Après 20 ans de guerre, les Etats-Unis laissent un Afghanistan en proie à l'expansion talibane
Alors qu'une majeure partie du territoire afghan serait sous contrôle des Taliban, Washington entame la finalisation du retrait total de ses troupes. La situation dans le pays reste instable après deux décennies d'occupation militaire étrangère.
Ainsi que l'ont rapporté plusieurs agences de presse dont Reuters et l'AFP, les Taliban ont affirmé ce 9 juillet qu'ils contrôlaient 85% du territoire afghan.
«Toutes les administrations et les hôpitaux continuent de fonctionner sur ce territoire. Nous nous sommes assurés qu'ils seraient en mesure de poursuivre leur travail», a notamment déclaré le représentant taliban Chakhabouddine Delawar dans le cadre d'un déplacement de sa délégation à Moscou.
Une offensive concomitante à la finalisation du retrait américain
Zabihoullah Moudjahid, un autre porte-parole taliban, a quant à lui déclaré que le poste-frontière d’Islam Qala, un des plus importants passages frontaliers entre l'Afghanistan et l'Iran, était complètement sous le contrôle des insurgés.
«Les Taliban contrôlent actuellement environ deux tiers de la frontière avec le Tadjikistan», a de son côté affirmé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, appelant les parties s'opposant dans le conflit intra-afghan à «faire preuve de retenue» et à «empêcher une propagation des tensions hors des frontières du pays». Dans les faits, plusieurs centaines de soldats de l'armée régulière afghane ont récemment dû trouver refuge au Tadjikistan, où la Russie dispose de bases militaires dans le cadre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC, qui regroupe la Russie, l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et le Tadjikistan).
L'offensive du mouvement islamiste contre les forces de Kaboul intervient simultanément à la finalisation du départ de l'armée américaine du pays, après deux décennies de présence militaire sur place. Un retrait dont s'est félicité Shahabuddin Delawar, estimant que son organisation avait contraint les troupes américaines à quitter le territoire. «Nous avons mené notre lutte, nous avons fait passer la population de notre côté», a-t-il soutenu.
Alors qu'ils mènent depuis plusieurs semaines une offensive contre les forces de Kaboul, les Taliban ont conquis des territoires s'étendant de la frontière iranienne, à l'ouest, jusqu'à celle de la Chine, au nord-est. Ils ont notamment pris de larges portions des frontières avec les pays voisins d'Asie centrale.
Après deux décennies de présence sur place, quel bilan pour l'armée américaine ?
Joseph Biden a de son côté confirmé le 8 juillet que le retrait total de l'armée serait achevé d'ici le 31 août, assurant que les soldats américains avaient «atteint leurs objectifs dans le pays» en matière de lutte antiterroriste. Une auto-congratulation qui se heurte toutefois aux sentiments partagés de la population afghane sur le sujet, ainsi qu'en témoigne un récent reportage de Reuters réalisé dans la localité de Bagram, où se trouve une base américaine ayant accueilli jusqu’à 100 000 soldats depuis 2001.
En outre, l'intervention militaire américaine en Afghanistan – ses motivations initiales tout comme les pratiques de l'armée sur place (mises en lumière grâce à des révélations permises par WikiLeaks) – continue de faire l'objet de vives critiques sur la scène internationale.
Des poches se forment, où sont attirés non pas les combattants talibans mais plutôt les combattants de l’Etat islamique
Le 8 juillet, le chef de la diplomatie russe a multiplié les critiques à propos du bilan de cette guerre, déclenchée par les Etats-Unis dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 et qu'ont rejoint de nombreux alliés de Washington. «La menace terroriste n’a pas diminué, l’ampleur de cette menace a même augmenté depuis 2001, [année à laquelle] les Américains y sont entrés», a notamment estimé Sergueï Lavrov. «Les Taliban font preuve d’un comportement plus belliqueux [et] les dirigeants de Kaboul, avec les Américains qui quittent le pays, semblent abandonner la situation pour qu’elle soit résolue par la force [...]. Des poches se forment, où sont attirés non pas les combattants talibans mais plutôt les combattants de Daesh», a encore déclaré le ministre russe.
Concernant la situation au Tadjikistan, Sergueï Lavrov a fait savoir que toute attaque contre ce pays allié ferait immédiatement l’objet d’un examen à l’OTSC. «Le président Poutine a parlé ces derniers jours en détail par téléphone avec les dirigeants tadjik et ouzbek, y compris et surtout de ce sujet. Nous allons donc, bien sûr, respecter nos engagements».