Arabie saoudite dans le Conseil des droits de l’homme de l’ONU : Theresa May sous pression
Le 13 septembre prochain, on saura si Ryad conserve sa place de membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Au Royaume-Uni, le Premier ministre est pressé par une partie de la classe politique et plusieurs ONG de voter contre.
Le 13 septembre, l'Assemblée générale des Nations unies votera sur le maintien de l'Arabie saoudite au sein du Conseil des droits de l'homme. D’un côté, Londres vend des quantités importantes d’armes et d’appareils militaires à Ryad. De l’autre, de nombreuses personnalités politiques et activistes pressent le 10, Downing Street d'annoncer publiquement qu’il votera contre.
Kick Saudi off UN human rights council for Yemen war, May told by politicians https://t.co/sA8IFYPHaTpic.twitter.com/yWAcsJI7TK
— RT UK (@RTUKnews) 19 août 2016
Carnage au Yémen
En cette Journée mondiale de l’humanitaire, la question du maintien de Ryad à un poste qui lui permet d’influencer les standards mondiaux en matière de droits de l’homme fait plus que jamais débat. En plus d’une politique très répressive en la matière sur son territoire, l’Arabie saoudite est actuellement très critiquée pour son action militaire au Yémen.
Depuis mars 2015, Ryad a pris la tête d’une coalition internationale de pays sunnites afin de combattre les rebelles chiites houthis qui ont chassé le pouvoir en place à Sanaa.
Selon l’ONU, plus de 6 500 personnes ont déjà trouvé la mort dans ce conflit qui a fait 2,5 millions de déplacés et plus de la moitié de a population yéménite souffrirait de la faim.
L’ONG Save the children affirme qu’un tiers des enfants de moins de cinq ans souffre de malnutrition sévère. Et l’Arabie saoudite n’est pas étrangère à ce bilan calamiteux. De nombreuses écoles et hôpitaux ont été détruits par la campagne de bombardement intensive qu’elle mène depuis des mois.
Rien que cette semaine, 11 personnes ont perdu la vie dans une frappe contre un hôpital. Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch assurent qu’ils ont identifié pas moins de 69 frappes illégales, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre. Elles seraient responsables de la mort d’au moins 900 civils. Sans parler des preuves que les deux ONG assurent avoir accumulées sur l’utilisation de bombes à sous-munitions.
Selon Tom Brake, porte-parole du Parti britannique des Libéraux démocrates, le gouvernement britannique «excuse sans fin le régime saoudien». Du côté d’Amnesty International, on souhaite que le Royaume-Uni demande à Ryad de rendre des comptes «pour ses crimes de guerre en cours et ses violations des droits de l’homme au Yémen».
«Quelques jours après qu’un nouvel hôpital ait été bombardé au Yémen, il est temps pour le gouvernement du Royaume-Uni de confirmer à nouveau son engagement à respecter le droit international et d’être absolument clair sur le fait qu’il ne soutiendra pas la réélection de l’Arabie saoudite au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU», a déclaré Tom Brake.
Il s’est agacé de la ligne de défense choisie par le pouvoir : «Les conservateurs prétendent que les votes pour le conseil sont toujours gardés secrets. Mais nous demandons de la transparence sur cette problématique essentielle et n’accepterons plus les sempiternelles excuses du gouvernement saoudien.»
Tom Brake a fait référence à la Journée mondiale de l’humanitaire, une occasion pour le Royaume-Uni «de montrer sa vraie solidarité avec tous les gens qui souffrent des conflits et de l’instabilité à travers le globe».
Exécutions en masse
En plus de la situation au Yémen, l’Arabie saoudite est très critiquée pour la politique très répressive qu’elle mène sur son sol. Dans ce pays où les femmes n’ont pas le droit de conduire, les décapitations sont fréquentes. Au mois d’avril 2016, le décompte des exécutions capitales était deux fois supérieur à celui de l’année dernière à la même époque. Au cours des trois premiers mois de l’année, 82 personnes ont en effet été décapitées.
#Saudi#Arabia executes one person every two days - Independent #Execution#Punishment#HumanRights#Death
— Kartick P Sivaram (@kartickps) 15 août 2016
En janvier dernier, en une seule journée, pas moins de 47 individus ont été condamnés à mort. La majorité était accusée d’avoir participé à des attaques terroristes ayant entraîné la mort.
L’année dernière, le monde s’était ému du sort du blogueur Raif Badawi. Pour avoir exercé son droit à la parole, ce dernier s’est retrouvé flagellé en public. Sa sœur a même dû fuir le pays craignant pour sa vie.
En savoir plus : Arabie Saoudite : première exécution après la trêve du Ramadan
Une question de gros sous
Pour toutes ces raisons, les ONG sont vent debout contre Ryad. «Il est impensable que l’Arabie saoudite soit admise au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Rien n’a changé depuis notre appel à la suspension du mois de juin», peste Polly Truscott, cadre d’Amnesty International. «L’ampleur des violations systématiques des droits de l’homme que l’Arabie saoudite a commises au Yémen, comme sur son sol, sans parler de l'utilisation cynique de son rôle privilégié à l’ONU afin de se soustraire à la justice internationale, ont grandement compromis sa légitimité à jouer un rôle international au niveau humanitaire.»
Le gouvernement britannique se refuse pour l’instant à donner sa position. Et pour cause, l’affaire est plus que délicate pour le 10, Downing Street. Le rapport de Campaign Against Arms Trade avance que Londres a vendu pour plus de 3 milliards d’euros d’armement à Ryad depuis le mois de mars. Environ 2 milliards pour des avions, hélicoptères et drones et le reste en bombes et missiles.
L’année dernière, le site WikiLeaks avait révélé que le gouvernement britannique était impliqué, en 2013, dans un marchandage à propos d'un vote aidant l’Arabie saoudite à siéger au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.