Censure : plusieurs sites internet bloqués en Nouvelle-Zélande après la tuerie de Christchurch ?
Zerohedge, Liveleak, 8chan : plusieurs fournisseurs d'accès internet auraient bloqué des sites soupçonnés de faciliter la diffusion de la vidéo de la tuerie. Facebook, qui a pourtant hébergé le direct, a pour l'instant été épargné.
La tuerie de Christchurch, lors de laquelle un homme a tué 50 personnes dans l'attaque de deux mosquées, va-t-elle indirectement marquer un profond changement dans l'ère internet ? La volonté des autorités d'empêcher la diffusion de la vidéo, que l'auteur du carnage a filmée et publiée en direct sur Facebook, aurait en tout cas entraîné une vague de censure inédite dans le pays.
Dans la foulée de l'attentat, les autorités néozélandaises avaient annoncé que la possession de la vidéo du drame était passible d'une peine de 10 ans d'emprisonnement, et sa diffusion, d'une peine de 14 ans. «Ne la téléchargez pas. Ne la partagez pas. S'il s'avère que vous avez une copie de la vidéo ou que vous l'avez partagée, vous risquez une amende et une peine de prison», pouvait-on lire dans un communiqué de la police diffusé par le site d'information Wellington Live.
🚨New Zealanders threatened with 10 YEARS IN JAIL if they have the shooting video. 🚨
— Nick Monroe (@nickmon1112) 16 mars 2019
"Anybody found “knowingly” in possession of objectionable material can receive a maximum of 10 years imprisonment."
14 YEARS IN JAIL if you are a "dealer" of the video https://t.co/ZIlKtsUaKtpic.twitter.com/Jus4VLUvZB
Un homme de 44 ans a d'ailleurs été arrêté le 19 mars par un tribunal de Christchurch pour le partage de la vidéo. Il a été inculpé de deux chefs d'accusation de diffusion de contenus répréhensibles et placé en détention provisoire. La veille, c'est un homme de 18 ans qui avait été inculpé par le même tribunal pour avoir relayé la vidéo.
Face à ce tour de vis, des fournisseurs d'accès internet (FAI) nationaux avaient pris les devants, et décidé de bloquer l'accès, pour leurs utilisateurs, à plusieurs sites internet soupçonnés de faciliter le partage de la vidéo.
We've started temporarily blocking a number of sites that are hosting footage of Friday’s terrorist attack in Christchurch. We understand this may inconvenience some legitimate users of these sites, but these are extreme circumstances and we feel this is the right thing to do.
— Telstra News (@Telstra_news) 18 mars 2019
Le site spécialisé The Verge, citant un article de Bleeding Computer, mentionne parmi les cibles de ces mesures le forum internet 8chan, où Brenton Tarrant, le suspect de l'attaque, avait annoncé ses intentions et posté un lien vers son compte Facebook ainsi que vers son manifeste. Liveleak serait également sur la liste selon la même source. Si RT France n'a pas été en mesure de vérifier de manière indépendante que les sites étaient bel et bien inaccessibles depuis la Nouvelle-Zélande pour les utilisateurs de certains fournisseurs d'accès à internet, des messages d'internautes allant dans ce sens se sont multipliés sur la toile.
Certains ont ainsi fait état du blocage du service Dissenter, qui permet de commenter librement toutes les pages internet et de la plate-forme de partage de contenu Bitchute. En Australie, des fournisseurs d'accès à internet auraient en outre coupé l'accès au forum 4chan.
I just got this trying to visit 4chan from Australia on a @Kogan (vodaphone reseller) connection.
— Davey G (@Goldsteinm8ty) 18 mars 2019
It seems anything listed on https://t.co/3ErcoHowGY is being blanket shut down & anyone that tries to visit is labelled a kiddy diddler. pic.twitter.com/R9IeHOJCj6
Plus intriguant encore, le site d'information Zerohedge, sur lequel la vidéo n'a pourtant jamais été hébergée, aurait également été interdit par certains FAI néo-zélandais et australiens. «Nous n'avons pas été contactés avant cette censure. Au lieu de cela, nous avons reçu un flot de messages notant que notre site n'était pas disponible dans les deux pays, à moins d'utiliser un VPN», écrit Zerohedge dans un article publié le 19 mars.
Well I just turned on the VPN and Zerohedge is now available. So there we have it - censorship is in full swing here in New Zealand! pic.twitter.com/o2VPDsZNLb
— VOOM (@kylenz99) 17 mars 2019
«Protéger les consommateurs»
Facebook en revanche – la plateforme sur laquelle la vidéo a été diffusée – est parvenu, pour l'instant, à éviter le marteau de la censure. Mais après avoir été sermonné par le Premier ministre néo-zélandais Jacinda Ardern, le réseau social, qui a soutenu avoir supprimé 1,5 million de fois la vidéo de l'attaque, est désormais dans le viseur des patrons des sociétés de télécommunications néozélandais.
Dans une lettre ouverte adressée aux géants de l'internet Facebook, Twitter et Google, ils les appellent à prendre part «à une discussion urgente au niveau de l'industrie» et à trouver des solutions afin de «protéger les consommateurs». Les patrons des télécoms, qui se félicitent des mesures prises par les FAI ayant permis selon eux de «réduire les risques que [leurs] clients soient exposés par inadvertance [à la vidéo]», souhaitent que les réseaux sociaux adoptent une démarche proactive pour empêcher la diffusion de ce type de contenu.
«Les fournisseurs d'accès internet sont l’ambulance au pied de la falaise, avec des outils qui impliquent le blocage de sites après coup. Le plus grand défi consiste à empêcher le téléchargement et le partage de ce type de contenu sur les réseaux sociaux et les forums», lancent-ils ainsi.
Un appel qui a trouvé un relais quelque peu surprenant auprès des grandes banques du pays, dont certaines, à l'instar de ASB, TSB, Westpac, BNZ, ANZ ou encore Kiwibank, ont décidé de suspendre leur publicité sur les réseaux sociaux. «TSB est déçue du rôle que les réseaux sociaux ont joué dans la tragédie et estime qu'il est inapproprié de continuer à les soutenir», a ainsi déclaré une porte-parole de cette banque, citée par le NZ Herald.
Si la pression est visiblement montée d'un cran sur Facebook, l'entreprise a tenu à défendre son système de signalement. Dans les colonnes du Guardian le 19 mars, Chris Sonderby, un vice-président du réseau social, a expliqué que le premier signalement était intervenu 12 minutes après la fin de la diffusion de la vidéo en direct. Il a précisé que Facebook avait créé une empreinte digitale numérique du livestream initial, à partir de laquelle l'essentiel des suppressions automatiques avaient pu avoir lieu, permettant de bloquer plus de 80% des vidéos avant leur publication publique. Suffisant pour convaincre les partisans d'un contrôle plus strict des contenus ?