Lavrov : les enfants évacués des zones de combats «ne sont pas cachés» en Russie
Sergueï Lavrov a assuré que rien n’empêchait les parents des enfants déplacés des zones des combats de venir les chercher. En février, un rapport soutenu par Washington avait accusé la Russie de déporter des milliers d’enfants ukrainiens.
«Tous les enfants présents sur le territoire russe sont connus : leurs noms, leurs prénoms ne sont pas cachés, les coordonnées des endroits où ils se trouvent ne sont pas cachées», a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov, lors d'un point presse le 30 juin. «Les parents ou les proches de ces enfants ont le droit de les récupérer. Cela a déjà été le cas de dizaines d’enfants, qui sont revenus chez leurs parents, leurs proches», a poursuivi le ministre.
Cet échange fait écho aux accusations portées par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre de l’exécutif russe. Le 19 mars, son procureur général avait émis deux mandats d’arrêt, l’un à l’encontre du président russe Vladimir Poutine et l’autre visant sa commissaire aux droits de l’enfant Maria Lvova-Belova, tous deux accusés du crime de guerre de «déportation illégale» d'enfants ukrainiens.
Rapport du HRL : une méthodologie qui interpelle
Ces mandats d’arrêt avaient été délivrés quelques semaines après la publication d’un rapport du Humanitarian Research Lab (HRL) de l'Université de Yale, très largement diffusé dans les médias occidentaux qui ont repris les accusations de «déportations», de «détentions» et de «rééducation» dans des camps d'enfants de quatre à sept ans.
Des mots lourds de sens, appuyés par les déclarations à la télévision américaine du directeur du HRL, Nathaniel Raymond. Auprès de CNN, le chercheur estimait que tout ceci constituait un «potentiel crime contre l’humanité», invoquant pêle-mêle le Statut de Rome – traité fondateur de la CPI – et le procès de Nuremberg. Trois semaines plus tard, reprenant des termes similaires à ceux utilisés dans le rapport du HRL, la CPI délivrait ses deux mandats d'arrêt.
Pourtant, ce rapport financé par le département d’Etat américain a vu sa méthodologie être pointée du doigt par des journalistes aux Etats-Unis. Le premier grief de ces derniers étant l’absence totale d’enquête de terrain.
This report on alleged deportation of children from Ukraine, funded by the State Department, was cited by Biden in his Poland speech last month. It names Putin and Maria Lvova-Belova as the main culprits: exactly mirroring the ICC arrest warrant. And the methodology is just crazy pic.twitter.com/WOZTe4Xqfu
— Michael Tracey (@mtracey) March 20, 2023
Comme le précisent eux-mêmes les auteurs du rapport, ils se sont exclusivement basés sur des «informations en accès libre» et n’ont pas cherché à prendre contact avec les parents dont les enfants auraient été «enlevés» par les autorités russes. «Yale HRL ne mène pas d'enquêtes sur le terrain», écrivaient-ils encore.
Une méthodologie qui a débouché sur des situations incongrues, comme lors d’une présentation au département d’Etat, où l’un des auteurs du rapport s’est attelé à présumer des motivations des parents qui pourraient avoir choisi de confier leurs enfants aux Russes, sans preuve concrète. Un épisode qu’avait dénoncé le journaliste Michael Tracey, habitué de Tucker Carlson Tonight, l’émission vedette de Fox News.
«Yale HRL a entièrement basé ses recherches sur les données satellitaires Maxar, les publications de Telegram et les reportages des médias russes, en s'appuyant sur Google Translate pour les interpréter», notaient pour leur part Jeremy Loffredo et Max Blumenthal, du média d’investigation américain The Grayzone.
Faire condamner la Russie à La Haye, une obsession américaine
Jeremy Loffredo, lui, s’est rendu dans l’un des camps pointés du doigt par les Occidentaux, où il a pu s’entretenir avec des pensionnaires. «Ils sont heureux d’être loin du front», a-t-il témoigné sur RT. «C’est fou qu’un crime de guerre soit d’éloigner des enfants d’une ligne de front et que le moyen de réparer ce crime de guerre soit de renvoyer les enfants sur la ligne de front», a déclaré le journaliste.
Les Etats-Unis ne reconnaissent pas la Cour pénale internationale, mais soutiennent ses accusations à l'égard de la Russie. Le 3 juillet s’ouvrait à La Haye un bureau spécial, présenté comme une première étape vers la création d’un tribunal spécial en charge de juger les dirigeants russes pour «crime d'agression» vis-à-vis de l'Ukraine. Une notion similaire à celle de «crime contre la paix», utilisée dans les procès de Nuremberg et de Tokyo au sortir de la Seconde Guerre mondiale, notait alors l’AFP.
Cette «forme de parquet», qui regroupe notamment des procureurs des Etats-Unis et de la CPI, ambitionne de combler «un trou béant dans la responsabilité du crime d'agression» avait déclaré le procureur général ukrainien Andriy Kostine, la CPI n'étant compétente pour juger ce crime que si le pays qui en est accusé a ratifié le Statut de Rome, ce qui n'est pas le cas de la Russie ainsi que d’une trentaine d’autres pays, dont les Etats-Unis.