Négociations sur la Syrie : Poutine accuse la France d'avoir cherché à «envenimer la situation»
Au lendemain de l'annulation par Moscou d'une rencontre qui était prévue à Paris entre François Hollande et Vladimir Poutine, le président russe s'est déclaré offensé par le comportement de la diplomatie française sur le dossier syrien.
«Ce n'est pas la France qui doit être offensée par le veto russe, mais plutôt Moscou qui doit être offensé», a déclaré le chef du Kremlin, mercredi 12 octobre, lors du forum de l'investissement de Moscou. Vladimir Poutine reproche à Paris de s'être engagé à respecter les amendements déposés par Moscou sur sa proposition de résolution au Conseil de Sécurité de l'ONU concernant la Syrie, puis d'avoir soumis un texte qui n'en tenait aucun compte – un comportement ayant contraint la Russie a user de son droit de veto.
«Lorsque Jean-Marc Ayrault s'est rendu à Moscou, Sergueï Lavrov [le chef de la diplomatie russe] lui a assuré que Moscou n'avait pas la volonté d'utiliser son droit de veto si la France prenait en compte les amendements proposés par Moscou», a déclaré le président russe. En d'autres termes, la France et la Russie se sont entendues sur le contenu de la proposition française.
Or par la suite, poursuit Vladimir Poutine, le ministre des Affaires étrangères français a rencontré les dirigeants américains. Résultat : «La résolution française ne mentionnait pas du tout la responsabilité de l'opposition et de ses combattants dans la crise actuelle en Syrie.» Une manière, selon le dirigeant russe, de se plier à la volonté de Washington. «Servir les intérêts politiques des Etats-Unis, est-ce le rôle d'un pays sérieux qui prétend à un titre de grande puissance?», a-t-il regretté.
Les déclarations du chef du Kremlin sur la diplomatie française font référence à une proposition de résolution de la France sur un cessez-le-feu à Alep, soumise au Conseil de Sécurité de l'ONU le samedi 8 octobre, et rejetée en raison du veto russe. Paris avait par la suite posé son veto à la contre-proposition de Moscou, à l'unisson avec Washington et Londres.
Poutine : la rencontre avec Hollande n'a pas été «annulée», c'était seulement le mauvais moment
Le lendemain de ces désaccords, dimanche 9 octobre, François Hollande avait annoncé qu'il pourrait annuler sa rencontre avec Vladimir Poutine, prévue lors de son voyage à Paris le 19 octobre. Mardi 11 octobre, le président russe avait finalement fait savoir qu'il comptait «reporter» sa visite diplomatique dans la capitale française, où il devait également inaugurer un centre spirituel et culturel russe au Quai Branly.
"Lorsque le moment conviendra au président #Hollande, le #Kremlin pourra examiner la possibilité d'une rencontre" https://t.co/H8JpgeloNUpic.twitter.com/j37EtYi6iH
— RT France (@RTenfrancais) 11 octobre 2016
Lors de son intervention au forum économique de Moscou, mercredi, le chef d'Etat russe a souhaité dédramatiser l'incident diplomatique : «En vérité, nous n'avons même pas annulé la visite [à Paris]. Nos interlocuteurs français ont tout simplement laissé entendre que le moment n'était pas très bon pour ouvrir officiellement notre centre culturel et pour discuter de tous ces sujets humanitaires, et qu'il valait mieux reporter l'événement». Une suggestion à laquelle le Kremlin a répondu de manière positive, selon Vladimir Poutine. «Nous ne nous imposons pas», a souligné ce dernier.
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Poutine : les Etats-Unis savent que le convoi humanitaire a été attaqué par des terroristes
Concernant la situation syrienne elle-même, le chef du Kremlin a annoncé, mercredi, connaître le responsable de l'attaque du convoi humanitaire de la Croix rouge et de l'ONU du 19 septembre dernier, qui avait provoqué la mort d'une vingtaine de civils près de la ville d'Alep. «C'était l'un des groupes terroristes [syriens]. Nous le savons, et les Etats-Unis le savent également – mais préfèrent accuser la Russie de manière fallacieuse», a déploré le dirigeant russe.
#Syrie : environ 20 morts dans le raid meurtrier de lundi contre un convoi humanitaire, selon la #CroixRougehttps://t.co/pWeI28TKKXpic.twitter.com/RVpIvDk3pG
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A l'issu du drame, le Pentagone avait soutenu que les véhicules humanitaires avaient été détruits par des bombardements aériens et que des avions de guerre russes se trouvaient dans la zone concernée durant les événements. Moscou avait nié ces accusations, et fait savoir qu'un drone américain surveillait le convoi, de sorte que Washington ne pouvait ignorer ce qu'il s'était réellement passé.
«Nous n'avons jamais voulu de rupture avec les Etats-Unis»
Vladimir Poutine a également profité de son intervention au forum de l'investissement de Moscou pour rappeler que les tensions diplomatiques entre les Etats-Unis et la Russie, au sujet notamment du dossier syrien, n'étaient pas le fait de cette dernière. «Nous n'avons jamais voulu de rupture avec les Etats-Unis. Au contraire, nous aspirons à de bonnes relations avec ce grand pays, la plus grande économie du monde», a insisté le chef d'Etat.
La campagne de #Clinton qualifie @WikiLeaks d’«arme de propagande russe» après la fuite de ses emails https://t.co/mJmD9H3Plepic.twitter.com/ACh6Zk4SnZ
— RT France (@RTenfrancais) 12 octobre 2016
Washington, selon le président russe, a pour sa part contribué à refroidir les relations entre les deux pays ces derniers mois, en accusant Moscou de piratage en Amérique – la publication par WikiLeaks, notamment, des mails de la direction du Parti démocrate. Les Etats-Unis, selon Vladimir Poutine, chercheraient de cette manière à «distraire l'attention de l'essentiel des informations relayées par les hackers, qui révèlent une manipulation de l'opinion publique» de la part des responsables politiques américains.