Soldats tués, «terroristes» abattus : que se passe-t-il à la frontière colombo-vénézuélienne ?
La situation est tendue à la frontière colombo-vénézuélienne où, depuis une dizaine de jours, l'armée vénézuélienne repousse des groupes armés colombiens irréguliers qui attaquent son territoire avec, selon Caracas, la bénédiction de Bogota.
Que se passe-t-il à la frontière colombo-vénézuélienne ? L'Etat d'Apure (sud-ouest), région frontalière du Venezuela avec la Colombie est, depuis dix jours, le théâtre de tensions entre l'armée du Venezuela et des groupes armés colombiens qui ont conduit à une série d'opérations militaires de défense territoriale vénézuélienne.
Caracas dénonce des attaques perpétrées par «par des groupes armés irréguliers et des criminels colombiens» contre la population de La Victoria, située à la frontière.
Le 27 mars, le ministre vénézuélien de la Défense annonçait que six «terroristes» membres de «groupes armés» avaient été abattus et 39 autres capturés dans les combats et les opérations de l'armée vénézuélienne dans le sud du Venezuela, à la frontière. «A ce jour, le bilan général est de six terroristes neutralisés, 27 suspects présentés au Tribunal militaire et 12 autres arrêtés le 26 mars», a affirmé le ministre Vladimir Padrino à la télévision publique. «Des armes, grenades, munitions, explosifs, uniformes, véhicules, de la drogue et des équipements technologiques contenant des informations sur leurs activités» ont été saisis, a ajouté le ministre.
Deux jours plus tôt, le Venezuela dénonçait l'attaque de cibles civiles et la pose de mines par des groupes armés colombiens. Dans la nuit du 23 au 24 mars, une attaque à l'explosif a été perpétrée contre l'un des quartiers généraux des douanes vénézuéliennes, situé dans la zone frontalière de La Victoria. L'endroit a été complètement détruit et un poste de contrôle de la garde nationale bolivarienne a également subi des dommages partiels. Un précédent bilan officiel de ces affrontements faisait état, le 21 mars, de deux soldats vénézuéliens tués et de 26 combattants capturés dans l'Etat d'Apure.
Groupes soutenus par le «gouvernement colombien et la CIA» ?
Selon Vladimir Padrino, ces groupes armés bénéficient de l'aide du «gouvernement colombien et de la CIA», que le Venezuela accuse régulièrement de vouloir le déstabiliser. De son côté, Bogota a assuré que plus de 3 000 Vénézuéliens se sont réfugiés en Colombie à la suite de ces combats.
Un consentement plus que tacite aux actions des groupes criminels opérant dans la zone
De plus, de source sécuritaire en Colombie citée par l'AFP, les «groupes armés» colombiens qui opèrent au Venezuela sont des dissidents de l'ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc). Bien que la plupart des 13 000 membres de l'ex-guérilla marxiste aient déposé les armes, des factions «dissidentes» se sont marginalisées du processus de paix signé en 2016 en Colombie. Ces groupes sans commandement unifié, financés par le trafic de drogue et les mines clandestines, se sont renforcés dans des zones isolées, selon le renseignement militaire colombien.
Mais, interrogé sur ce sujet, le ministre Vladimir Padrino a exprimé les doutes du Venezuela sur cette théorie. En Colombie, «ils ont des groupes guérilleros, des groupes structurés de délinquance organisée, des paramilitaires, des dissidents, des marginaux... c'est leur problème. Notre problème c'est un groupe armé hors la loi, lié au narcotrafic et obéissant à une stratégie claire de l'impérialisme [américain] avec le gouvernement colombien contre le Venezuela». Dans un communiqué, la diplomatie vénézuélienne a également accusé son voisin d'avoir donné «un consentement plus que tacite aux actions des groupes criminels opérant dans la zone» et d'avoir mis en place «un corridor d'activités illégales» dont le «narcotrafic», avec le soutien des Etats-Unis et de son groupe d’élite récemment créé de 7 000 soldats, avec l'objectif de financer «l'instrumentalisation de ces groupes armés contre le Venezuela». «L'abandon des frontières par l'Etat colombien est un fait avéré», ajoute le communiqué.
Au soir du début des affrontements, le 21 mars, le président vénézuélien Nicolas Maduro ne disait pas autre chose à la télévision. Il a également accusé le gouvernement colombien d'avoir «abandonné» sa frontière. «Nous sommes dans l'opération Bouclier bolivarien, protégeant notre frontière de l'abandon par la Colombie de toute sa frontière ce qui permet à des groupes armés de passer par là», avait-il dit, ajoutant que son pays aurait «zéro tolérance pour les groupes armés qui viennent de Colombie».
Le Venezuela et la Colombie n'ont plus de relations diplomatiques depuis que Bogota a reconnu l'opposant Juan Guaido en tant que président intérimaire du Venezuela en 2019. Les relations entre les deux voisins opposés idéologiquement mais partageant 2 200 kilomètres de frontière sont très tendues.
Meriem Laribi