Haïti : état d'urgence après l'évasion massive de plusieurs centaines de détenus
- Avec AFP
Le gouvernement haïtien a décrété le 3 mars l'état d'urgence et un couvre-feu pour reprendre le contrôle de la capitale Port-au-Prince, après l'évasion de plusieurs milliers de détenus d'un centre pénitentiaire attaqué par des gangs armés, lors de laquelle au moins une dizaine de personnes sont mortes.
«Le gouvernement de la République, se référant à l'arrêté du 3 mars 2024 déclarant l'état d'urgence sur toute l'étendue du département de l'Ouest pour une période de 72 heures renouvelable», département dont fait partie la capitale, «décrète un couvre-feu sur tout ce territoire» entre 18h et 5h locales lundi, mardi et mercredi, ainsi que dimanche de 20h locales à 5h, a indiqué le 3 mars un communiqué du gouvernement haïtien.
Le ministre de l'Économie et des Finances de Haïti, Patrick Michel Boisvert, a signé ce document en tant que Premier ministre par intérim. Le Premier ministre Ariel Henry était en déplacement au Kenya la semaine dernière, où Port-au-Prince et Nairobi ont signé un accord pour l'envoi de policiers kényans dans l'île.
Le couvre-feu a été annoncé «en raison de la dégradation sécuritaire», notamment à Port-au-Prince, «caractérisée par des actes criminels de plus en plus violents perpétrés par les gangs armés», ainsi qu'en tenant compte de «l'évasion de prisonniers dangereux», actions mettant «en péril la sécurité nationale», selon le gouvernement.
«Les forces de l'ordre ont reçu l'ordre d'user de tous les moyens légaux à leur disposition en vue de faire respecter le couvre-feu et d'appréhender tous les contrevenants», a ajouté le communiqué.
Pays pauvre des Caraïbes, Haïti fait face à une grave crise politique, sécuritaire et humanitaire, depuis l'assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse. Les forces de sécurité sont dépassées par la violence des gangs qui ont pris le contrôle de pans entiers du pays, y compris de la capitale Port-au-Prince.
Évasion massive de détenus
Au moins une dizaine de personnes sont mortes durant l'évasion de plusieurs milliers de détenus du pénitencier national de Port-au-Prince, en Haïti, attaqué par des gangs armés cherchant à libérer les prisonniers, a-t-on appris ce 3 mars auprès d'une ONG et d'un journaliste de l'AFP.
«On a dénombré de nombreux cadavres de détenus», a déclaré Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH).
Il a expliqué que seule une centaine de détenus étaient toujours présents dans la prison le 3 mars, sur environ 3 800 avant l'attaque perpétrée par les gangs armés la nuit précédente.
Un journaliste de l'AFP s'étant rendu sur place dans la matinée du 3 mars a lui vu une dizaine de corps aux alentours de la prison. Certains d'entre eux avaient été touchés par des balles ou par des projectiles, selon lui. Il a pu se rendre dans la prison, dont la porte était «ouverte» et où il n'y avait «quasiment personne», a-t-il raconté.
Depuis la semaine passée, des gangs armés s'en prennent à des sites stratégiques, disant vouloir renverser le Premier ministre contesté Ariel Henry. Au pouvoir depuis 2021, ce dernier aurait dû quitter ses fonctions début février.
Dans la nuit du 2 au 3 mars, des policiers «ont tenté de repousser l'assaut des gangs criminels contre le pénitencier national et la prison de Croix des Bouquets», a indiqué le gouvernement haïtien dans un communiqué.
«Cet assaut contre ces centres carcéraux a fait plusieurs blessés parmi les prisonniers et le personnel de l'administration pénitentiaire», a-t-il ajouté.
«Criminels lourdement armés»
Le gouvernement a dénoncé les «déchaînements de criminels lourdement armés voulant à tout prix libérer des personnes gardées, notamment pour des faits de kidnapping, de meurtres et d'autres infractions graves».
La police nationale «mettra tout en œuvre pour traquer les prisonniers en fuite, arrêter les responsables de ces actes criminels et leurs complices», a assuré le gouvernement.
S'agissant de la prison de Croix des Bouquets, on ignore pour l'heure combien de détenus ont pu s'échapper, selon Pierre Espérance.
Plusieurs prisonniers de droit commun, des chefs de gangs connus et des inculpés dans l'assassinat du président Jovenel Moïse étaient incarcérés au pénitencier national, situé à quelques centaines de mètres du palais national.