Pour Sergueï Lavrov, «les populistes créeront peut-être le mainstream de demain»
Interrogé en exclusivité par trois médias français dont RT France, le ministre russe des Affaires étrangères a livré sa vision des relations entre l'Europe, qu'il ne confond pas avec l'UE, et la Russie.
Le 12 octobre, le ministre russe des Affaires étrangères a été interrogé en exclusivité par trois médias français, dont RT France. A cette occasion, Sergueï Lavrov est revenu sur les relations entre l'Union européenne et la Russie en évoquant le dialogue qu'entretient Moscou avec des personnalités politiques européennes dites «populistes».
«Si cette personne représente une force politique qui existe dans le cadre juridique légal, si cette personne ne viole par les lois de son pays ni le droit international, alors pourquoi cette personne devrait devenir infréquentable ? A cause du simple fait que cette personne reflète des approches qui ne s’inscrivent pas dans le mainstream européen contemporain ?», s'est ainsi interrogé le chef de la diplomatie russe. Selon Sergueï Lavrov, refuser un tel dialogue ne serait pas démocratique. «Personne ne sait ce que sera le mainstream dans un certain nombre d’années. Et peut-être les personnes marginales d’aujourd’hui, les populistes comme on les appelle, vont créer le nouveau mainstream à l'avenir. Personne ne le sait», a-t-il poursuivi.
Moscou veut une Europe forte et indépendante
De manière plus large, Moscou recherche selon le ministre des Affaires étrangères une relation stable et respectueuse. Une relation qui nécessite selon lui «une Europe unie, forte, prévisible, une Europe qui décide elle-même de son avenir, qui désigne elle-même ses partenaires et prend des décisions sur ses actions vis-à-vis des autres partenaires». Or, pour l'heure, a-t-il déploré, «l’Europe ne donne pas l’impression d’être autonome».
«Peut-être que les leaders européens s’en rendent compte et, par conséquent, cherchent à discuter de cette situation et à comprendre quelle est la place de l’Europe dans le monde contemporain. Surtout quand le centre de développement économique se déplace désormais vers les régions d’Asie et du Pacifique», a-t-il poursuivi sur un ton plus optimiste.
Autre facteur d'espoir selon Sergueï Lavrov : le Brexit. «Je pense que la politique de l’Union européenne à l’égard de la Russie ne sera pas toujours largement – et parfois même essentiellement– déterminée par l’Etat qui quitte l’Union européenne», a-t-il expliqué, pointant du doigt le Royaume-Uni sans le citer.
D'autre part, le chef de la diplomatie russe a établi une distinction, dans la manière dont Moscou traite avec ses partenaires européens, entre Bruxelles et les Etats membres. «Nos relations avec les pays européens se rétablissent très vite. Je ne peux pas dire que c’est le cas de nos relations avec la Commission européenne, mais c’est ce qu’on observe dans les relations avec beaucoup de pays européens», a-t-il fait valoir.
«La Commission européenne, pour autant que je la comprenne, est prisonnière de ce que vous appelez "la solidarité", "le consensus'', quand un petit groupe de pays qui ne veulent pas avoir de bonnes relations avec la Russie forcent tous les autres à garder profil bas», a-t-il argumenté. «Mais je suis sûr que, grâce aux intérêts nationaux qui sont de plus en plus évidents dans le cadre de la discussion sur l’avenir de l’Union européenne, la réforme évoquée, y compris par le président Macron, reflètera le consensus d’une autre manière, où la minorité ne puisse plus bloquer les intérêts de la majorité, mais qu’ils trouvent un juste milieu», a-t-il néanmoins espéré.
Quant aux questions de sécurité, Sergueï Lavrov a là aussi dit vouloir «une UE forte et indépendante», notamment des Etats-Unis. «Il s’agit de notre continent commun, nous avons des frontières communes et on nous a promis beaucoup de choses quand nous avons retiré nos troupes d’Europe et quand l’OTAN s’est élargi», a-t-il noté, déplorant que la question de la sécurité de l'Europe soit traitée «dans les couloirs entre l'UE et l'Otan».
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