Jacques Chirac : la diplomatie gaullienne et l'amitié franco-russe
L'ancien président, décédé ce 26 septembre, entretenait des liens amicaux avec la Russie et son homologue Vladimir Poutine. Les deux dirigeants se sont rencontrés de nombreuses fois mais après son départ de l'Elysée la situation s'est dégradée.
«Jusqu'ici, les meilleures relations [entre la France et la Russie], c'était avec Jacques Chirac.» Cette phrase, prononcée par le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en amont de la première rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron en mai 2017, n’est pas sans faire écho à la mort de l’ancien président de la République ce 26 septembre. Si le nouvel occupant de l’Elysée a récemment tenté, dans une posture gaullienne empruntée à l’ancien Premier ministre, de renouer des liens avec la Russie, force est de constater qu’Emmanuel Macron est encore loin de l’image dont jouissait Jacques Chirac dans le pays.
L’entente qu’avaient réussi à nouer l’ancien député de la Corrèze et Vladimir Poutine est aujourd’hui vue comme un petit âge d’or des relations franco-russes. A l’époque, les deux dirigeants étaient conscients que les intérêts des deux nations pouvaient converger, mais faisaient également montre d’un respect mutuel l’un pour l’autre, voire d’affection.
Front commun sur les dossiers internationaux
Tout commence en 2003, lorsque le ministre des Affaires étrangères de l’époque, Dominique de Villepin, prononce un discours qui fera date, dans lequel il s’oppose à une intervention française en Irak. Une décision qui avait rapproché les deux pays mais plus encore les deux hommes. Jacques Chirac sera reçu l’année suivante par Vladimir Poutine dans sa résidence personnelle de Novo Ogarevo. Une grande marque d’estime.
Cette conscience d’appartenance au même monde ainsi que la convergence d’intérêts communs n’est pas étrangère à la connaissance de la langue russe par l’ancien maire de Paris. Vladimir Poutine avait même invité son homologue français à visiter le centre d’essais et de contrôle spatial militaire Guerman Titov de Krasnoznamensk. Un privilège auquel n’avait jusqu’alors eu droit aucun dirigeant étranger. Un signe supplémentaire de la confiance qui régnait entre les deux hommes.
Par la suite, Jacques Chirac a invité le président russe au 60e anniversaire du débarquement allié en Normandie. «Quoi de plus normal étant donné le rôle central tenu par l’Union soviétique dans la lutte contre le nazisme», avait alors déclaré le président français arguant que «la bataille de Stalingrad a[vait] été le tournant de l’histoire de la Seconde Guerre». En 2006, Vladimir Poutine sera même décoré de la Légion d’honneur par Jacques Chirac qui parle alors de lui comme d’un «ami».
Plus de 10 ans après, en novembre 2015, alors que le président français est hospitalisé, Vladimir Poutine lui avait rendu un hommage appuyé : «Il avait prévu la destruction de [la Libye et la Syrie], que le terrorisme prospérerait, des attentats comme on en a vus à Paris. Chirac pensait à tout ça à l'époque, et il avait raison […] Chirac, qui a des relations proches, intimes avec la partie sunnite du Moyen-Orient – d'ailleurs, il possède un savoir encyclopédique – avait déjà prévu ce que cela provoquerait.»
Cependant, après le départ de Jacques Chirac de l’Elysée, la France s’aligne rapidement sur les Etats-Unis en termes de politique étrangère et de rapport de force dans la diplomatie. C’est à partir de ce moment que les relations entre Paris et Moscou se dégradent. En novembre 2007, soit six mois après l’élection de Nicolas Sarkozy, surnommé l’«Américain» par certains de ses détracteurs, la France annonce son retour au sein du commandement intégré de l’OTAN après 31 ans d’absence, marquant la fin de son indépendance militaire vis-à-vis des Etats-Unis mais aussi la rupture avec le général De Gaulle.
Depuis lors, les relations entre les deux nations se sont encore détériorées après les interventions militaires occidentales en Libye en 2011 et en Syrie à partir de 2012, sous la présidence de François Hollande, qui finiront d’éloigner les deux pays. Charge désormais à Emmanuel Macron de changer la donne, ce que le président de la République a semblé vouloir faire ces derniers mois.
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