Russie : cinq ans de prison ferme pour incitation à la violence contre les enfants de policiers
Vladislav Sinitsa, citoyen russe particulièrement actif dans le cadre des manifestations visant à soutenir les candidats indépendants exclus des élections au Parlement de la ville de Moscou, a été reconnu coupable d'incitation à la haine.
Un citoyen russe très actif sur les réseaux sociaux lors des manifestations visant à défendre les candidats indépendants exclus des élections au Parlement de la ville de Moscou, Vladislav Sinitsa, a été reconnu coupable par un tribunal russe d'incitation à la haine envers les représentants des forces de l'ordre après avoir publié un tweet sur leurs enfants de policiers, qu’il aurait appelé à torturer voire tuer.
Le tribunal Presnenski de la ville de Moscou a condamné à cinq ans de prison le blogueur Vladislav Sinitsa pour extrémisme le 3 septembre, selon RIA Novosti. Il a été reconnu coupable d'incitation à la haine et à l'hostilité à l'égard des forces de l'ordre.
Le 1er août, ce blogueur, qui a largement couvert sur son compte Twitter les manifestations anti-gouvernementales à Moscou, a publié un message au sujet de la fin de l'anonymat des agents des forces de l'ordre – une mesure réclamée par bon nombre de manifestants dénonçant les actions de la police. Sous le pseudo «Max Steklov», le blogueur avance une hypothèse sur les conséquences de la désanonymisation : «(Ils) verront les jolies photos de famille, pleines de bonheur, analyseront ensuite la géolocalistation, et puis un jour l'enfant de ce vaillant défenseur de l'ordre public ne rentrera pas de l'école. Au lieu de l'enfant, il y aura un CD avec une snuff vidéo livré par la poste». Le snuff movie - ou parfois snuff film –, terme employé par Vladislav Sinitsa, désigne une vidéo ou un long-métrage mettant en scène la torture, le meurtre, le suicide ou le viol d'une ou plusieurs personnes. Dans ces films clandestins, la victime est censée ne pas être un acteur mais une personne véritablement tuée ou torturée.
L’enquête a interprété ce message du jeune homme sur Twitter comme un appel à tuer les enfants des représentants des forces de l’ordre ayant participé à la dispersion de manifestations non autorisées à Moscou, le parquet ayant requis 6 ans de prison. Le tribunal a estimé que le texte du message pouvait être perçu comme une instruction et nuire aux enfants des représentants des forces de l'ordre.
Un agent de la Rosgvardia (Garde nationale de la Fédération de Russie) était présent au procès en qualité de témoin. Il a déclaré que le 1er août, en rentrant chez lui après le service, il a «ouvert le téléphone pour voir les nouvelles». Sur Twitter, l'homme a vu un message de Sinitsa - «des appels à enlever les enfants des agents de Rosgvardia en vue de représailles ultérieures», comme il l'a décrit devant le tribunal le 2 septembre. «Cela m'a alerté, j'ai commencé à craindre pour la vie et la santé de ma fille», a-t-il ajouté.
Vladislav Sinitsa qui reconnaît avoir posté le message sur son compte, a déclaré que ses paroles avaient été sorties de leur contexte et assuré qu'il n’avait pas appelé à la violence contre des enfants. Il a désormais l'intention de faire appel du verdict devant la Cour européenne des droits de l'homme, a déclaré l'avocat de Sinitsa à TASS.
Le procès de Vladislav Sinitsa, et surtout le verdict, ont été couverts par plusieurs medias russes et ont suscité une polémique sur les réseaux sociaux. Si l’opposant russe Alexeï Navalny prend la défense du blogueur en dénonçant la décision de la justice, nombreux sont ceux qui estiment qu’il s’agit d’un avertissement clair pour tous les internautes. Abbas Djouma, journaliste russe, a ainsi qualifié la décision de la justice : «Ce sera une leçon pour tous les gros fainéants qui pensent qu’on peut dire n'importe quoi anonymement sur internet.». Son avis est partagé par l’animateur télé Vladimir Soloviev : «Ce sera un signal très clair à tous ceux qui croient que les réseaux sociaux sont un monde séparé et que personne ne les retrouvera ni ne les punira. C’est fini les blagues. Quelque-chose me dit que ce n'est que le début».
L’affaire de Vladislav Sinitsa a eu lieu sur fond de manifestations de grande ampleur qui secouent la capitale russe depuis plusieurs mois. Organisées par des candidats exclus des élections locales au Parlement de la ville de Moscou, elles se sont déroulées dans la capitale les 14, 27 juillet et 3 août. La police a arrêté près de 1700 personnes pour violations de l’ordre public. Le Comité d'enquête a engagé des poursuites pénales pour émeutes et attaques contre des représentants de l’Etat.