Flambée des violences aux Etats-Unis : une conséquence de Black Lives Matter ?
La diminution des moyens alloués à la police après l'émergence du Black Lives Matter, dont c'était une revendication, explique-t-elle la hausse des violences aux Etats-Unis ? D'après un rapport, le nombre d'homicides y aurait augmenté de 30% en 2020.
D’après le politologue américain Wilfred Railly, la diminution des moyens alloués à la police, mais également la frilosité des policiers à interpeller des individus après l'importance prise par le mouvement Black Lives Matter (BLM) (La vie des Noirs compte en français) pourrait expliquer les flambées de violences que connaissent les Etats-Unis pour l’année 2020. C'est en tout cas l'analyse que présente ce professeur en science politique à l'université d’Etat du Kentucky, dans un article publié le 27 janvier 2021 sur le site d'information anglophone Quillette.
Et pour cause, les homicides auraient notamment augmenté de 30% sur l’année 2020, d’après un rapport publié en janvier 2021 par un think thank américain, la CCJ (Council on Criminal Justice ou Commission nationale sur la justice pénale).
Les budgets des polices de nombreuses villes largement réduits
Pour argumenter son propos, le politologue cite notamment l’article écrit par le journaliste German Lopez sur Vox, le 2 décembre dernier. Celui-ci, parmi une multitude de pistes avancées (le contexte sanitaire, les difficultés économiques, la surcharge hospitalière, etc.), souligne que la «confiance dans la police» pourrait avoir chuté après les cas médiatisés de violences policières, comme celui de George Floyd, mort lors de son interpellation en mai 2020 à Minneapolis après de longues minutes d'agonie. En conséquence, cela aurait entraîné davantage de «justice de rue» parallèlement à une diminution drastique des moyens attribués à la police.
A New York, et comme le rappelait le journal USA Today, la ville avait notamment décidé de réduire d’un milliard de dollars le financement du département de la police new-yorkaise. Cette décision avait pour conséquences directes, la suppression de 1 200 recrutements à l’Académie de police, la diminution du nombre d’heures supplémentaires accomplies par les policiers ou la restriction des campagnes de sensibilisation menées auprès des sans-abri. Ce constat est valable dans un grand nombre de villes aux Etats-Unis, comme à Los Angeles (Californie), où le budget de la police a été réduit de 150 millions de dollars, d’après une information rapportée par le Los Angeles Times.
Dans un autre article paru dans le New York Post, le 16 septembre, le conseil municipal de Minneapolis (Minnesota) s’alarmait également de la recrudescence des crimes dans la ville alors même que l’institution venait de voter la suppression du département de la police deux mois auparavant. «Les habitants se demandent : où est la police ?», avait notamment déclaré Jamal Osman, membre du conseil municipal. La ville (où George Floyd avait trouvé la mort) avait pris cette décision après plusieurs manifestations contre les violences policières du mouvement BLM, qui revendiquait notamment le démantèlement des forces de l'ordre. A la suite de ces décisions, environ 100 policiers avaient quitté le département de la police, selon Medaria Arradondo, chef de la police de Minneapolis. La présidente du conseil municipal, Lisa Bender, qui avait pourtant voté et appuyé le démantèlement de la police, s’était finalement plainte qu'elle ne fasse pas son travail, soulignant : «C’est très préoccupant étant donné le contexte actuel.»
Le nombre d’homicides en hausse de 30% sur l’année 2020
Dans son article, Wilfred Railly avance que la diminution importante du nombre de contrôles effectués par la police pourrait aussi jouer un rôle dans cette hausse des violences observée dans plusieurs villes. Prenant toujours appui sur Minneapolis, et faisant référence à un article publié par Bloomberg en septembre, il fait état d’une diminution de 80% des contrôles routiers depuis le 25 mai 2020, date exacte de la mort de George Floyd. En plus des vérifications de routine, les contrôles de véhicules et d’individus suspects ont respectivement diminué de 24% et 39 % depuis la même date. Bloomberg avançait une explication simple pour expliquer les mauvais chiffres : «La réduction des activités proactives de la police à la suite des critiques du public.»
D’après le rapport de la CCJ, en 2020, on enregistrerait 1 268 décès par homicide de plus que l’année précédente dans les villes étudiées dans le document. Comme le rapporte Wilfred Railly, citant les données du think tank, «les agressions graves ont augmenté de 15% à l’été et de 13% а l'automne 2020 ; les agressions à main armée, de 15% et 16%».
L'étude de la CCJ a été conduite par le criminologue Richard Rosenfeld, le professeur émérite de l’Université du Missouri Ernesto Lopez et le directeur de commission, Thomas Abt. L’analyse porte sur des statistiques mensuelles de criminalité et des infractions avec violence dans 34 villes américaines. La plus grande ville de l'échantillon est New York avec 8,42 millions d'habitants et la plus petite est Norfolk, en Virginie, avec 245 000 habitants. Les données sur la criminalité ont été obtenues sur les portails en ligne des services de police municipaux.
Ces premiers chiffres semblent corroborer les premières données publiées dans le rapport préliminaire du FBI qui porte sur les six premiers mois de l’année 2020 comparativement aux six premiers mois de l’année 2019. Dans sa publication, l'agence fédérale fait état d’une envolée du nombre de meurtres et d’homicides involontaires de 14,8% et d’une hausse des agressions par voie de faits graves de 4,6%. Tous les ans, la célèbre agence américaine publie des données sur l’évolution des crimes aux Etats-Unis mais n’a, à ce jour, pas rendu public son rapport définitif pour l’année 2020.