Satire anti-Erdogan : Angela Merkel insiste sur l'importance de la liberté d'expression
Alors que le gouvernement allemand doit trancher sur le cas d'un comédien risquant jusqu'à trois ans de prison pour avoir «insulté» le président turc dans une satire télévisée, Angela Merkel a mis en avant l'importance de la liberté d'expression.
«Nous avons les valeurs fondamentales de notre loi fondamentale dont l'article 5 sur la liberté d'opinion, académique et artistique», a-t-elle déclaré concernant la polémique provoquée par un poème satirique déclamé sur une chaîne de télévision publique et traitant Recep Tayyip Erdogan de pédophile et de zoophile.
Elle a, par ailleurs, confirmé que son gouvernement étudiait la demande de poursuites pénales déposée par Ankara et qu'une décision serait prise dans «les prochaines jours».
La chancelière allemande a souligné que cette décision serait prise indépendamment des enjeux de la coopération avec la Turquie pour limiter l'afflux de migrants en Europe. Certains médias estiment en effet qu'Angela Merkel se trouve dans une position inconfortable car elle redoute, selon eux, un chantage d'Ankara.
«Je pense qu'il est dans l'intérêt de la Turquie et de l'Union européenne et donc aussi de l'Allemagne de trouver une solution politique, que les mouvements de réfugiés entrent dans un cadre légal et de partager ce fardeau», a-t-elle relevé.
«Mais tout cela n'a rien à voir avec le fait que les droits fondamentaux sont en vigueur en Allemagne, notamment l'article 5, les libertés de la presse, d'opinion et académique. Ce sont [des sujets] complètement découplés», a-t-elle insisté.
Behold to Erdogan on refugee deal, Germany is now censoring German critics for him too. https://t.co/ri2wjBksxipic.twitter.com/3HkPIafTL9
— Kenneth Roth (@KenRoth) 12 avril 2016
Le parquet allemand a ouvert une enquête préliminaire visant le satiriste Jan Böhmermann mais la loi allemande pose une double condition pour poursuivre les «insultes» visant un représentant d'un Etat étranger, délit passible de trois ans de prison : le pays concerné doit les réclamer et le gouvernement allemand doit les autoriser, avant de laisser trancher le tribunal compétent trancher.
Interrogé sur le sujet lors d'une visite à Berlin, le chef du parti turc pro-kurde, Selahattin Demirtas, s'est, pour sa part, inquiété du silence de Berlin sur les «importants problèmes concernant la liberté de la presse en Turquie».
.@janboehm's anti-Erdogan poem is satire and Germany should bear it, says @SSproerhttps://t.co/QLwIcpkJaQpic.twitter.com/dSsFtM0Din
— DW - Culture (@dw_culture) 11 avril 2016
«Ce qui est intéressant, c'est [...] que du côté du gouvernement allemand, pas une seule phrase n'est dite là-dessus», s'est-il étonné, lors d'une rencontre avec les Verts allemands.
Le chef du Parti de la démocratie des peuples (HDP), troisième force politique au parlement turc, a estimé aussi que ménager Recep Tayyip Erdogan en pensant faciliter la résolution de la crise des réfugiés serait «une grosse erreur».
«Je crois que dans une ou deux semaines, Angela Merkel doit à nouveau se rendre en Turquie, je suis impatient de voir si elle va pouvoir dire quelque chose là-dessus, sur la torture, sur les morts de civils en Turquie, sur les destructions dans les villes turques», a-t-il ajouté.
Le voyage d'Angela Merkel a été annoncé par le Premier ministre turc mais n'a pas été confirmé côté allemand.