L'Etat d'Israël se serait-il sorti de l’impasse institutionnelle dans laquelle il se trouve depuis bientôt an ? C’est en tout cas ce qu’a laissé augurer le choix du président Reuven Rivnlin, rendu public le 16 mars, de charger le centriste Benny Gantz de constituer un nouveau gouvernement. Un retournement de situation car après le scrutin du 2 mars dernier, son principal adversaire, le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahou, avait obtenu le plus grand nombre de siège (36 sur les 120 de la Knesset, le Parlement israélien, contre 33 pour son adversaire) et annoncé sa victoire.
Mais celui qui détient le record de longévité à la tête du gouvernement hébreux, plus de 13 ans, aura finalement échoué à réunir les députés nécessaires pour être choisi par le président. «C'est pourquoi je vous confie cette opportunité de former un gouvernement», a expliqué Reuven Rivlin à Benny Gantz, qui a été recommandé par un nombre supérieur de députés.
Une trop large coalition ?
«Je vais tout faire pour former en un minimum de jours un gouvernement national, patriotique et aussi large que possible», a promis l’ancien chef d’état-major de l'armée israélienne, appelant dans son discours à «l’unité» des partis politiques israéliens, Likoud de Benyamin Netanyahou compris, afin de faire face à la pandémie mondiale de coronavirus qui secoue la planète. «Il est temps que les chefs de partis, en particulier le Likoud, décident s'ils veulent emprunter la voie [de l’unité]» a fait valoir le chef de file du parti Bleu-Blanc, expliquant qu’il «fallait absolument éviter une quatrième élection [après les scrutin d’avril et septembre 2019]». Plus de 300 personnes sont touchées par la maladie dans le pays et Benny Gantz dispose de 28 jours pour former un gouvernement de coalition.
Mais la tâche s’annonce bien plus difficile que prévue au vu de l'ampleur du spectre politique que couvre ce potentiel gouvernement d’union. D’Avigdor Liberman, ancien ministre de la Défense de «Bibi», du parti de droite nationaliste Israël Beiteinou, connu pour ses sorties virulentes contre les Arabes israéliens, à la Liste unie des quatre partis arabes, la majorité que pourrait constituer Benny Gantz ne tiendrait qu’à un fil. Par le passé, Avigdor Liberman avait plusieurs fois refusé de participer à un gouvernement soutenu par les partis arabes israéliens, et la moindre défection serait fatale à tout espoir de sortie de crise. Le 16 mars, Benny Gantz a contacté les dirigeants des trois partis religieux et de droite alliés de Benjamin Netanyahou, sans succès puisque ceux-ci ont simplement refusé de le rencontrer.
Car si le danger d’une implosion de la future coalition guette, le Premier ministre israélien n’a pas dit son dernier mot. Inculpé dans plusieurs affaires de corruption présumée, le leader du Likoud a vu son procès repoussé au 24 mai du fait de l’épidémie de coronavirus qui frappe la planète, le travail des tribunaux ayant été limité. Ces derniers jours, Benjamin Netanyahou avait plusieurs fois appelé à la formation d’un gouvernement d’union nationale sous sa direction, arguant de la nécessité de faire face à cette crise sanitaire majeure.
«Netanyahou veut se présenter à de nouvelles élections dans six ou huit mois sur le dos de la "victoire contre le coronavirus". Au fond, la mer est toujours bleue, les Arabes sont toujours arabes et Bibi est le même Bibi», a commenté, dans son style caractéristique, son ancien ministre de la Défense.
Or, la coalition autour de de Benny Gantz pourrait voir le jour avec une unique mission : empêcher Benjamin Netanyahou de se représenter en inscrivant dans la loi l’impossibilité pour un député inculpé de former un gouvernement, avant de dissoudre la Knesset. Un scénario qui demanderait aux Israéliens de retourner aux urnes pour la quatrième fois en deux ans et que redoute le président Reuven Rivlin. «Je n'ai qu'une demande à vous faire, donnez à ce peuple un gouvernement», a-t-il imploré le 16 mars à la Knesset, s’adressant aux deux rivaux politiques.
Alexis Le Meur