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Très remonté contre Bruxelles, Erdogan en Bulgarie... pour plaider l'adhésion d'Ankara à l'UE

Avant de se rendre à un sommet qui s'annonce houleux, Recep Tayyip Erdogan a martelé que la Turquie avait toujours un destin européen. Syrie, migrants ou encore droits de l'homme... les sujets de contentieux avec l'UE ne manquent pourtant pas.

Avant même de s'envoler pour le sommet entre l'Union européenne (UE) et la Turquie, à Varna (Bulgarie) ce 26 mars 2018, le président turc semble avoir mangé du lion. «L'adhésion pleine à l'Union européenne reste notre objectif stratégique», a-t-il martelé s'adressant à la presse avant de prendre son avion.

Mais le bouillonnant chef d'Etat ne paraît pas vouloir laisser l'impression de quémander l'intégration de la Turquie. «Ce que nous attendons, c'est que les obstacles [...] aux négociations soient levés et que le processus d'adhésion soit revitalisé. Nous allons une nouvelle fois le transmettre aux dirigeants de l'Union européenne», a-t-il poursuivi dans la foulée, donnant le ton du sommet. «Nous ne laisserons absolument pas certains milieux [...] s'opposer à ce que la Turquie intègre l'UE en tant que membre respectable, égal et à part entière», a-t-il poursuivi avant d'ajouter que deux poids, deux mesures à l'égard de la Turquie ne serait pas toléré.

Façon un peu particulière de convaincre Bruxelles de la vocation européenne de la Turquie, le président Erdogan aurait l’intention de montrer à ses interlocuteurs des vidéos de rassemblements dans des pays européens qui prouveraient, selon lui, que l’UE abriterait des «terroristes». C’est ainsi qu’Ankara qualifie les organisations kurdes et les partisans de Fetullah Gülen que le président turc estime impliqué dans la tentative de coup d'Etat de l'été 2016. «L’Occident essaie de nous faire la leçon, de nous donner des conseils, qu’il se les garde. J’ai des vidéos de tout», avait déclaré Recep Tayyip Erdogan, le 25 mars, cité par Euractiv. «Demain nous serons ensemble à Varna, je leur montrerai tout. Nous serons inflexibles, nous ne ferons aucun compromis», a-t-i ajouté.

Bruxelles a un regard condescendant

«Notre volonté n’a jamais faibli mais, malheureusement, Bruxelles fait tout pour l’ignorer », a surenchéri le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Çavusoglu, dans un entretien avec Le Mondele 25 mars. «Bruxelles a un regard condescendant sur certains pays, à commencer par ses propres Etats membres», a-t-il ajouté, évoquant une «morgue des Européens».

Eternels accords et désaccords

Pourtant, en juillet 2017, la responsable de la diplomatie européenne Federica Mogherini et le commissaire européen à l'Elargissement Johannes Hahn, recevaient sous les meilleurs auspices les ministres turcs des Affaires étrangères et des Affaires européennes : Mevlut Cavusoglu et Omer Celik. Organisée dans le cadre du «dialogue politique de haut niveau» entre les deux parties, cette rencontre avait donné lieu à une déclaration pour le moins singulière de Federica Mogherini : «Clairement la Turquie est, et reste, un pays candidat.»

Considérant les passes d'armes et les crises diplomatiques de l'année 2017, notamment avec l'Allemagne, Recep Tayyip Erdogan tient-il vraiment  à l'adhésion de son pays à l'UE ? Le processus, engagé depuis 1957, soit plus de 60 ans, et relancé en 1987, avançait déjà au ralenti avant de subir un coup d'arrêt en novembre 2016 quand le Parlement européen décidait de suspendre les négociations avec la Turquie.

Parmi les sujets qui fâchent figurent notamment la question de l'Etat de droit en Turquie depuis le putsch manqué de juillet 2016, le pacte controversé sur les migrants.

L'une des priorités pour les Etats membres est de s'assurer qu'Ankara continue d'appliquer l'accord migratoire conclu en mars 2016, qui a permis de réduire considérablement les passages vers l'Europe, en échange notamment d'une aide financière. Mais la Turquie dénonce régulièrement des «retards» dans le versement de cette enveloppe de trois milliards d'euros, à laquelle doivent s'ajouter une autre tranche de trois milliards. Ankara réclame encore la libéralisation du régime de visas pour les Turcs voyageant dans l'UE, une mesure prévue dans l'accord sur les migrants, sans hésiter à menacer de laisser passer des réfugiés.

Recep Tayyip Erdogan a également opposé une fin de non-recevoir aux critiques des Européens – et, plus largement, des Etats-Unis – au sujet de l'intervention de l'armée turque dans le nord de la Syrie contre les groupes armés kurdes dans l'enclave d'Afrin.

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