Qui était vraiment le Cheikh Nimr Baqer al-Nimr, l'imam chiite exécuté en Arabie saoudite ?
Le chef religieux chiite Nimr Baqer al-Nimr, exécuté samedi en Arabie saoudite, était un défenseur charismatique de la minorité chiite. Virulent critique de la dynastie sunnite au pouvoir, il était depuis plusieurs années dans leur ligne de mire.
En 2011, alors en plein «printemps arabe», le Cheikh Nimr Baqer al-Nimr avait mené le mouvement de contestation dans l'est de l'Arabie saoudite, où se concentre la minorité chiite qui se plaint d'être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite.
L'#Iran annonce que l'#ArabieSaoudite "payera le prix fort" suite à l'exécution du #SheikhNimr al-Nimr pic.twitter.com/Jwk1oTrMZa
— Breaking3zero (@Breaking3zero) 2 Janvier 2016
Agé de 56 ans et arborant une longue barbe grise, il avait fait des études de théologie en Iran. Considéré comme un «instigateur de l'insurrection», il a été arrêté le 8 juillet 2012 et blessé à la jambe en opposant «une résistance aux forces de sécurité».
Document en francais diffusé par les saoudiens: Al Nimr y est notamment accusé d'avoir "cambriolé une pharmacie". pic.twitter.com/YzkCanLs9k
— Mعhdi (@HidEm_) 2 Janvier 2016
Son arrestation avait déjà à l'époque déclenché des affrontements avec la police dans les villages chiites de l'est du royaume, riche en pétrole.
BREAKING: Saudi Arabia to execute Nimr al-Nimr, prominent Shi'ite cleric critical of government, for inciting unrest pic.twitter.com/A77iZzLbC7
— The Int'l Spectator (@intlspectator) 2 Janvier 2016
Sa condamnation à mort pour «terrorisme», «sédition», «désobéissance au souverain» et «port d'armes» a été annoncée le 15 octobre 2014 par un tribunal de Ryadh.
Selon son frère Mohammed al-Nimr, l'homme était «un homme religieux, humble, qui menait une vie simple, ce qui le rendait attractif auprès des jeunes».
Il a affirmé que son exécution «provoquerait la colère des jeunes» chiites en Arabie saoudite, appelant toutefois à des «manifestations pacifiques».
Iran warns #SaudiArabia it faces being 'wiped from the pages of history' https://t.co/EIG5ZtYqSH Islamic world should denounce Saudi regime
— Tom Flemming (@tomflem) 2 Janvier 2016
Selon lui, après le retour de son frère d'Iran en 1994, Nimr al-Nimr était devenu un «faqih», juriste théologien de l'islam, et jouissait d'une «position spéciale et distinguée» auprès des chiites en Arabie saoudite.
C'est dans la mosquée Imam Hussein à Awamiya, son village natal, qu'il tenait ses prêches du vendredi, «très politiquement engagés», toujours selon son frère Mohammed.
C'est également dans ce village chiite du royaume que les attaques et manifestations contre la police sont courantes.
A little people, a silly people: Saudis execute 47, including Arab Spring cleric: https://t.co/67wrDMboq2 | #alNimrpic.twitter.com/kt84CVOUEU
— Brian J Flanagan (@bjflanagan) 2 Janvier 2016
Il a par ailleurs été brièvement détenu à plusieurs reprises entre 2003 et 2008 pour avoir réclamé la remise en liberté d'activistes, davantage de droits pour la communauté chiite dont le droit des enseignants à exercer dans les écoles, selon son site officiel www.sknemer.com qui est géré par sa famille.
Un farouche opposant au sunnisme et partisan d'une fusion des populations chiites
Mais c'est en 2009 qu'il a commencé à sérieusement irriter les autorités, en appelant à une sécession de l'est de l'Arabie saoudite, une région majoritairement chiite et de sa fusion avec le royaume proche de Bahreïn.
Pourquoi l’exécution du cheikh Al-Nimr susciste autant de remous? https://t.co/N8WQabsK0Ppic.twitter.com/NdgkSnPV2F
— domhertz (@domhertz) 2 Janvier 2016
Dans un discours en novembre 2011, suite à la mort de quatre chiites dans la Province orientale, le cheikh Nimr avait appelé à «la remise en liberté de tous les détenus au cours de manifestations et de tous les prisonniers de conscience, sunnites et chiites».
Au cours des funérailles d'un des manifestants de l'époque, il avait assuré: «nous sommes déterminés à réclamer nos droits légitimes par des moyens pacifiques».
Mais en 2012, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre Nimr se réjouissant de la mort du ministre de l'Intérieur de l'époque, le prince héritier Nayef.
«Que les vers le mangent», disait-il, critiquant également les dynasties sunnites régnantes en Arabie saoudite et au Bahreïn où les autorités ont écrasé en 2011, avec l'aide des troupes saoudiennes, un mouvement de protestation animé par la majorité chiite.
Le fils de Nayef, Mohammad ben Nayef, est devenu prince héritier l'an dernier.
«Il est regrettable que le verdict (de sa mise à mort) prenne davantage des allures de vengeance personnelle» plutôt qu'elle ne soit basée sur une preuve criminelle, a affirmé à l'AFP le frère du leader chiite exécuté.
Al Nimr «a prononcé des mots qui peuvent être durs mais il était le porte-parole d'une opinion. Il aurait pu être tenu politiquement responsable» mais pas exécuté, a ajouté le frère.
L'épouse de Nimr étant décédée d'un cancer en 2012, il laisse orphelins un garçon et trois filles. Ses enfants font leurs études aux Etats-Unis à l'exception de sa plus jeune fille qui vit en Arabie saoudite.
Son neveu, Ali al-Nimr, dont l'arrestation alors qu'il était mineur avait suscité de vives critiques des défenseurs des droits de l'Homme dans le monde, est actuellement emprisonné et condamné à mort.
En Arabie saoudite, qui compte 28,5 millions d'habitants, 85 à 90% de la population est sunnite. 10 à 15% sont chiites. Ces derniers sont concentré en immense majorité dans la province d'Ach-Charqiya à l'extrême Est du pays, notamment dans la ville de Al-Qatif, d'où est natif le Cheikh Nimr al-Nimr.