Turquie : une réforme fait craindre la banalisation des mariages de fillettes et de la polygamie

Turquie : une réforme fait craindre la banalisation des mariages de fillettes et de la polygamie© Murad Sezer Source: Reuters
Manifestation de femmes à Istanbul
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Dorénavant, les muftis seront autorisés à célébrer les mariages civils en plus des mariages religieux. Pour les opposants à Recep Tayyip Erdogan, c'est un nouveau signe de l'islamisation du pays voulue par ce dernier.

En dépit d'une très forte indignation de la part des élus d'opposition et de plusieurs associations, notamment de défense des droits des femmes, le parlement turc a voté une nouvelle loi autorisant les muftis à célébrer des mariages civils. Ratifié le 10 novembre par le président Recep Tayyip Erdogan, le texte fait craindre que la polygamie ou les mariages de jeunes filles ne soient autorisés, dans un contexte d'inquiétude croissante quant à l'avenir de la laïcité turque.

La nouvelle loi comporte deux volets. Le premier, qui prévoit qu'un individu ayant commis des «actes immoraux» avant le mariage ne puisse pas acquérir la nationalité turque, suscite l'émoi des partisans de la laïcité, principe fondateur de la République turque depuis 1923. Ils lui reprochent d'introduire des références morales dans la loi, et donc de ne pas respecter la neutralité que l'Etat devrait selon eux observer en matière de mœurs.

Mais c'est le second volet qui inquiète le plus. Celui-ci autorise désormais les muftis, ces clercs musulmans chargés d'interpréter le Coran pour livrer des fatwas, sorte d'avis juridiques sur les phénomènes temporels et quotidiens, à célébrer des mariages civils. Jusqu'à aujourd'hui, en application des principes de la laïcité tels qu'ils avaient été appliqués depuis la création de l'Etat turc moderne, seuls les officiers d'état civil étaient habilités à célébrer ces unions. Dans une région très majoritairement sunnite, où le mariage de musulmanes avec des non-musulmans est souvent prohibé et les mariages civils par conséquent inexistants, la Turquie faisait même figure d'exception et accueillait de nombreux couples du Moyen-Orient, désireux de se marier en contournant les conditions édictées par le droit musulman.

Des craintes quant à la polygamie et au mariage des mineures

Les soutiens à la nouvelle loi, principalement issus des rangs du Parti présidentiel de la justice et du développement (AKP) insistent sur le fait que le mariage religieux ne remplacera pas le mariage civil, et que celui-ci demeurera soumis aux mêmes conditions quelle que soit la personne chargée de le célébrer. Officiellement, la mesure servirait à «simplifier» les procédures pour les familles qui pourraient ainsi faire d'une pierre deux coups en combinant l'union religieuse et l'union civile.

Mais, pour ses détracteurs, la loi n'est qu'un signe de plus de l'islamisation dont ils soupçonnent Recep Tayyip Erdogan d'être le promoteur zélé. «Ce texte a été écrit sans implication des parties concernées et qui seront affectées, à savoir les muftis ou les femmes», s'indigne Selina Doğa, députée d'opposition du Parti républicain du peuple (CHP). Interrogée par le Guardian, elle estime que le fond autant que la forme révèlent qu'«un seul homme détient le pouvoir et [qu']une transition vers un régime islamiste est planifiée».

L'inquiétude chez les opposants est d'autant plus vive que le texte est soupçonné de mettre en péril les droits des femmes. Les militants associatifs considèrent que la célébration de mariages civils par des clercs religieux pourraient conduire ceux-ci à ne pas respecter l'âge minimum autorisé par la loi (17 ans) et à marier des fillettes bien plus jeunes, dans un pays où des mineures seraient déjà impliquées dans près d'un tiers des mariages. Autre crainte : que la polygamie, tolérée sous condition par certaines autorités musulmanes, ne se généralise.

Réforme après réforme, l'ombre d'une République islamique ?

Les craintes des opposants à la nouvelle loi sur le mariage sont nourries par des précédents qui semblent témoigner du poids sans cesse plus important que revêt la morale religieuse en matière légale. En 2016, une commission parlementaire de l'AKP avait déjà suggéré, en réponse au taux de divorce jugé trop élevé et qui a augmenté de 83% entre 2007 et 2017, de ne plus autoriser les séparations que sous de strictes conditions. Dans la foulée, la commission avait proposé d'amnistier les violeurs de fillettes s'ils consentaient à épouser leurs victimes. Face à l'indignation soulevée par ce projet de loi, le texte avait finalement été abandonné.

En revanche, d'autres réformes ont été conduites jusqu'à leur terme, en dépit de vives protestations. En juillet dernier, le ministère de l'Education turc avait annoncé une vaste refonte des programmes scolaires avec notamment l'introduction de l'apprentissage de «la véritable signification du djihad» et la disparition de toute référence à la théorie de l'évolution des espèces de Charles Darwin. 

Très populaire parmi la frange la plus conservatrice du pays, Recep Tayyip Erdogan est régulièrement accusé d'avoir opéré un virage opportuniste depuis quelques années en promouvant une islamisation de la République kémaliste. Depuis le coup d'Etat avorté de juillet 2016, qui a donné lieu à de très nombreuses arrestations, ses opposants dénoncent la mise en place d'un régime autoritaire.

Lire aussi : Critiques allemandes contre Ankara : la Turquie «gardera la tête haute en tant que pays européen»

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