L'étude du réchauffement climatique, victime collatérale des sanctions antirusses
Les sanctions imposées par les chancelleries occidentales à l'encontre de la Russie ont entravé l'accès de scientifiques occidentaux à des données cruciales provenant de l'Arctique. Des blocages qui compliquent la compréhension globale du changement climatique et ainsi des efforts visant à l'endiguer.
Selon le New York Times (NYT), les sanctions contre la Russie ont réduit «au compte-goutte» les échanges de données scientifiques entre les chercheurs occidentaux et leurs homologues russes, «interrompant le travail sur une multitude de projets». «Sans fenêtres sur la Russie, les chercheurs manquent de données irremplaçables sur le gel qui s’amenuise», a notamment insisté le quotidien américain.
«Il pourrait être impossible de comprendre comment l'Arctique change sans la Russie», a averti Alessandro Longhi, un expert italien en pergélisol, cité dans l'article. Le pergélisol est un sol gelé, qui emprisonne d’importantes quantités de carbone et de méthane. Les deux tiers du territoire russe, plus vaste pays au monde, en sont recouverts, rappelle le média.
«Cela n’a aucun sens d’exclure la moitié de l’Arctique», a pour sa part déclaré Torben Rojle Christensen, professeur à l’Université d’Aarhus et directeur scientifique de la station de recherche Zackenberg au Groenland, également cité par le New York Times. Une référence au fait que la moitié du continent de glace, qui se réchauffe nettement plus vite que le reste de la planète, est sous juridiction russe.
Ces «angles morts», causés par les sanctions occidentales, inquiètent les scientifiques. Sans ces données venues de Russie, les modèles climatiques perdent en précision, rendant difficile l’élaboration de prévisions fiables sur l'évolution climatique.
Un «rideau de glace»
Certains projets financés par l'Union européenne et les États-Unis ont été suspendus dès 2022. Des pays comme la Finlande et la Norvège ont recommandé à leurs universités de couper les ponts avec la Russie, rappelle le New York Times. Des scientifiques, qui ont parfois travaillé des décennies durant avec des partenaires russes, sont désormais contraints d’utiliser des données partielles ou de se replier sur des stations de recherche au Groenland ou en Alaska. Des alternatives qui ne remplacent pas les observations directes, sur le terrain.
C'est notamment le cas de Paul Aspholm, un chercheur norvégien en bioéconomie, qui a décrit la situation comme un «rideau de glace», soulignant qu’il n’avait eu que quelques contacts sporadiques avec ses homologues russes depuis l'interruption des échanges scientifiques. Aux sanctions russes serait venue s'ajouter une certaine méfiance des scientifiques russes, qui craindraient d'être perçus comme «suspects» s'ils continuaient à traiter avec leurs homologues occidentaux, a affirmé le New York Times. «La situation scientifique rappelle l’époque de la guerre froide», a déclaré au NYT Vladimir Romanovsky, géophysicien russe travaillant à l'université américaine d'Alaska.
En réponse aux sanctions de l’Occident, la Russie renforce ses partenariats scientifiques avec des pays comme la Chine et l’Inde. Ces deux nations, autrefois simples observatrices au Conseil de l’Arctique, ont intensifié leur participation à divers projets de recherche. Ceci indique que Moscou pourrait davantage s’appuyer sur ces nouveaux partenaires pour compenser le retrait de l'Europe et des États-Unis.