Loukachenko : la fin du conflit «dépend» de Kiev, qui doit accepter des concessions territoriales
Le président biélorusse a jugé possible une fin des affrontements, à la condition que Kiev accepte de négocier avec Moscou des concessions territoriales. Selon lui, l'Occident a provoqué le conflit, qui pourrait dégénérer en guerre nucléaire.
Le conflit en Ukraine ne cessera que si Kiev accepte de négocier avec la Russie, a estimé le président biélorusse Alexandre Loukachenko dans un entretien exclusif avec l'AFP le 21 juillet. Au cours de cette interview, il s'est inquiété d'une possible escalade nucléaire mettant aux prises la Russie et les Occidentaux, tout en rejetant la responsabilité du déclenchement des hostilités sur ces derniers.
«Arrêtons-nous. Il ne faut pas aller plus loin. Plus loin, c'est le précipice. Plus loin, c'est la guerre nucléaire. Cela ne doit pas aller jusque-là», a-t-il averti, estimant qu'«il faut arrêter, s'entendre, arrêter ce chaos, l'opération et la guerre en Ukraine». Selon le dirigeant biélorusse, c'est à Kiev d'accepter l’ouverture de négociations, seule issue au conflit. «Tout dépend de l'Ukraine, actuellement, la particularité du moment est que la guerre peut se finir dans des conditions plus préférables, acceptables pour l'Ukraine», a jugé Alexandre Loukachenko.
Parmi les points-clés d'une éventuelle négociation, le président biélorusse a estimé que l’Ukraine devrait accepter de «ne jamais avoir sur [son] territoire […] des armes menaçant la Russie». En outre, l'Ukraine devrait selon lui accepter que les territoires sous contrôle de la Russie dans l'est et le sud du pays sont désormais perdues. «Cela ne se discute plus, on aurait pu en discuter au mois de février, mars», a-t-il jugé.
De son côté, la diplomatie russe s'est montrée sceptique sur la capacité de Kiev à réentamer des négociations : à plusieurs reprises, le ministre des Affaires étrangères Sergueї Lavrov a en effet accusé les Anglo-Saxons de ne pas autoriser le gouvernement ukrainien à reprendre le processus diplomatique. «Je n’ai aucun doute que les Ukrainiens ne seront pas autorisés à négocier jusqu’à ce que les Américains décident : "Nous avons déjà assez fait de raffut, on a semé le chaos, et maintenant on peut les livrer à eux-mêmes, et on verra comment ils s’en sortiront"», a-t-il encore déclaré le 20 juillet.
Inquiet des lourds dangers potentiels liés à la poursuite du conflit, le président biélorusse a aussi rappelé les propos tenus par son homologue russe Vladimir Poutine le 7 juillet selon lesquels la Russie n'avait encore rien commencé «de sérieux» dans le cadre de son opération militaire. «La guerre qui est en cours là-bas n'est pas encore celle que la Russie pourrait mener», a ainsi commenté Alexandre Loukachenko, évoquant des armes «effrayantes» dont disposerait Moscou.
Si la Russie n'avait pas devancé l'OTAN, vous [...] l'auriez frappée
Enfin, le chef d'Etat biélorusse a rejeté sur l'Occident l'entière responsabilité du déclenchement du conflit, estimant que la menace qu'il faisait peser sur la Russie était telle que Moscou se devait d'intervenir. «Nous avons vu les causes de cette guerre, la cause est que si la Russie n'avait pas devancé l'OTAN, vous [les Occidentaux] vous seriez organisés et l'auriez frappée», a-t-il martelé. « Vous en êtes à l'origine et vous prolongez cette guerre», a-t-il lancé, en référence aux livraisons d’armes occidentales à Kiev.
La Biélorussie entend rester à l'écart du conflit
Selon Alexandre Loukachenko, le conflit aurait été évité si les pays Occidentaux avaient donné au président russe Vladimir Poutine «les garanties de sécurité qu'il réclamait», à savoir le retrait de l'Alliance atlantique sur ses frontières de 1997 et l’arrêt du rapprochement de l'Occident avec l'Ukraine. «Pourquoi n'avez-vous pas donné ces garanties ? Cela veut dire que vous vouliez la guerre», a-t-il déclaré.
Le 2 juillet, Alexandre Loukachenko avait affirmé que son armée avait abattu, quelques jours plus tôt, des missiles tirés depuis l'Ukraine dont les cibles se trouvaient en Biélorussie, et réitéré à cette occasion son intention de «ne pas combattre en Ukraine». Son pays ne participe pas à l'opération militaire lancée par la Russie le 24 février, et a d'ailleurs accueilli des pourparlers de paix entre les parties russe et ukrainienne.
Sous lourdes sanctions occidentales à l'instar de la Russie, la Biélorussie coopère de manière étroite avec Moscou sur les plans économique et militaire. Le 25 juin, le président russe Vladimir Poutine avait annoncé que son pays allait livrer «dans les prochains mois» à Minsk des systèmes de missiles tactiques Iskander-M, capables de transporter des ogives nucléaires.