Le 5 février, dans un communiqué conjoint cité par l'AFP, les chefs de la diplomatie de l'Allemagne, de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont exprimé leur volonté de donner un nouveau souffle aux relations transatlantiques, à la suite d'une rencontre virtuelle – la première – depuis la prise de fonction du président américain Joe Biden, le 20 janvier dernier.
«Les ministres des Affaires étrangères ont convenu [de] relancer le partenariat transatlantique traditionnellement fort, et affronter ensemble les défis globaux à l'avenir», ont-ils déclaré, tout en saluant au passage un «premier échange approfondi […] caractérisé par une atmosphère confiante et constructive».
L'Iran au cœur des discussions
Soulignant l'importance de la relation transatlantique afin «de résoudre les défis mondiaux», le nouveau secrétaire d'Etat américain, Anthony Blinken, s'est félicité sur Twitter d'une «discussion productive» portant sur la pandémie mondiale, la crise politique birmane ou encore le dossier iranien.
Sur ce dernier, les ministres français et britannique des Affaires étrangères ont rappelé l'importance d'adopter une position commune pour trouver une issue positive. Jean-Yves Le Drian a qualifié les discussions «de conversation importante sur l'Iran» et sur la façon de gérer «ensemble» les défis liés au nucléaire et à la sécurité régionale. Dans le même temps, Dominic Raab a évoqué des discussions dont le but affiché est d'aboutir à «une approche unifiée [qui] pourrait répondre à [leurs] préoccupations communes au sujet de l'Iran»
La tenue de cette réunion entre les ministres européens des Affaires étrangères et leur homologue américain vient renforcer la probabilité d'un rétablissement de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, dont Donald Trump avait décidé de sortir unilatéralement les Etats-Unis en mai 2018. L'ancien président avait alors remis en vigueur les sanctions américaines que ce pacte avait permis de lever, et en avait imposé de nouvelles. Dans ce sillage, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo avait annoncé en septembre 2020 un retour des sanctions de l'ONU contre l'Iran avant de menacer tout pays ou entité qui les enfreindrait. Cette annonce avait alors suscité les protestations de Téhéran, bien sûr, mais aussi de Paris, Moscou, Londres et Berlin.
Le rejet par le Conseil de sécurité de l'ONU, le 14 août dernier, d'une résolution américaine visant à prolonger l'embargo sur les ventes d'armes à l'Iran est un autre exemple de la fracture qui s'est creusée entre l'Europe et les Etats-Unis sur le dossier iranien. Sur les 15 membres actuels du Conseil de sécurité des Nations unies, seuls deux – dont les Etats-Unis – ont voté en faveur de la prolongation de l'embargo. La Russie et la Chine s'y sont opposées, et les 11 membres restants se sont abstenus, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Cette fracture pourrait néanmoins s'amenuiser avec la possibilité évoquée par Joe Biden de réintégrer l'Accord de Vienne, «si l’Iran revient à une stricte application» de ses dispositions, comme le rapporte Le Monde.
L'OTAN, épine dans le pied de la relation transatlantique ?
Le 5 novembre dernier, Jean-Yves Le Drian avait pourtant déclaré au micro d'Europe 1 au sujet des élections américaines qu'on ne reviendrait pas «à une espèce de bon vieux temps de la relation transatlantique». Il avait également constaté une affirmation de la souveraineté européenne, y compris en matière de défense. Une position diamétralement opposée à celle de la ministre allemande de la Défense, Annegret Kramp-Karrenbauer, pour qui «les illusions d’une autonomie stratégique européenne doivent cesser», l'Union européenne étant selon elle dépendante de la protection militaire américaine. Deux visions stratégiques radicalement contraires, qui mettent en évidence une rupture toujours plus importante au sein du «couple franco-allemand».
Fin 2019, Emmanuel Macron avait lui-même déploré «l'état de mort cérébrale» de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord. Une déclaration alors jugée «très insultante» par Donald Trump, mais sur laquelle Joe Biden avait choisi de tourner la page. Le 10 novembre 2020, à l'occasion d'une première conversation téléphonique avec son homologue français, Joe Biden avait affirmé qu'il souhaitait «redynamiser les relations bilatérales et transatlantiques, notamment à travers l'OTAN et l'Union européenne». Une proposition qui n'a semble-t-il pas totalement convaincu Emmanuel Macron, qui a insisté le 4 février, lors d'un entretien accordé au think tank Atlantic Council, sur la nécessité de construire une défense européenne indépendante. «Je pense que plus l'Europe est investie dans la défense de ses zones d'intérêt, plus ça sera intéressant pour les Etats-Unis puisque notre coopération sera plus juste», avait-il justifié.
Confrontation ou partenariat ? L'avenir des relations avec la Russie en pointillé
A l'occasion de cet entretien, le chef de l'Etat avait également plaidé pour un dialogue avec la Russie, considéré comme indispensable pour «la paix et la stabilité européenne». Le même jour, Joe Biden déclarait que «le temps où les Etats-Unis se soumettaient face aux actes agressifs de la Russie était révolu». Une rhétorique qualifiée par le Kremlin de «très agressive et peu constructive», et qui met en lumière une approche divergente entre Paris et Washington sur la question des relations avec la Russie, abordées selon l'AFP lors du dialogue quadripartite du 5 février.
Un potentiel rapprochement franco-américain risquerait de freiner le souhait affiché d'Emmanuel Macron de se rapprocher de la Russie et maintiendrait la France dans une ambiguïté persistante, dont l'affaire Nord Stream 2 est un des exemples. Interrogé sur France Inter le 1er février, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, avait appelé Berlin à abandonner le projet de gazoduc qui doit relier l'Allemagne et la Russie. Comme quelques mois plus tôt, l'affaire Navalny était brandie pour justifier cette position sur un dossier très politisé.
Les Etats-Unis et l'Europe peuvent néanmoins compter sur un point d'accord pour «relancer» leurs relations après l'ère Trump : le retour des premiers dans l'Accord de Paris sur le climat, signé par Joe Biden quelques heures après son arrivée au pouvoir, le 20 janvier 2021. Le jour même, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'était dite «ravie que, dès le premier jour de cette nouvelle administration, les Etats-Unis rejoignent l'Accord de Paris». «C'est le point de départ de notre coopération renouvelée», s'était-elle enthousiasmée.