Libye : l’élection du Premier ministre par intérim entachée par des faits de corruption ?
Un rapport de l'ONU affirme que plusieurs membres du Forum du dialogue politique libyen (FDPL) auraient perçu des pots-de-vin en échange d'un vote en faveur d'Abdel Hamid Dbeibah. Elu le 5 février, l'homme d'affaires récuse toutes les accusations.
Un rapport confidentiel rédigé par des experts indépendants de l’ONU (Organisation des Nations unies) et cité par l’AFP ce 28 février révèle que le processus de transition politique a été entaché par des faits de corruption. D’après le document, deux membres du Forum du dialogue politique libyen (FDPL) ont «offert des pots-de-vin de 150 000 à 200 000 dollars à au moins trois participants en échange d'un engagement à voter pour le candidat Abdel Hamid Dbeibah comme Premier ministre».
L’un des membres du FDPL aurait «éclaté de colère dans le hall d'un hôtel à Tunis en apprenant que certains participants auraient pu recevoir jusqu'à 400 000 à 500 000 dollars pour leurs votes en faveur de Hamid Dbeibah alors qu'il n'avait reçu que 200 000 dollars», est-il précisé dans l'annexe 13 de ce rapport qui doit être remis formellement aux 15 membres du Conseil de sécurité de l’ONU d'ici la mi-mars. Un participant à ce Forum ayant requis l'anonymat aurait aussi affirmé à l'AFP avoir été témoin de cette scène, se disant indigné d'une «corruption inacceptable au moment où la Libye traverse une crise majeure».
Le FDPL est un groupe de discussions qui rassemble 75 participants et qui a été lancé en novembre dernier à Tunis afin de regrouper toutes les forces politiques présentes en Libye. Cette instance soutenue par l’ONU vise à résoudre au plus vite l’impasse institutionnelle dans laquelle se retrouve la Libye depuis la chute du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Les participants au FDPL sont issus de différentes circonscriptions basées sur les principes d’inclusion et de juste représentation géographique, ethnique, politique, tribale et sociale, l’objectif étant de dégager un consensus quant à un cadre de gouvernance unifié pour «restaurer la souveraineté de la Libye et la légitimité démocratique des institutions libyennes», d’après la MANUL (Mission d’appui des Nations unies en Libye).
Le 5 février, ces délégués libyens de tous bords ont finalement choisi d’élire Abdel Hamid Dbeibah comme Premier ministre par intérim et ont acté la création d’un Conseil présidentiel composé de trois membres. Comme le rapporte RFI, sa liste avait obtenu 39 voix contre 34 à la liste adverse, donnée pourtant favorite. Abdel Hamid Dbeibah est un riche homme d’affaires âgé de 61 ans qui aura notamment pour mission de préparer les élections générales fixées au 24 décembre 2021.
Un vote de confiance prévu le 19 mars
En novembre déjà, des organisations libyennes avaient appelé à enquêter sur des «allégations de corruption» visant, selon elles, à influencer le processus de sélection des futurs responsables libyens. Un groupe d'experts des Nations unies avait alors été saisi. «Dès que nous aurons des informations sur ces allégations, vous serez les premiers informés», avait promis l'ancienne émissaire par intérim de l'ONU en Libye, Stephanie Williams, en s'adressant aux participants du dialogue politique.
Dans une lettre adressée le 20 février à l'actuel envoyé spécial onusien Jan Kubis, deux participantes au Forum, Sayida Kamel Yaacoubi et Azza Mahmoud Assid, avaient appelé à rendre public le rapport des experts afin de lever le voile sur cette affaire qui «porte atteinte à [leur] dignité».
Réagissant à ces allégations de corruption, Abdel Hamid Dbeibah a déclaré qu’il suivait «ces tentatives visant à perturber la formation du gouvernement et à entraver [le vote] de confiance en diffusant des rumeurs et des fake news». «Nous tenons à rassurer le peuple libyen que la concrétisation de la première phase de la feuille de route, à savoir le vote de confiance au gouvernement, est désormais imminente», avait-il précisé. Le responsable par intérim attend aujourd'hui un vote de confiance du Parlement qui doit avoir lieu avant le 19 mars afin qu’il puisse former son gouvernement.