«J'en ai assez de ramasser les morceaux» : l'OTAN divise le couple franco-allemand
Berlin a vivement critiqué les déclarations d'Emmanuel Macron, qui jugeait l'OTAN en état de «mort cérébrale». Pour Angela Merkel, l'alliance militaire héritée de la guerre froide représente toujours un «rempart» garantissant «la liberté et la paix».
Le torchon brûle entre Paris et Berlin. Après les déclarations d’Emmanuel Macron, dans un entretien au magazine The Economist publié le 7 novembre, dans lequel il avait estimé que l’OTAN était en état de «mort cérébrale», la chancelière allemande Angela Merkel et son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas ont fermement répondu au président français, à moins d'une semaine de l'ouverture du sommet de l’organisation à Londres, qui s’annonce déjà houleux.
Mettant en lumière un «rempart contre la guerre», Angela Merkel, qui s’est exprimé ce 27 novembre devant les députés Outre-Rhin, a assuré que l’OTAN garantissait «la liberté et la paix» depuis 70 ans et ce, en grande partie grâce «à nos amis américains». «Il est dans notre intérêt de préserver l'OTAN, plus que pendant la guerre froide», a-t-elle fait valoir, arguant que l’Europe ne «peut pas se défendre seule pour le moment». «Nous dépendons de l'Alliance transatlantique. Il est important que nous travaillions pour cette Alliance et que nous assumions davantage de responsabilités», a-t-elle ajouté.
Angela Merkel a par ailleurs promis que son pays atteindrait l’objectif de l’Alliance atlantique en termes de dépenses militaires, fixé à 2% du PIB, au «début de la décennie 2030», alors que les Etats-Unis critiquent régulièrement un manque d’investissements dans ce domaine de la part de l’Allemagne malgré des excédents budgétaires.
La veille, c’est Heiko Maas, ministre allemand des Affaires étrangères, qui avait pris la parole pour soutenir l’alliance, dans une réponse à peine voilée aux propos d'Emmanuel Macron. «On peut dire, à juste titre, que l’OTAN est en vie», avait-il indiqué, soulignant que l’organisation demeurait cruciale pour la sécurité et qu’elle devait être développée davantage, d’après des propos repris par l’agence Reuters.
Des «approches politiques souvent différentes»
Dans le même temps, le New York Times avait mis en ligne, le 23 novembre, un article rapportant un échange tendu (que la chancelière dément avoir tenu) qui se serait déroulé le 10 novembre dans la capitale allemande en marge des célébrations des 30 ans de la chute du Mur de Berlin, entre Emmanuel Macron et Angela Merkel. Selon les informations rapportées par le quotidien américain, la chancelière aurait tancé son homologue français : «Je comprends votre désir d'une politique de rupture […] mais j'en ai assez de ramasser les morceaux. Encore et encore, je dois recoller les bouts de tasse que vous avez cassés pour qu'on puisse ensuite s'asseoir et prendre une tasse de thé ensemble.»
Ce à quoi Emmanuel Macron aurait simplement répondu : «Je ne peux pas faire comme si de rien n’était [à propos de l’offensive turque en Syrie sans concertation préalable avec ses alliés de l’OTAN].»
Ces bruits de couloir avaient poussé le porte-parole de la chancelière, Steffen Seibert, à intervenir le 25 novembre pour couper court à toute polémique. «Dans la mémoire de la chancelière sur ce qu’il s’est passé ce soir-là, il n’y eut ni plainte, ni colère, ni querelle», a-t-il insisté, reconnaissant néanmoins des «approches politiques souvent différentes de l’Allemagne et de la France pour faire face aux problèmes et aux défis».
Début novembre, Angela Merkel avait déjà critiqué l’analyse d’Emmanuel Macron sur l’organisation, tout comme Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan, parlant d’un «jugement intempestif» et de «termes radicaux». La France et l’Allemagne ont récemment proposé la constitution d’un comité d’experts présidé par Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, afin de renforcer le processus politique au sein de l’alliance militaire.
Alexis Le Meur
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