Emmanuel Macron ne craint pas d'en découdre avec le quidam, comme ont pu le constater les journalistes présents lors de son voyage officiel en Algérie le 6 décembre. Alors qu'il prenait un bain de foule dans le centre d'Alger, le président français s'est vu interpellé par un jeune homme. Le passant souhaitait que la France «assume son passé colonial vis-à-vis de l'Algérie». Passant du didactisme à l'agacement, Emmanuel Macron a conclu l'échange par : «Mais vous n'avez jamais connu la colonisation ! Qu'est-ce que vous venez m'embrouiller avec ça ?»
Le chef de l'Etat français s'est par ailleurs défendu de nier la question de son interlocuteur : «Moi j'évite quelque chose ? J'évite de venir vous voir ? J'évite de dire ce qu'il s'est passé ?»
Le président a ensuite évoqué les «histoires d'amour», les Français qui aiment encore «terriblement l'Algérie». «Il y en a qui font des choses atroces. On a cette histoire entre nous, mais moi je n'en suis pas prisonnier», a-t-il reconnu face au jeune Algérois, avant d'ajouter : «Vous votre génération, elle doit regarder l'avenir.»
«Vous n'avez qu'à vous desserrer»
Une autre passe d'armes, plus succincte, a été captée par des caméras, lorsqu'un passant a crié à l'attention d'Emmanuel Macron : «On étouffe ! On étouffe !»
«Vous n'avez qu'à vous desserrer», lui a alors répondu le président de la République.
La «visite d'amitié et de travail» d'Emmanuel Macron s'est déroulée dans une ambiance contrastée. Si le président français a été accueilli par des youyous et des selfies lors de son bain de foule algérois, sa présence a fait l'objet d'une manifestation de quelques dizaines de personnes, scandant «Macron dégage !» Des habitants de la ville, peu habitués à tant de zèle, s'étaient par ailleurs agacés des préparatifs de la venue du président français ou encore du toilettage des arbres «à la française».
La colonisation au cœur des débats
Avant de rendre visite dans l'après-midi à son homologue Abdelaziz Bouteflika, 80 ans, dans sa résidence médicalisée de Zéralda, en banlieue d'Alger, Emmanuel Macron s'était recueilli devant le monument des martyrs de la Guerre d'Algérie, où il a déposé une gerbe.
En marge de sa venue en Algérie, Emmanuel Macron a déclaré au site d'informations TSA [Tout sur l'Algérie] qu'il était prêt à ce que Paris restitue les crânes d'insurgés algériens tués au XIXe siècle par l'armée française et conservés au musée de l'Homme à Paris.
«Je souhaite qu’on ravive la relation avec le travail mémoriel entre nos deux pays, que la restitution des crânes soit décidée, je la déciderai», a-t-il affirmé.
Pour autant, il a souligné que le rapport entre la France et l'Algérie devait être celui d'«un partenariat d'égal à égal». «Je reviens dans l’état d’esprit d’un ami de l’Algérie, d’un partenaire constructif qui souhaite renforcer nos liens [...] pour faire fructifier une relation déjà dense», a encore affirmé Emmanuel Macron dans une interview publiée dans les colonnes du quotidien algérien francophone El Watan.
Il a estimé que Paris et Alger devaient construire «un axe fort [...] autour de la Méditerranée qui se prolonge vers l'Afrique», soulignant toutefois un aspect économique : «L'Algérie doit s'ouvrir d'avantage. Il y a encore beaucoup de freins à l'investissement.»
Tandis qu'en juillet 2017, à l'occasion des 55 ans de l'indépendance de l'Algérie, Abdelaziz Bouteflika avait exigé des excuses de la France pour la colonisation, Emmanuel Macron avait déclaré dans un entretien avec la chaîne de télévision Trace Africa le 3 décembre, avant sa visite en Algérie, qu'il n'y aurait «ni déni, ni repentance» quant à l'histoire coloniale de la France.
En février 2017, le dirigeant français, alors candidat à la présidentielle avait qualifié la colonisation de «crime contre l'humanité», après avoir quelques mois plus tôt évoqué des éléments positifs dans cette période de l'Histoire.