l'époque, comme l'a expliqué Sophie Colmant, associée de Michèle Hirsch. «Ce qu'on lit est à vomir», a déclaré l'avocate, disant y avoir découvert «une décision de non lieu [au Congo] pour des faits avérés de viol commis par un fonctionnaire belge».

Le jugement devrait être rendu dans plusieurs semaines.

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