Pour contrer «l'hégémonie» de Téhéran, Macron veut renégocier l'accord sur le nucléaire iranien
Emmanuel Macron a changé de ton au sujet de l'accord sur le nucléaire iranien, qu'il souhaite désormais renégocier, à l'instar de Donald Trump. Le président français veut y inclure une négociation sur l'activité balistique de l'Iran.
A l'occasion de sa visite aux Emirats arabes unis le 9 novembre, Emmanuel Macron a effectué un rapprochement quelque peu inattendu avec la position de Donald Trump sur la question de l'accord nucléaire conclu entre l'Iran et les six grandes puissances (Allemagne, Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie), également connu sous l'acronyme JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action).
Si le président français a réaffirmé son souhait de voir le JCPOA «préservé», il a pour la première fois envisagé de le compléter «avec deux piliers». A l'instar du président américain, Emmanuel Macron a donc annoncé qu'il voulait ajouter à l'accord – «point culminant de 13 ans de diplomatie» rappelaient pourtant Paris Berlin et Londres mi-octobre – «une négociation sur l'activité balistique de l'Iran, avec des sanctions si besoin». Une disposition qui n'existait pas jusque-là, le JCPOA n’interdisant pas les activités balistiques de l’Iran. La résolution 2231 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a entériné l'accord, demandait à l’Iran de ne pas mener d’activités pour développer des missiles conçus pour porter des têtes nucléaires, ce à quoi Téhéran s'était toujours conformé, comme l'a vérifié l'agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à huit reprises.
Le second pilier évoqué par Emmanuel Macron est plus flou mais marque une prise de position forte dans le conflit qui oppose Riyad et Téhéran, le président français ayant fait part de son souhait «d'encadrer l'hégémonie iranienne dans toute la région». Un gage apporté à l'Arabie saoudite et à son allié américain, qu'Emmanuel Macron assure toujours vouloir «convaincre» de ne pas remettre en cause l'accord.
Le président français a ensuite effectué une visite surprise en Arabie saoudite, où il a rencontré le nouvel homme fort du pays, le prince héritier Mohammed ben Salmane, assurant vouloir «parler avec tout le monde» pour «construire la paix». Lors de cette escale impromptue, Emmanuel Macron lui a fait part de ses «très fortes préoccupations concernant l'Iran», réitérant sa – toute fraîche – volonté de «négocier sur le programme balistique de Téhéran».
Début novembre, Macron ne voulait pas réviser le JCPOA
Car le 2 novembre, Emmanuel Macron ne semblait pas vouloir entendre parler d'une révision du JCPOA. A son initiative, il s'était entretenu avec Vladimir Poutine par téléphone pour discuter du sujet, et les deux chefs d'Etat étaient tombés d'accord. Le Kremlin avait en effet publié un communiqué de presse dans lequel il notait que les deux dirigeants s'étaient prononcés «pour la réalisation stricte du Plan global d’action conjoint sur le programme nucléaire iranien», soulignant «le caractère inadmissible d’une révision unilatérale de cet accord extrêmement important».
Mais l'avalanche d'évènements significatifs dans la région ces derniers jours ont visiblement poussé Paris à faire évoluer sa position. L'Arabie saoudite a effectué une purge sans précédent au sein de son pouvoir, arrêtant 11 princes et des dizaines de ministres le 4 novembre. Le même jour, le Premier ministre libanais annonçait sa démission, dénonçant la «mainmise» de l'Iran et du Hezbollah sur le Liban et disait craindre pour sa vie. Une annonce faite depuis Riyad où il se trouve toujours et où il ne serait pas libre de ses mouvements, ce qui nourrit les spéculations d'une maison des Saoud qui l'aurait contraint à prendre cette décision. Enfin, l'Arabie saoudite a annoncé que le Liban lui avait déclaré la guerre en raison de ce qu'elle considère comme des agressions commises dans le royaume par le Hezbollah libanais – soutenu par l'Iran – et a demandé à ses ressortissants au Liban de quitter au plus vite le pays.
C'est suite à cet enchaînement d'événements que Paris s'est sensiblement rapproché de la position de Washington. Donald Trump n'a pour sa part eu de cesse d'augmenter la pression contre Téhéran et a menacé depuis sa prise de fonction de faire sortir son pays du JCPOA. Le président américain avait d'ailleurs choisi le 13 octobre de ne pas «certifier» l'accord, et de laisser le Congrès décider si les Etats-Unis devaient s'en retirer ou non. Très critique vis à vis du programme balistique iranien, Donald Trump avait jugé l'attitude de Téhéran contraire à l'«esprit» du texte. Le président américain avait estimé que le JCPOA n'avait permis que de «faibles inspections [de l'AIEA] en échange d'un simple report de l'avancée de l'Iran vers l'arme nucléaire».
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