La Tunisie divisée et dans l'incertitude après le coup de force du président Kaïs Saïed

La Tunisie divisée et dans l'incertitude après le coup de force du président Kaïs Saïed© Zoubeir Souissi Source: Reuters
Le président tunisien Kaïs Saïed prête serment à Tunis, Tunisie, le 23 octobre 2019.
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Plusieurs ONG ont exprimé leur inquiétude après le coup de force du président Kaïs Saïed, qui s'est octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet. Une démarche que de nombreux acteurs à l'intérieur du pays jugent pourtant constitutionnelle.

Plusieurs ONG internationales ont exprimé ce 31 juillet leur inquiétude concernant la situation en Tunisie depuis que le chef de l'Etat s'est octroyé les pleins pouvoirs, et après l'arrestation le 30 juillet du député indépendant Yassine Ayari, très critique envers l'armée et le président tunisien. Cette interpellation «confirme les craintes selon lesquelles le président Saïed risque d'utiliser ses pouvoirs extraordinaires contre ses opposants», a estimé dans un communiqué le directeur de Human Rights Watch (HRW) pour l'Afrique du Nord, Eric Goldstein.

Le député indépendant et ex-blogueur Yassine Ayari a déjà été condamné plusieurs fois pour son discours très critique envers l'armée. Il avait qualifié cette semaine le régime d'exception instauré par le président de «coup d'Etat militaire». La justice militaire tunisienne a confirmé son interpellation, en application d'un jugement rendu fin 2018, qui le condamnait à deux mois de prison pour une publication critique envers l'armée sur Facebook, selon un communiqué. L'homme bénéficiait jusque-là de son immunité parlementaire mais quand, le 25 juillet, le président Kais Saied s'est octroyé les pleins pouvoirs et a suspendu le Parlement pour 30 jours, il a levé par là même l'immunité des députés.

L'antenne tunisienne de l'ONG Amnesty International a fait part elle aussi de son «inquiétude» concernant l'arrestation de Yassine Ayari, condamnant «fermement le jugement des civils devant les tribunaux militaires et les procès d'opinion quels qu'ils soient».

Pour information, un article du magazine Jeune Afrique de 2017 qualifiait ce député de «proche de l'islamisme radical», ce dont l'intéressé se défend en rappelant que son propre père, un militaire, a été tué par des djihadistes en 2011.

Un retour à la dictature ?

Observant plus largement la situation actuelle en Tunisie, Human Rights Watch s'est dite également inquiète de l'arrestation de «quatre membres d'Ennahdha», le parti d'inspiration islamiste au pouvoir depuis 10 ans en Tunisie. Selon l'ONG américaine, ils étaient accusés d'avoir cherché à «perpétrer des actes violents» devant le Parlement. Un responsable d'Ennahdha a confirmé ces interpellations à l'AFP, qui ont eu lieu en début de semaine. Les quatre personnes concernées ont toutefois été relâchées le 30 juillet sans faire l'objet de poursuite judiciaire, a-t-il précisé.  

Ce 31 juillet, l'association tunisienne I Watch a publié une liste de 14 députés qui sont sous le coup de poursuites judiciaires et risquent donc d'être arrêtés.

Depuis six jours, des Tunisiens expriment leur crainte d'un retour à la répression, dix ans après la révolution qui a provoqué la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali. D'autres au contraire se réjouissent de la décision présidentielle. Le chef de l'Etat Kaïs Saïed a assuré pour sa part qu'il n'y avait «pas de peur» à avoir concernant la liberté d'expression, en affirmant qu'il «détest[ait] la dictature». Il a expliqué que les arrestations ne concernaient que des personnes déjà poursuivies par la justice.

Ennahdha très contesté dans la rue

Dans une tribune publiée par le New York Times, son principal opposant, le chef d'Ennahdha et président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), Rached Ghannouchi, a une nouvelle fois accusé le président Saïed d'avoir pris des mesures qui violent la constitution. «Ces décisions suivent le cahier des charges pour mettre en place une dictature», a estimé le président du Parlement tunisien. «La dictature mène invariablement à une augmentation de la corruption, du népotisme, des violations des libertés individuelles et des inégalités», a fait valoir Rached Ghannouchi. Dans un entretien exclusif à l'AFP, le chef du parti religieux déplore en outre un manque de dialogue avec le président ou avec ses conseillers. «Il faut qu'il y ait un dialogue national», a-t-il plaidé, tout en assurant que son mouvement comptait employer tous les moyens pacifiques à sa disposition pour «un retour de la démocratie».

Mais son parti, Ennahdha, s'est retrouvé dans le viseur de grandes manifestations le 25 juillet dernier – journée de mobilisation ayant conduit à la décision inédite du président tunisien de s'octroyer les pleins pouvoirs. Cette décision vue comme radicale à l'international a toutefois été largement célébrée à travers le pays, où la population demande depuis des mois la dissolution du Parlement et la démission du Premier ministre accusés de faire les affaires du parti Ennahdha.

Privés d'exercer, les députés mis en congés pour un mois depuis le 25 juillet sont divisés entre ceux qui soutiennent la décision du gouvernement et ceux qui dénoncent un coup d'Etat constitutionnel. Interviewé par notre reporter à Tunis, le député indépendant de l'opposition Hatem Mliki estime par exemple que ce n'est pas du tout un coup d'Etat. «On est tout à fait dans l'esprit de l'article 80 de la Constitution qui stipule qu'en cas de menace par rapport à la Nation, le président de la République [...] doit prendre des décisions exceptionnelles», déclare-t-il au micro de RT France. Selon lui, les manifestations du 25 juillet contre le Premier ministre et Ennahdha conjuguées à la gestion chaotique de la crise sanitaire et à la crise politique en cours depuis neuf mois, sont autant de facteurs qui justifiaient la décision de Kaïs Saïed.

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