Le Conseil national du PS a adopté à 62%, dans la soirée du 5 mai, l'accord avec La France Insoumise (LFI) pour les élections législatives de juin 2022 au terme de débats parfois tendus, sur fond de fronde de plusieurs figures du parti. L'accord a été adopté par 167 voix pour, 101 contre, et 24 absentions, après quatre heures de débats qui ont vu s'affronter partisans et opposants de l'alliance avec LFI, Europe écologie-Les Verts (EELV) et le Parti communiste français (PCF) pour les législatives des 12 et 19 juin.
«C'est un moment de clarification, ce vote dit à quel espace politique nous appartenons», c’est-à-dire «à gauche» et pas avec Emmanuel Macron, a conclu le premier secrétaire Olivier Faure depuis le siège du parti, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). «Mitterrand, c'était ça la radicalité, et pourtant nous l'avons fait», s'est exclamé Olivier Faure. «A force de dire que nous sommes un parti de gouvernement, nous pouvons oublier nos propres racines, qui sont en partie dans la radicalité».
Le porte-parole du parti, Pierre Jouvet a rapporté la façon dont se sont déroulées les tractations qu'il a menées avec LFI et a justifié les compromis passés, avançant qu'«il n'est pas forcément évident pour les derniers rentrants [le PS] de ne pas accepter le cadre proposé» sur les circonscriptions, le programme et la stratégie.
L'accord que vous avez négocié demande de faire repentance
La maire de Vaulx-en-Velin Hélène Geoffroy, chef du courant minoritaire, s'est insurgée : «L'accord que vous avez négocié demande de nous excuser, de faire repentance, de nier une partie de notre histoire.» Le sénateur du Val-d'Oise Rachid Temal, aussi opposé à l'accord, a tonné à propos de certains candidats dissidents qui ne manqueront pas de se déclarer après le vote : «Il va falloir que Jean-Luc Mélenchon accepte l'insoumission. Soyez candidats si vous le souhaitez, c’est ça l'insoumission.»
Une autre sénatrice, Laurence Rossignol, a soutenu l'accord, arguant : «Il nous remet dans la gauche, [dont] nous [...] étions sortis. Nous n'étions plus fréquentables.» L'élue a de tenter de rassurer les opposants en évoquant l'avenir : «LFI n'est pas la force centrale de la gauche, elle est temporairement dominante, c’est un moment à passer», a-t-elle estimé.
La députée Christine Pirès-Beaune, elle, estime : «On n'a pas pu imposer un accord meilleur que celui-là.» Mais, faute d'alternative, elle a expliqué voter l'accord «le cœur serré». En outre, la présidente du groupe socialiste à l'Assemblée Valérie Rabault, qui aurait été approchée par Emmanuel Macron pour le poste de Premier Ministre, avait fait savoir en interne qu'elle ne soutiendrait pas l'accord, selon un message consulté par l'AFP.
Polémiques sur la répartition des circonscriptions
Selon la liste consultée par l'AFP, sur les 70 circonscriptions obtenues par les socialistes, une bonne vingtaine sont gagnables, alors que l'Assemblée sortante compte 26 députés PS, plus trois apparentés. Les circonscriptions de trois sortants ont été sacrifiées : David Habib dans les Pyrénées-Atlantiques, Christian Hutin (qui ne souhaitait pas se représenter) dans le Nord et Michèle Victory dans l'Ardèche. S'y ajoute la première circonscription de la Loire de Régis Juanico (Générations), que le PS pensait récupérer.
Lamia El Araaje, candidate dans le XXème arrondissement de Paris et dont l'élection en 2021 a été invalidée en 2022, s'estime elle aussi flouée, l'accord investissant à sa place l’Insoumise Danielle Simonnet. Une motion a été votée au Conseil pour donner mandat de renégocier en faveur de la socialiste.
Malgré des «réserves concernant l'Europe», la maire de Lille Martine Aubry, figure historique du PS, a soutenu l'accord, estimant que «les électeurs de gauche ont exprimé lors du premier tour des élections présidentielles une forte aspiration au rassemblement et à l'unité». Plusieurs maires de grandes villes ont également appelé à le soutenir. Parmi eux Johanna Rolland (Nantes) qui a dirigé la campagne d'Anne Hidalgo à l'Elysée, Benoît Payan (Marseille) ou encore Mathieu Klein (Nancy).
Fronde des éléphants
La direction socialiste a toutefois fait face à la fronde de personnalités du parti. L'ancien président François Hollande a «récusé l'accord sur le fond et les circonscriptions», tandis que son ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve a mis sa menace à exécution en quittant le parti le 4 mai. Un autre ex-chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, a déploré auprès de l'AFP un «rafistolage» et une «forme de démission» qui risque selon lui de fracturer le PS.
Tous ont critiqué l'alliance avec Jean-Luc Mélenchon, antagoniste du PS depuis son départ en 2008, mais aussi l'inclusion dans l'accord de la «désobéissance» aux traités européens en cas de blocage pour appliquer le programme, ou encore de nombreuses mesures sociales qu'ils estiment impossibles à financer.
Anne Hidalgo avait pour sa part affirmé à l'AFP «ne pas souhaiter empêcher un accord électoral qui vise à combattre la régression écologique et sociale», tout en critiquant un texte qui «ne respecte pas les personnes» et qui «ne porte pas les garanties nécessaires sur l'OTAN, l'Europe de la défense ou la laïcité», alors que la candidate à l’élection présidentielle avait vivement attaqué les positions de Jean-Luc Mélenchon en matière de politique étrangère pendant la campagne. Très opposée au rapprochement avec LFI, la présidente socialiste de la région Occitanie, Carole Delga, a d'ores et déjà présenté des candidats hors accord. Les socialistes de la région ont rejeté «l'accord de boutiquiers» conclu à Paris et espèrent initier une «refondation» du PS.