«L’Italie est seule à affronter le problème migratoire», selon le président du Conseil italien
Le président du Conseil italien a déclaré à l’issue du dernier Conseil européen que l'Italie était «seule à affronter le problème migratoire». Peu repris par les médias, ces propos traduisent le sentiment d’abandon de la péninsule par l’UE.
La petite phrase de Mario Draghi, le président du Conseil italien, lors du dernier Conseil européen des 24 et 25 mai n'a été que peu reprise en Europe. Pourtant, l'affirmation selon laquelle «l’Italie est seule à affronter le problème migratoire» marque un changement de position notable, surtout venant de ce fervent défenseur de la construction européenne. Mario Draghi avait en effet déclaré à plusieurs reprises que la fin des souverainetés des Etats membres était nécessaire pour avoir une UE forte et compétitive au sein de la mondialisation.
Cette prise de position intervient dans un contexte de pression migratoire toujours importante et après une déclaration sur la question des migrants de de Totò Martello, premier magistrat de Lampedusa. Une intervention reprise par le quotidien italien Il Giornale : «Il y a un besoin de mécanismes qui sauvegardent Lampedusa et sa communauté, nous sommes un territoire frontalier non seulement italien mais aussi européen. Bruxelles doit aussi assumer ses responsabilités.»
Matteo Salvini, dirigeant de la Ligue, le parti anti-immigration, toujours très réactif sur le sujet, a lui aussi fait récemment pression sur le président du Conseil en déclarant : «Avec des millions d'Italiens dans le besoin, nous ne pouvons penser à des milliers de clandestins.» Une situation qui a contraint Mario Draghi à réagir lors de ce sommet européen.
Affirmer que l’Italie est abandonnée constitue donc une attaque directe rare de la part de Mario Draghi vis-à-vis de l’Union européenne et de ses Etats membres. Contraint de composer avec les seuls moyens dont dispose la péninsule pour faire face à l'intensification des vagues migratoires, l'ancien président de la Banque centrale européenne a ajouté : «Nous continuerons à affronter le problème seuls jusqu’au prochain Conseil européen. C’est à nous tous, Européens, de bien le préparer pour arriver à une solution qui soit efficace mais aussi solidaire.» Le président du Conseil italien a affirmé avoir «soulevé la question», qui «sera mise à l’agenda du prochain Conseil européen», a-t-il insisté. Il a par ailleurs mis en garde contre le fait qu’«endormir le problème ne le [ferait] pas disparaître», et constaté qu’«il y [avait] une conscience du problème» de la part de la France et de l’Allemagne.
La répartition des migrants dans l’UE, cheval de bataille de Mario Draghi
Lors de ce même Conseil européen tenu les 24 et 25 mai, Emmanuel Macron avait toutefois brièvement évoqué lui aussi, lors d’une conférence de presse, ses échanges avec Mario Draghi sur le sujet migratoire. Il avait balayé toute décision concrète visant à renvoyer le débat au Conseil du mois de juin. Le président de la République s’est ainsi contenté d’égrener des pistes de réflexion, soulignant la nécessiter d’agir sur «le volet externe» et de protéger «nos frontières communes » en exerçant «beaucoup de pression sur les pays des primo-arrivées». Il en a appelé à la responsabilité et à la solidarité de chacun des pays membres et a souhaité la reprise du contrôle des flux migratoires en provenance de Libye. Emmanuel Macron a toutefois déclaré : «Nous nous mentirions à nous-mêmes si nous pensions résoudre la question de l’immigration dans son intégralité en juin.»
D’ici là, l’Italie devra composer avec les quelques moyens dont elle dispose. Ylva Johansson, commissaire européenne aux Affaires étrangères, avait quant à elle souligné le 10 mai 2021 la nécessité d'adopter le nouveau Pacte sur la migration. «J’appelle les Etats membres à aider pour les relocalisations, je sais que c’est plus difficile en période de pandémie mais je pense que c’est faisable, qu’il est temps de montrer de la solidarité à l’égard de l’Italie», a-t-elle notamment annoncé.
Parmi les sujets qui seront certainement sur la table de ce prochain Conseil européen, les accords de Malte figureront en bonne place. Encadrant la répartition des migrants entre les pays européens, Mario Draghi n’avait pas caché sa volonté de les renégocier afin que ses dispositions soient mieux appliquées. Bénéficiant de l'appui de Paris et de Berlin, il rencontrait toutefois la farouche opposition de l’Autriche. Son ministre de l’Intérieur, Karoline Edstadler, a ainsi déclaré que le co-développement avec les pays africains serait une solution plus adaptée. L’objectif serait à tout le moins d’alléger la pression migratoire que subit l’Italie, alors cette pression s’exerce plus que jamais en Méditerranée, comme ce fut le cas à Ceuta récemment ou à Chypre, qui s’est déclarée en état d’urgence migratoire.
Il est cependant à craindre que la répartition constitue uniquement une solution à court terme pour les pays confrontés directement au phénomène, et non une clé pour la résolution des problématiques que représente la crise migratoire.