La Chine et la Russie mettent en garde les Etats-Unis contre une possible visite de Pelosi à Taïwan
Pékin a averti Washington quant aux conséquences de l'éventuelle venue de la présidente de la Chambre des représentants sur l'île, tandis que Moscou a évoqué une «provocation absolue» et réaffirmé son soutien à la Chine.
La Chine a mis en garde les Etats-Unis le 2 août quant aux répercussions d’une éventuelle visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, lors de sa tournée asiatique, assurant qu'ils devront en assumer les conséquences. «Les Etats-Unis auront assurément la responsabilité [des conséquences] et devront payer le prix de leur atteinte à la souveraineté et à la sécurité de la Chine», a indiqué devant la presse une porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying.
Pékin considère l'île comme faisant partie intégrante de son territoire et a plusieurs fois mis en garde Washington contre une visite de la haute responsable démocrate, qui serait vécue comme une provocation majeure. Le 28 juillet, lors d'un entretien téléphonique avec le président américain, Xi Jinping avait déjà appelé les Etats-Unis à ne «pas jouer avec le feu». «Telle que nous la voyons, pareille visite semble très dangereuse et très provocatrice», a renchéri lors d'une conférence de presse l'ambassadeur chinois aux Nations unies, Zhang Jun. «Si cette visite a lieu, elle affaiblira également la relation entre la Chine et les Etats-Unis, je suis sûr que les Etats-Unis comprennent cela», a souligné le diplomate .
Pour appuyer leur message, les militaires chinois ont diffusé le 1er août sur internet une vidéo au ton martial montrant des soldats prêts au combat, des chasseurs en train de décoller ou encore une pluie de missiles anéantissant diverses cibles, relayée par l'ambassade de Chine en France.
Commandement de Théâtre Est de l’Armée populaire de Libération chinoise : Suivant de pied ferme l’évolution de la situation, nous sommes prêts au combat. Déterminés à enterrer tous les ennemis envahisseurs, nous remporterons une victoire après l’autre.#Chine#Taiwan#APLpic.twitter.com/D1kxUOcLKQ
— Ambassade de Chine en France (@AmbassadeChine) August 2, 2022
«Washington déstabilise le monde», selon la diplomatie russe
Dans la foulée de ces avertissements, la Russie, alliée de la Chine, a accusé les Etats-Unis d’accroître l’instabilité mondiale. «Washington déstabilise le monde. Pas un seul conflit réglé dans les dernières décennies, mais plusieurs provoqués», a déclaré sur son compte Telegram la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova. «Tout ce qui est lié à [...] un possible déplacement à Taïwan est une pure provocation», a déclaré à la presse le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, soulignant que l'annonce d'un tel déplacement «aggrave la situation dans la région et renforce les tensions». Le 29 juillet, le Kremlin s'était dit «solidaire» de la Chine, exprimant son respect «pour la souveraineté et l'intégrité territoriale» de son allié.
Nancy Pelosi était en Malaisie le 2 août, où elle a rencontré le Premier ministre et le président de la chambre basse du Parlement lors de la deuxième étape d'un voyage en Asie qui suscite des spéculations autour d'une potentielle visite à Taipei. Après Singapour et la Malaisie, son itinéraire prévoit des étapes en Corée du Sud et au Japon, le flou persistant autour d'un possible arrêt à Taïwan : des médias locaux ont évoqué un atterrissage de la démocrate dans la soirée du 2 août.
Si la Maison Blanche a pu se montrer gênée par la situation, John Kirby, son porte-parole a affirmé le 1er août que Nancy Pelosi avait «le droit de visiter Taïwan», ne voyant pas «de raison pour que Pékin fasse de cette visite, qui ne déroge pas à la doctrine américaine de longue date, une forme de crise». Des responsables américains ont dit se préparer à de possibles démonstrations de force de l'armée chinoise, comme des tirs de missiles dans le détroit de Taïwan ou des incursions aériennes massives autour de l'île. La présidente de la Chambre des représentants serait, si sa visite se confirme, le plus haut responsable américain à visiter Taïwan depuis son prédécesseur Newt Gingrich en 1997.
Les Etats-Unis pratiquent à l'égard de Taïwan une diplomatie dite d'«ambiguïté stratégique» consistant à ne reconnaître qu'un seul gouvernement chinois, celui de Pékin, tout en continuant à apporter un soutien décisif à Taipei, à travers de nombreuses ventes d'armes. Si Washington s'abstenait jusqu'alors de dire clairement si les Etats-Unis défendraient ou non militairement l'île en cas d'invasion, plusieurs déclarations de Joe Biden ont semé le trouble quant au maintien de cette ligne, puisqu'il a laissé entendre que les Etats-Unis riposteraient si la Chine décidait d'engager une action militaire contre l'île, avant que la Maison Blanche ne minimise la portée de ses propos.
Mi-avril, Pékin avait déjà vivement critiqué la visite d'une délégation parlementaire américaine à Taïwan, demandant aux Américains d'abandonner une «voie dangereuse». Début juin, le ministère chinois de la Défense avait ensuite assuré que son pays «briserait en mille morceaux» toute tentative d'indépendance de l'île et n'hésiterait aucunement à déclencher une guerre, «quel qu'en soit le coût». De la même manière, le porte-parole du ministère chinois de la Défense a déclaré le 8 juillet que son armée était «prête à la guerre» pour assurer l'«unité de la Chine».