Relations Iran/Etats-Unis : une rancœur tenace malgré la pandémie

Relations Iran/Etats-Unis : une rancœur tenace malgré la pandémie© Nicholas Kamm/Présidence iranienne Source: AFP
Donald Trump (à gauche) et Hassan Rohani (à droite) (image d'illustration).
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40 ans après la fin de leurs relations diplomatiques, l'Iran et les Etats-Unis entretiennent leur rivalité. Cependant, en pleine épidémie de coronavirus, les mesures de rétorsions économiques appliquées contre la République islamique sont contestées.

7 avril 1980. Après plusieurs mois d’enlisement dans les tractations entre les deux nations, les Etats-Unis rompent finalement leurs relations diplomatiques avec la toute nouvelle République islamique d’Iran. En effet, en conséquence du renversement du Shah et au retour à Téhéran, le 1er février 1979, de Rouhollah Khomeini – qui deviendra le premier Guide de la Révolution – des dizaines d’étudiants prennent d’assaut l’ambassade des Etats-Unis, le 4 novembre 1979 dans la capitale perse, et retiennent pendant plus de 400 jours une cinquantaine de ressortissants américains.

Cet épisode marque le début d’une inimitié réciproque : «grand Satan» d’un côté et «axe du mal» de l’autre. Les sanctions économiques décrétées par le président Ronald Reagan contre l’Iran depuis la guerre Iran-Irak (1980-1988) pèsent lourdement sur l’économie du pays, principalement sur ses revenus pétroliers. En 1996, sous la présidence de Bill Clinton, le Congrès américain vote l’Iran and Libya Sanctions Act, qui visent à punir les «Etats voyous» qui financeraient le terrorisme et tenteraient de se procurer des armes de destruction massive, dont l’Iran fait partie selon les Américains. Les années 2000, marquées par les présidences de Georges W. Bush et Mahmoud Ahmadinejad ne vont rien arranger.

Il faudra attendre l’arrivée au pouvoir de deux hommes, un dans chaque camp, pour entrevoir un mince espoir de détente. Réunis à Vienne en juillet 2015 en compagnie de plusieurs grandes puissances mondiales (Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Allemagne), les présidents Hassan Rohani et Barack Obama ratifient un accord sur le nucléaire visant à lever les sanctions économiques en échange d’un contrôle plus strict des capacités atomiques iraniennes. Mais, en mai 2018, le président nouvellement élu Donald Trump annonce le retrait des Etats-Unis de l’accord et le retour à une politique de «pression maximale» sur Téhéran, principalement par le biais d'un durcissement des sanctions économiques.

Des pénuries de médicaments en pleine pandémie

Si celles-ci visent la principale source de revenus iranienne, le pétrole, beaucoup d’autres pans de l’économie sont frappés de plein fouet comme le textile, l’industrie ou encore le secteur minier. Cependant, en théorie, les denrées médicales ne peuvent être soumises à embargo comme le rappelait la Cour internationale de Justice dans une décision du 3 octobre 2018, exhortant les Etats-Unis à supprimer «toute entrave [...] à la libre exportation vers l'Iran de médicaments et de matériel médical». Une semonce non suivie d’effet.

En pratique, avec leur puissance de frappe financière – et l'extraterritorialité de leur droit – les Etats-Unis sont parvenus à intimider les acteurs économiques. N’osant pas s’exposer à la foudre américaine, et potentiellement à des représailles, les banques internationales refusent le plus souvent les transactions impliquant l’Iran, dont certaines concernent des médicaments.

Ces facteurs additionnés ont entraîné une forte tension de la demande que le marché intérieur tente de juguler comme il peut. Selon le syndicat des industries pharmaceutiques iraniennes, 96% des médicaments consommés sont ainsi produits dans le pays, qui doit toutefois importer les composants nécessaires à leur fabrication. Depuis le durcissement des sanctions américaines, les pénuries de produits pharmaceutiques se multiplient et des traitements pour des maladies telles que le diabète ou la sclérose en plaques se font rares.

Avec la pandémie de coronavirus, qui touche durement l’Iran (3 700 décès), la situation entre les deux nations a encore empiré. Le 29 mars sur Twitter, le ministre des Affaires étrangères de la République islamique, Javad Zarif, a fait savoir que «les Etats-Unis étaient passés du sabotage et de l’assassinat ainsi que du terrorisme économique au terrorisme médical». «Cela dépasse même ce qui serait autorisé sur le champ de bataille. Arrêtez de participer à des crimes de guerre. Arrêtez de vous soumettre aux sanctions américaines immorales et illégales», a-t-il encore ajouté.

Il a été imité quelques jours plus tard par l’envoyé iranien en Belgique, dans une missive adressée au chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. «[Les] sanctions unilatérales et illégales imposées par les Etats-Unis à l’Iran sous le couvert de leur campagne de pression maximale minent la capacité du pays à combattre efficacement le virus sans aucun soutien international à long terme», a souligné Gholam Hossein Dehqani, selon l’agence de presse chinoise Xinhua.

La communauté internationale se mobilise

Des accusations auxquelles avaient répondu les Etats-Unis le 20 mars déjà par la voix du secrétaire d’Etat Mike Pompeo : «Nous faisons tout notre possible pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et faire en sorte que les transactions financières qui y sont liées puissent également avoir lieu. Ils ont un terrible problème là-bas et nous voulons que l'aide humanitaire et médicale soit apportée au peuple iranien».

Trois jours plus tard, le Gardien de la jurisprudence, Ali Khamenei, avait lui déclaré refuser l’aide humanitaire américaine. «Plusieurs fois, les Américains ont proposé de l'aide pour lutter contre l'épidémie. Des propos très étonnants, car selon vos propres responsables, vous souffrez vous-même d’une pénurie. Si vous avez quelque chose, utilisez-le pour soigner vos propres malades», avait tancé l’ayatollah, précisant que les Américains étaient «accusés d’avoir produire le coronavirus». «Tant qu’une telle accusation existe, aucun homme sage ne peut vous faire confiance», avait-il également appuyé.

Depuis quelques semaines, de nombreux pays se positionnent eux pour un moratoire sur les sanctions économiques pendant la durée de la pandémie. «Le Groupe des 77 et la Chine considèrent qu'à ce stade, la promulgation et l'application de mesures économiques coercitives unilatérales auront un impact négatif sur la capacité des États à réagir efficacement, en particulier dans l'acquisition de matériel et de fournitures médicales pour traiter convenablement leur population face à cette pandémie [...] Nous appelons donc la communauté internationale à adopter des mesures urgentes et efficaces pour éliminer le recours à des mesures économiques coercitives unilatérales contre les pays en développement», ont expliqué les membres du G77 et la Chine dans un communiqué de presse commun diffusé le 3 avril.

Côté européen, si le mécanisme de contournement des sanction, Instex, a commencé à fonctionner, Josep Borrel avait lui fait savoir que l’Union européenne soutiendrait la demande de financement de l’Iran auprès du Fonds Monétaire International (FMI). «Nous allons soutenir cette demande, car ces pays [l’Iran et le Venezuela] sont dans une situation très difficile, principalement due aux sanctions américaines qui les privent de revenus sur la vente de leur pétrole», avait-il ajouté à l’issue d’une visioconférence, le 23 mars, avec les ministres des Affaires étrangères de l’UE.

S'il devait y avoir discrimination entre l'Iran et d'autres pour l'octroi de crédits, ni nous ni l'opinion en général ne le tolérerait.

Principal problème : Washington bénéficie d’un droit de veto au sein de l’institution financière et Mike Pompeo n’avait pas caché ses réticences à l’octroi d’une facilité de crédit à Téhéran. Le président Hassan Rohani a de nouveau exhorté ce 8 avril le FMI à «assumer» ses «responsabilités». «Nous sommes un membre du FMI [...] S'il devait y avoir discrimination entre l'Iran et d'autres pour l'octroi de crédits, ni nous ni l'opinion en général ne le tolérerait», a prévenu le chef d’Etat lors d’une allocution retransmise à la télévision.

Alexis Le Meur

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