RT est aussi dangereux que la «propagande nazie», selon une sénatrice américaine
Le Kremlin aurait pour but de «discréditer la démocratie américaine» en faisant de la «désinformation» via RT et Sputnik, a estimé l'élue Jeanne Shaheen, lors de sa présentation de l'amendement d'une loi sur l'influence des agents étrangers.
Afin de lutter contre les soi-disant «fake news» russes, la sénatrice Jeanne Shaheen a présenté le 4 avril son projet d'amendement à la loi intitulée «Foreign Agents Registration Act» (FARA) devant le Sénat. Cette loi oblige les acteurs étrangers «politiques et quasi politiques» à dévoiler les relations qu'ils entretiennent avec leur pays d'origine. En vertu de la liberté d’expression, les médias en sont exemptés.
Or, l'amendement de Jeanne Shaheen entend revenir sur ce statut privilégié. L'élue du Sénat considère en effet que Moscou se sert de certains médias russes pour influencer la vie politique américaine, et présente son texte comme une réponse à la présumée ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle américaine de 2016.
Pour défendre son amendement, la sénatrice tente de convaincre son auditoire qu'il est nécessaire de lutter contre l'«influence du Kremlin». Dans sa ligne de mire : les versions américaines des médias publics russes RT et Sputnik.
Une sénatrice américaine veut enquêter sur «l'agent étranger» RT #USA#Russie#Russiatodayhttps://t.co/fV6SLq9pRbpic.twitter.com/qbrjkPZYr1
— RT France (@RTenfrancais) 17 mars 2017
«Selon la communauté du renseignement américain, le Kremlin choisit les employés de RT et supervise de près sa couverture médiatique», assène la sénatrice. «Y compris la désinformation et les fausses actualités, dont le but est de discréditer la démocratie américaine», martèle-t-elle encore.
Pour convaincre ses confrères, Jeanne Shaheen ne s'avance pas sans preuves solides. Elle n'est donc pas venue les mains vides et présente sur un grand tableau une photo, «déclassifiée par les services de renseignements américain», assure-t-elle.
Sur le cliché accusateur, la rédactrice en chef de RT Margarita Simonyan présente les bureaux de la chaîne au président russe, Vladimir Poutine. Jeanne Shaheen ne manque pas de remarquer un détail pour le moins troublant : «Il a l'air très attentif».
La sénatrice ne précise évidemment pas où ni comment les très sérieux services secrets américains ont déniché cette preuve irréfutable. Son argument serait moins percutant si elle révélait que la photo était tout simplement disponible à l'achat dans... la banque de données de Sputnik. Le cliché a en effet été pris en 2015, à l'occasion des dix ans de RT, dans les bureaux moscovites de la chaîne que visitait le président russe.
Parallèle entre propagande nazie et RT
La sénatrice dispose d'une autre carte maîtresse dans son jeu. «Le FARA a été voté [en 1938] en réponse aux préoccupations concernant la propagande nazie, diffusée à travers les Etats-Unis sans que les gens ne sachent ce dont il s’agissait», rappelle t-elle. Et la sénatrice de dresser un parallèle avec la situation actuelle : «Il est absolument approprié aujourd'hui pour nous de regarder ce que la Russie et d'autres pays pourraient faire à nos informations.»
Si la sénatrice mentionne d'autres pays, c'est que la Russie n'est évidemment pas l'unique Etat à disposer de médias publics aux Etats-Unis. C'est toutefois le seul à déchaîner autant de passions : la BBC, France 24 ou encore Al Jazeera, respectivement financés par le Royaume-Uni, la France ou le Qatar, ne sont pas cités par l'élue du Sénat.
Ces ignobles médias agents de l’étranger >>> https://t.co/4SudcsMP4Apic.twitter.com/wG5FhI2QqX
— RT France (@RTenfrancais) 20 février 2017
Pour achever en beauté sa démonstration, Jeanne Shaheen sort de son chapeau trois articles du site RT.com, dont elle met en évidence les titres sur son grand tableau. Elle les décrit alors comme des «fausses informations», sans pour autant préciser quelles informations elle réfute dans chacun d'entre eux.
Et pour cause, les articles en question, qui concernent la forte présence des forces turques sur la base de l'OTAN d'Incirlik, en Turquie, peu après le coup d'Etat raté de 2016, ou les écoutes dont a fait l'objet Donald Trump, citent de façon extensive des responsables et médias locaux. A savoir Hurriyet en Turquie, et... ABC News aux Etats-Unis.
Le troisième article pointé du doigt date de juillet 2014, au plus fort de la crise ukrainienne et en plein imbroglio sur le crash du MH17, l'avion de la Malaysian Airlines qui s'est écrasé Ukraine. Citant clairement ses sources, l'auteur de l'article rapporte, notamment, les propos du ministère de la Défense russe.
Les sénateurs se penchent de nouveau sur la loi FARA
La loi FARA dont il est question date de 1938, et contraint les acteurs «politiques et quasi-politiques» représentant les intérêts d’un pays étranger à dévoiler les relations qu'ils entretiennent avec ces pays, ainsi que leurs sources de financement.
A ce jour, cette loi ne concerne pas les activités des médias étrangers, protégés par le premier amendement de la Constitution américaine et la sacro-sainte liberté d’expression.
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