Après le meurtre de Chaïma, l'Algérie envisage d'élargir le champ d'application de la peine de mort

Après le meurtre de Chaïma, l'Algérie envisage d'élargir le champ d'application de la peine de mort© RYAD KRAMDI Source: AFP
Des manifestants algériens se rassemblent dans la capitale Alger le 8 octobre 2020 pour dénoncer le meurtre brutal de Chaïma et ceux des 38 autres femmes tuées cette année (image d'illustration).
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Face à la vague d'indignation provoquée par le viol puis le meurtre brutal d'une jeune femme de 19 ans près d'Alger, les débats autour de la peine de mort, mais aussi des lois et des mécanismes visant à protéger les femmes ont ressurgi.

L'onde de choc provoquée par le viol puis le meurtre extrêmement brutal le 1er octobre de la jeune Chaïma F., 19 ans, a relancé les débats sur la peine de mort et la législation actuellement en vigueur dans le pays sur les violences faites aux femmes. Les autorités algériennes entendent durcir les peines pour les faits d'enlèvement, pouvant aller jusqu'à la peine capitale en cas de kidnapping de mineurs ou de décès de la victime.

Kidnappée, torturée, violée puis brûlée vive

Le 3 octobre, Chaïma a été retrouvée morte par les services de la Sûreté, dans une station-service désaffectée de la commune de Thénia (60 kilomètres à l'est d'Alger), après avoir été kidnappée, torturée et violée. Son assassin lui a asséné plusieurs coups de couteau, «avant de la violer, de la frapper, et de la jeter par terre pour la brûler en l'aspergeant d'essence», selon le procureur général de Boumerdès. Arrêté rapidement, le présumé assassin est poursuivi pour «viol» et «meurtre avec préméditation avec usage de torture et méthodes barbares».

Le juge d'instruction du tribunal de Boumerdès a ordonné le 5 octobre de placer en détention provisoire le meurtrier présumé de Chaïma. Selon des sources locales citées par TV5 Monde, l'individu, Bouchenaki Abdeslam, aurait reconnu les faits qui lui sont reprochés et aurait affirmé avoir tendu un piège à la victime.

D'après les médias algériens, la jeune femme n'avait plus donné signe de vie depuis quelques jours après avoir été envoyée par sa famille régler une facture de téléphone en ville. Le média en ligne TSA a rapporté que Chaïma «connaissait bien son bourreau pour avoir eu affaire à lui il y a quatre ans, quand il avait tenté de la violer». La jeune fille avait alors porté plainte contre son agresseur.

Une vague d'indignation qui dépasse les frontières algériennes

Le crime de cette jeune femme a provoqué une vague d'indignation au sein de la société algérienne, mais également à l'international, notamment sur les réseaux sociaux – sous le hashtag #JeSuisChaima – et au travers des médias classiques.

Ce gouvernement n'offre aucun refuge ni mécanisme pour protéger les victimes de leurs tortionnaires

Le 8 octobre, un groupe de manifestants s'est rassemblé dans le centre-ville d'Alger dans le but de dénoncer le meurtre de Chaïma. «Ce gouvernement n'offre aucun refuge ni mécanisme pour protéger les victimes de leurs tortionnaires. Ce gouvernement dit qu'il a des lois, mais en réalité on demande aux femmes de pardonner à leur agresseur, que ce soit leur frère ou leur père ou qui que ce soit d'autre», s'est indignée une manifestante algérienne citée par Le Point. Et d'ajouter : «Les femmes déposent une plainte et attendent trois ou quatre ans pour qu'un jugement soit rendu. Ce sont des conditions inacceptables.»

Le même jour, un sit-in a eu lieu devant le consulat d'Algérie à Paris (XIe) lors duquel les protestataires ont dénoncé «le laxisme de l'Etat algérien, la complicité des agents de sécurité et du corps judiciaire et la banalisation des violences faites aux femmes par la société».

Les féminicides ne cessent d'augmenter en Algérie, où la loi contre les violences faites aux femmes adoptée en 2016 contient encore une "clause de pardon" permettant à l'agresseur de rester impuni pour ses crimes

Le lendemain, le mouvement féministe Femen a organisé une action à Paris, lors duquel les militantes se sont photographiées seins nus avec des messages écrits sur leurs corps tels que «Justice pour Chaïma», au niveau de la rue des Patriarches (Ve). «Les féminicides ne cessent d'augmenter en Algérie, où la loi contre les violences faites aux femmes adoptée en 2016 contient encore une "clause de pardon" permettant à l'agresseur de rester impuni pour ses crimes. Femen demande le retrait de cette clause de pardon, ainsi que la notion de "crime d'honneur" de l'article 279 excusant le meurtre, les coups et les blessures s'ils sont commis par l'un des époux sur sa/son conjointe/conjoint en cas de flagrant délit d'adultère», peut-on également lire sur l'une des publications postées sur la page Facebook des Femen.

Peine de mort, perpétuité : les peines bientôt durcies ?

Une quarantaine de femmes ont été tuées par des hommes entre le 1er janvier 2020 et le 1er octobre en Algérie. Cependant, la brutalité du meurtre de Chaïma – suivi des découvertes macabres cette semaine dans l'est et le sud du pays de deux cadavres de femmes calcinés – et l'onde de choc qui a suivi ont poussé la société algérienne à relancer le débat autour de la peine de mort, qui fait l'objet d'un moratoire depuis 1993 en Algérie.

Face à une part croissante de l'opinion publique algérienne réclamant des mesures réelles et des mécanismes visant à protéger les femmes, le ministre algérien de la Justice Belkacem Zeghmati a fait un premier pas en présentant le 11 octobre le nouveau projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre les crimes d'enlèvement, adopté par le Conseil des ministres lors de sa dernière réunion.

«Ce projet de loi stipule que l'Etat se charge de la mise en place d'une stratégie nationale de prévention contre le crime d'enlèvement, ce qui permet à l'ensemble des acteurs de la société, à commencer par la famille et l'école en passant par la société civile et les médias, de jouer un rôle important dans la lutte contre ce type de criminalité», a rapporté l'agence de presse algérienne APS.

Si la prévention constitue le premier volet de ce projet de loi, la répression en est le second. Belkacem Zeghmati prévoit ainsi l'allongement de l'ensemble des peines de 10 à 20 ans de prison pour les enlèvements, voire la perpétuité selon la gravité des préjudices subis par la victime. Par ailleurs, si l'enlèvement a pour conséquence le décès de la victime, ou si celle-ci était mineure lors du kidnapping, la sentence encourue serait la peine de mort.

«Au titre des mesures dissuasives, les auteurs de ce type de criminalité ne peuvent bénéficier de circonstances atténuantes, ni de d'adaptation de la peine», a également détaillé le ministre algérien de la Justice cité par l'APS. Ils devront donc purger la totalité de leurs sanctions, sans pouvoir bénéficier de procédures de permis de sortie, de semi-liberté, de placement extérieur ou de libération conditionnelle.

En outre, même en l'absence de plainte, le Parquet général pourra déclencher l'action publique concernant ce type de crime. Les organismes et les associations œuvrant dans le domaine de la protection des droits de l'homme pourront «porter plainte devant les juridictions et se constituer partie civile avec demande de réparation», rapporte l'APS.

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