Liban : des manifestants dans les rues exigent la formation d'un gouvernement
Des Libanais se sont mobilisés, le 14 janvier, pour exiger la mise en place d'un gouvernement et désavouer la Banque centrale, symbole de la crise économique du pays. Des heurts entre manifestants et policiers ont eu lieu, faisant plusieurs blessés.
Dans un contexte de graves crises politiques – retard de la formation d’un nouveau gouvernement – et économiques – restrictions draconiennes sur les retraits bancaires et une dévaluation d'environ 40% de la monnaie nationale – qui ébranlent le pays du Cèdre, plusieurs milliers de Libanais, selon RFI, sont descendus dans les rues des principales villes, le 14 janvier, pour le 90e jour de contestation sans précédent au Liban. Des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont également eu lieu, notamment devant la Banque centrale libanaise où plusieurs centaines d'entre eux s'étaient regroupées.
Rassemblés devant l’institution financière, symbole cristallisant les colères et récriminations au vu de la situation du Liban, les protestataires ont été chargés par des policiers anti-émeutes munis de matraques et de boucliers, qui ont également tiré des gaz lacrymogènes pour les disperser et les contraindre à reculer, d’après l’AFP.
Les manifestants ont alors délogé des pavés pour les lancer sur les forces de l’ordre, tout en se servant d’oignons pour se protéger des gaz, a rapporté l’AFP. Sur fond de crise économique et financière, plusieurs façades en verre de banques ont été brisées et vandalisées.
Plusieurs personnes ont été blessées lors de ces affrontements, tant du côté des protestataires que des policiers. Sans donner de bilan précis, la défense civile a indiqué avoir soigné sur place des blessés légers parmi les civils et les forces de l’ordre, tandis que d’autres blessés ont été transférés vers des hôpitaux, selon l’AFP. Les forces de sécurité intérieure ont dénoncé sur Twitter des «attaques» menées par des «émeutiers» qui ont jeté des pierres et tiré des pétards contre la police.
Toute la journée du 14 janvier, à travers le pays, les manifestants ont bloqué des axes routiers à l'aide de bennes à ordures et de pneus brûlés. Avec des rassemblements organisés sous le slogan «la semaine de la colère», les manifestants se sont mobilisés à Beyrouth, à Tripoli, grande ville du nord, à Hasbaya (sud-est) ou dans le Akkar (nord), pour exiger la formation immédiate d'un gouvernement de technocrates, d’après l’AFP.
Dans l'attente de la formation d'un gouvernement
Le soulèvement au Liban, lancé le 17 octobre 2019, réclame le départ d'une classe dirigeante accusée de corruption et d'incompétence. Les manifestants fustigent au même titre la Banque centrale et son gouverneur, qu'ils jugent complices des politiques et portant une grande part de responsabilité dans la crise économique.
D’un point de vue politique, le 29 octobre, le Premier ministre libanais Saad Hariri avait présenté sa démission au président de la République Michel Aoun. Hassan Diab, ancien ministre de l’Education soutenu par le Hezbollah, désigné comme successeur le 19 décembre, n’ayant toujours pas formé de gouvernement est accusé d’inertie.
Le taux de pauvreté pourrait englober 50% de la population, selon la Banque mondiale
D’un point de vue économique, la situation, déjà précaire avant le début de la contestation, s'est détériorée ces dernières semaines sur fond de restrictions concernant les retraits bancaires et une monnaie nationale qui a perdu près de la moitié de sa valeur sur le marché parallèle, entraînant une hausse des prix.
En pleine pénurie du dollar, utilisé au Liban au même titre que la monnaie nationale, les banques ont limité les retraits à environ un millier de dollars par mois, provoquant des files d'attente interminables et parfois même des altercations dans certains établissements, selon l’AFP.
La monnaie nationale, indexée sur le billet vert depuis 1997 au taux fixe de 1,507 livres pour un dollar, a perdu près de la moitié de sa valeur dans les bureaux de change, frôlant désormais 2,500 livres pour un dollar. En conséquences, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leurs emplois ou vu leur salaire divisé par deux, d’après l’AFP. Dans ce contexte de crise, le président Michel Aoun a promis le 14 janvier «tous les efforts possibles pour former un gouvernement [...] doté d'un plan défini et rapide pour gérer la crise économique et financière pressante».
Par dizaines de milliers, les manifestants ont envahi régulièrement, en cette fin d'année 2019, les rues de différentes villes du Liban pour exprimer leur colère face à la classe politique, épinglée pour sa conduite des affaires du pays. La genèse de cette série de manifestations remonte au 17 octobre, lorsque le gouvernement libanais a décidé d'imposer une taxe sur les appels effectués via les applications de messagerie instantanée comme WhatsApp, mais aussi sur les cigarettes ou l’essence. Si la mesure impopulaire a été aussitôt annulée, les Libanais continuent d’exprimer leur ras-le-bol face à une corruption jugée endémique.