Irak : plusieurs centaines de manifestants incendient un consulat iranien
Des centaines de manifestants irakiens ont attaqué puis incendié le consulat iranien de Najaf. La police est intervenue, faisant 15 morts et au moins 150 blessés. La corruption et l'Iran semblent les principales cibles du mouvement contestataire.
Des manifestants irakiens ont pris d’assaut puis incendié, le 27 novembre au soir, le consulat d'Iran de la ville sainte chiite de Najaf, au sud de Bagdad. Les forces de l’ordre sont intervenues pour disperser les protestataires, faisant 15 morts et au moins 150 blessés, selon l'AFP. Les membres du personnel du consulat ont pu être évacués et les autorités de Najaf ont ensuite imposé un couvre-feu. Les manifestants ont ainsi franchi un nouveau cap dans le mouvement inédit de contestation contre le pouvoir en place, au cours duquel 380 personnes sont mortes et 15 000 individus ont été blessés depuis le 1er octobre, d'après un bilan de sources médicales et policières compilé par l'AFP.
In #Najaf , #Iraq the Iranian consulate was set on fire earlier tonight , a curfew has been put in place in the city. #Iran#Iraq#IraqiProtestspic.twitter.com/RFAx97BnHy
— Steven nabil (@thestevennabil) November 27, 2019
Au cours de l’attaque du consulat iranien, des centaines de manifestants ont crié «Iran dehors» et «Victoire à l’Irak».
#Iran's consulate set ablaze by protesters in #Najaf, #Iraqpic.twitter.com/UNdgpUqe3D
— Ruptly (@Ruptly) November 28, 2019
En réponse à l’incendie du consulat iranien, les autorités irakiennes ont dénoncé des personnes «étrangères aux manifestations légitimes» qui veulent «clairement saper les relations historiques entre les deux pays», a rapporté l’AFP.
Quelques heures après l’incendie du bâtiment diplomatique, alors que le calme regagnait Najaf sous couvre-feu, c’est la ville de Nassiriya, capitale de la province méridionale de Zi Qar, qui a été le théâtre de nouveaux heurts entre manifestants et forces de l’ordre.
Selon l’AFP, au moins 22 personnes ont été tuées par la police au cours d’une intervention visant à sécuriser deux ponts surplombant l’Euphrate. Au cours de cette manœuvre, au moins 180 protestataires qui bloquaient ces ponts ont également été blessés, dont plusieurs sont dans un état critique, ont signalé des sources médicales et de sécurité à l’AFP. Les autorités locales ont annoncé ce 28 novembre avoir décrété un couvre-feu dans la ville, foyer historique de la révolte en Irak depuis des décennies.
La réponse des autorités nationales ne s’est pas faite attendre, puisque d’importants déploiements des forces de l’ordre étaient à l’œuvre à Nassiriya et dans plusieurs autres villes du sud du pays, dès le 28 novembre au matin, selon l'AFP. Effectivement, Bagdad a dépêché des commandants militaires auprès de plusieurs gouverneurs du sud du pays afin de «restaurer l’ordre».
De son côté, Téhéran a qualifié les manifestants irakiens d’«agents destructeurs» et réclamé à Bagdad «une action décisive, efficace et responsable».
Un mouvement contestataire national ?
Mais le mouvement contestataire ne se limite pas à Najaf et Nassiriya, et a bel et bien acquis une ampleur nationale. En effet, à Kerbala, seconde ville sainte d’Irak qui se situe au sud de Bagdad, les manifestants s’en étaient déjà pris au consulat iranien, le 4 novembre. La réplique des forces de l’ordre avait alors fait quatre morts.
La capitale n’est pas épargnée puisque la place Tahrir, au cœur de la capitale irakienne, est devenue le théâtre de violents affrontements depuis le début des manifestations début octobre. Ou encore, à Bassorah, ville assise sur la majorité des réserves de pétrole d’Irak, les manifestants ont tenté d’assiéger les infrastructures pétrolières, sans toutefois y parvenir, d'après l'AFP.
Ainsi, la moitié sud de l’Irak semble paralysée depuis plusieurs semaines. En plus des écoles et administrations fermées, les manifestants brûlent des pneus sur les routes et autoroutes, afin de bloquer tous mouvements et toucher les autorités en leur point névralgique, l’or noir.
L’Iran et la corruption, cibles du mouvement contestataire
Après deux mois de manifestations, les Irakiens ne se cachent plus et crient désormais en plein jour leur colère envers l’Iran, mais également à l’encontre du système politique mis en place par les Américains, qui ont renversé Saddam Hussein en 2003.
En effet, les revendications des manifestants visent le «système politique conçu par les Américains» qui «est à bout de souffle» et «l’un des plus corrompus», selon l'AFP. Officiellement, 410 milliards d’euros ont été détournés ces seize dernières années, soit deux fois le PIB du pays, indique Euronews. Dans un pays où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, des dizaines de milliers d’Irakiens réclament le renouvellement du système et de la classe dirigeante. Portés par un mécontentement grandissant à l'égard de leur gouvernement, les manifestants ont également réclamé «des rues asphaltées, une ville où tout marche, la reconstruction, du travail, des services publics», selon des propos rapportés par l'AFP.
Par ailleurs, les protestataires s’indignent également de l’influence grandissante de l’Iran sur leur classe politique. Ainsi, les manifestants accusent l’Irak d'être désormais entre les mains de l’Iran et notamment de son émissaire pour les affaires irakiennes, le général Qasem Soleimani, commandant des Gardiens de la Révolution islamique, la garde prétorienne de la République islamique iranienne, d'après des propos de manifestants rapportés par l'AFP.
Plus précisément, les manifestants accusent le gouvernement du Premier ministre Adel Abdel-Mehdi, entré en fonction le 25 octobre 2018, d’être «incompétent» et affilié aux deux pays qui cherchent à avoir la main mise sur l’Irak : les Etats-Unis et l’Iran. Dans le sillage de la décision de Donald Trump de retirer progressivement ses troupes du Moyen-Orient, la République islamique semble prendre l’avantage.