Chine-Afrique : «Où est la France ?», s'interroge l'ex-Premier ministre tchadien
L'ancien Premier ministre du Tchad Albert Pahimi Padacké, a accordé un entretien à RT France pour aborder le renforcement de la coopération entre la Chine et l'Afrique. Il déplore notamment que l'aide et les investissements occidentaux s'effritent.
Le partenariat entre la Chine et l'Afrique est au beau fixe. En marge du Forum sur la coopération sino-africaine à Pékin, le 3 et le 4 septembre, le président chinois Xi Jinping a annoncé souhaiter débloquer 60 milliards de dollars pour le développement économique de l'Afrique et annuler la dette de certains Etats les plus précaires. Surprise : cette promesse n'est conditionnée à aucune concession politique.
Interrogé à ce sujet par RT France, Albert Pahimi Padacké, Premier ministre du Tchad entre 2016 et mai 2018, a évoqué des échanges «gagnants-gagnants» entre la Chine et l'Afrique. Il a en revanche déploré le recul des investissements occidentaux.
Si les médias occidentaux critiquent ces avancées en taxant l'Empire du milieu de néo-colonialisme - ses investissements massifs pouvant en effet lui permettre de dicter ses règles et d'endetter durablement les Etats -, l'ancien Premier ministre du Tchad ne partage pas ces critiques.
Selon lui, avec la Chine, l'Afrique ne pâtit pas du passé contrarié qu'elle partage avec les pays occidentaux qui l'ont colonisée : «Il se trouve qu’après les indépendances, l’Afrique est aujourd’hui le continent le plus pauvre qui a une croissance exponentielle du point de vue démographique. L’Afrique a besoin de réaliser des infrastructures pour l’éducation de ses enfants, pour la santé, [...] pour le développement de façon générale. Il se trouve que dans le monde aujourd’hui, il n’y a que la Chine qui propose de soutenir l’Afrique pour son développement.»
Il n’y a que la Chine qui propose de soutenir l’Afrique pour son développement
Il a en revanche déploré la baisse des investissements occidentaux en Afrique. S'ils restent élevés, ils deviennent modestes considérés pays par pays. Parallèlement, en dix ans, la Chine est devenue le premier créancier de l'Afrique. Et depuis 2008, l'Afrique commerce davantage avec l'Asie qu'avec l'Europe.
En comparaison de l'aide annoncée par la Chine, l'Europe a injecté 21 milliards d’euros d'aide à l’Afrique en 2015. Le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique s'est élevé à 126 milliards de dollars en 2016 selon le ministère chinois du commerce, contre 286 milliards d’euros en 2015 pour l'Europe toute entière. Tandis que les échanges commerciaux entre la France et l’Afrique atteignaient selon l'Insee 54 milliards d’euros en 2014.
«Je prendrais l’exemple de la France qui a colonisé l’ensemble des pays d’Afrique dits francophones. Mais où est la France aujourd’hui en Afrique ? Elle n’est pas là !», observe Albert Pahimi Padacké. «Ses anciennes colonies ont besoin de se développer, mais comment se développer s'il n’y a pas d’apport extérieur ? D’où l’intérêt de cette coopération avec la Chine !», appuie-t-il. Selon lui, la situation économique des pays occidentaux est peut-être une des raisons du manque de dynamisme de leurs investissements. «Quelle que soit la volonté de la France aujourd’hui, elle est devenue l’une des nations les plus endettées du monde. La France n’a pas peut-être pas les ressources nécessaires pour un investissement massif en Afrique», observe-t-il.
Mais où est la France aujourd’hui en Afrique ? Elle n’est pas là !
Si l'ancien chef du gouvernement tchadien remarque le recul des investissements français, il note aussi celui de l'aura hexagonale. «La culture française n’est pas en expansion en Afrique, bien que les Africains ont fait de la langue française leur affaire. [...] Il faut bien soutenir cela : il se trouve que la France n’apporte pas ce soutien au développement de la culture française en Afrique», estime-t-il.