Après la dispute très médiatisée entre Donald Trump et Elon Musk, la réputation politique du dirigeant américain a été mise en péril. Valentin Bogdanov, chef du bureau de la chaîne russe VGTRK à New York, réfléchit aux conséquences que cela pourrait avoir pour le 47e président des États-Unis.
L’Amérique MAGA s’est effondrée en deux tweets. Trois au maximum. Cette périphrase d’une célèbre citation du philosophe russe Vassili Rozanov, qui décrivait l’effondrement de la Russie de 1917 en l’espace de quelques jours, semble parfaitement correspondre aux changements radicaux résultant de l’altercation publique entre Donald Trump et Elon Musk. En tout cas, pour l’aile droite de la politique américaine, il s’agit d’un bouleversement.
Alors qu’en ce moment Trump et Musk se battent à mains nues et sur le même ring, leur affrontement se déroule en réalité à des niveaux totalement différents. La chute des actions de Tesla de 17,6 % (les pertes totales dues au scandale s’élèvent à 34 milliards de dollars) peut, en principe, être récupérée. D’autre part, il n’y a pas d’alternative à SpaceX, qui a reçu depuis 2015 des contrats publics d’une valeur de plus de 17 milliards de dollars (l’argent provient en majorité de la NASA et du Pentagone). Au contraire, les dommages politiques infligés à Trump risquent d’être irréparables.
L’ex-« premier ami » a délibérément et publiquement frappé les endroits les plus vulnérables du président républicain. Il a rappelé : « Il ne reste à Trump que trois ans et demi de mandat, alors que je serai là pendant encore une quarantaine d’années ». Il a contribué à la division du mouvement MAGA, en menant un sondage sur la nécessité de créer aux États-Unis un troisième parti, le genre d’idées qui plaît toujours plus à la jeunesse de droite qu’aux conservateurs plus âgés. Il a mentionné les liens entre Trump et le pédophile Epstein, donnant un sérieux coup de pouce aux complotistes, très présents dans le mouvement MAGA. Après tout, c’est sur cela que repose toute l’idéologie d’extrême droite de la mouvance QAnon, alors que Musk avait eu récemment accès à tous les secrets américains grâce à son département.
Ce n’est donc pas un hasard si l’un des plus grands idéologues du trumpisme et ancien technologue politique de Trump, Steve Bannon, a été le premier à ressentir vivement la menace pesant sur l’aile droite de MAGA. Il a qualifié Elon Musk, ressortissant de l’Afrique du Sud, d’immigré illégal et a proposé qu’il soit immédiatement expulsé. Il a également fait allusion aux problèmes de drogue de cette « personnalité instable », citant un récent rapport du New York Times faisant état de l’usage de stupéfiants par l’ancien chef du DOGE.
À chaud, on pourrait croire que les démocrates devraient être les premiers à se réjouir. Ils semblent bien avoir gagné. Mais les choses ne sont pas si simples. Trump ne quittera pas la Maison Blanche, et les récentes élections présidentielles, dont Musk s’est attribué le succès, ne sont pas les dernières. Une bataille de mi-mandat pour le Congrès est à venir, et le président américain, ayant définitivement perdu sa marge de manœuvre, sera obligé de compter sur ceux qui sont avec lui par défaut, c’est-à-dire sur les républicains de souche et la machine du parti, montée sur mesure par l’État profond.
Or, ces derniers ne rateront pas cette occasion, mettant en œuvre avec enthousiasme ce qui leur avait réussi lors du premier mandat de Trump, c’est-à-dire lui lier les pieds et les mains, étouffant toute velléité de décider de son propre chef. La technique est simple : après l’altercation avec Musk, l’adoption de la « grande et belle loi » devient pour Trump une question de principe. Il ne peut plus faire marche arrière. Mais seuls les sénateurs peuvent faire avancer ce projet de loi, et la situation elle-même les poussera à faire au président américain, sans son allié influent mais hors système, une offre qui ne se refuse pas.
Par exemple, un projet de loi sur les sanctions antirusses. Ce n’est pas un hasard si les sénateurs Graham et Blumenthal guettent, tapis depuis longtemps en embuscade, avec les 82 voix déjà recueillies. Si Trump y consent, on le contraindra de réfléchir à une nouvelle tranche d’aide militaire à l’Ukraine (celle de Biden arrivant à expiration). Musk et l’aile droite de MAGA, Vance y compris, s’y seraient opposés, mais comment dire non au parti qui a si opportunément apporté son soutien ? La suite sera pire encore.
Une fois Trump pris en otage et privé de toute marge de manœuvre politique, on tentera peut-être de faire de lui une nouvelle version de George W. Bush, avec, par exemple, l’actuel secrétaire d’État Marco Rubio dans le rôle de Dick Cheney, préparant ainsi l’accès de celui-ci au Bureau ovale en 2028, y compris au moyen d’une nouvelle guerre, rêvée depuis longtemps par les faucons républicains traditionnels, que ce soit contre la Chine, l’Iran ou en Ukraine. Ou sur tous les fronts à la fois.
L’opinion exprimée dans cette tribune reste le fait de son auteur et ne peut en aucun cas être imputée à RT.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.