Une sculpture en hommage à l'émir Abdelkader, héros algérien, vandalisée à Amboise
- Avec AFP
Une sculpture en hommage à Abdelkader a été vandalisée avant son inauguration à Amboise (Indre-et-Loire), où l'émir a été détenu de 1848 à 1852. Un acte qui a suscité un concert de condamnations, dont celle d'Emmanuel Macron.
Indignation à Amboise après les dégradations d'une sculpture en hommage au héros algérien Abdelkader, perpétrées avant son inauguration prévue le 5 février. Cette œuvre consacrée aux 60 ans de l'indépendance de l'Algérie avait été proposée par l'historien Benjamin Stora dans son rapport sur «Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie», remis à Emmanuel Macron en janvier 2021.
Peu avant la cérémonie prévue à 11h, les passants et la centaine de personnes présentes ont découvert que l'œuvre intitulée «Passage Abdelkader», signée de l'artiste tourangeau Michel Audiard, représentant l'émir découpé dans une feuille d'acier rouillé, avait été largement dégradée dans la partie basse de la structure.
«L'œuvre était en parfait état depuis sa mise en place il y a dix jours. La police municipale a constaté ce matin [du 5 février], un peu après 8h, les dégradations. Il n’y a pas de revendication», a fait savoir à l'AFP le chef d’escadron de la gendarmerie Hugues Loyez. Le procureur de Tours Grégoire Dulin a annoncé l'ouverture d'une enquête pour «dégradation grave de bien destiné à l'utilité publique et appartenant à une personne publique».
«Rappelons-nous ce qui nous unit. La République n'effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n'oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statues», a condamné Emmanuel Macron dans une réaction transmise à l'AFP.
Si l'inauguration de la stèle a été maintenue, le maire d'Amboise Thierry Boutard (divers droite) a fait part de son indignation. «J’ai eu honte qu'on traite une œuvre d’art et un artiste de cette sorte. Le deuxième sentiment est bien sûr l’indignation. C’est une journée de concorde qui doit rassembler et un tel comportement est inqualifiable», a-t-il dit à l'AFP.
«C’est une période politiquement tendue ou que certains se plaisent à tendre [...] Nous résisterons contre ces propos calomnieux, ces actes inqualifiables, souvent teintés d’intolérance et de racisme», a-t-il ajouté.
De son côté, l'artiste Michel Audiard a confié sa peine de voir son œuvre en partie détruite. «C'est réellement un saccage prémédité. Il faut une disqueuse, il faut couper, il faut tordre. C'est un acte de lâcheté [...] ce n'est pas signé, c'est gratuit. On était là pour fêter un personnage emblématique dans la tolérance et là c'est un acte intolérant. Je suis atterré», a-t-il lâché.
Le maire a également indiqué que l'œuvre serait «restaurée et refaite». L'artiste l'a estimé possible d'ici un mois.
Le député La République en marche d'Indre-et-Loire Daniel Labaronne s'est également dit «indigné et consterné», voyant en effet dans Abdelkader un «homme de tolérance, de paix et de dialogue».
L'ambassadeur d'Algérie en France dénonce «un acte de vandalisme d'une bassesse inqualifiable»
L'ambassadeur d'Algérie en France Mohamed Antar Daoud a dénoncé de son côté «un acte de vandalisme d'une bassesse inqualifiable». «Il faut dépasser cela […] Le rapprochement franco-algérien continue. Il y a une dynamique, une volonté de part et d'autre d'aller de l'avant», a-t-il poursuivi dans des propos rapportés par l'AFP.
L'historien Benjamin Stora a dénoncé «l'obscurantisme et l'ignorance» de ceux qui ont vandalisé l'œuvre. «L'émir Abdelkader a eu plusieurs vies. Il a combattu la France bien sûr mais il a été aussi un ami de la France. Ceux qui ont fait ce geste ne connaissent rien à l'histoire de France, ce sont des analphabètes, des incultes qui ne savent pas ce qu'a été l'émir», a-t-il regretté.
L'émir Abdelkader ibn Mahieddine est une grande figure de l'histoire de l'Algérie. Celui qui était surnommé «le meilleur ennemi de la France» a joué un grand rôle dans le refus de la présence coloniale française en Algérie. Il est considéré comme l'un des fondateurs de l'Algérie moderne.
Après sa reddition, il a été emprisonné à Pau, Toulon, puis au château d'Amboise de 1848 à sa libération en 1852. Il s'exile ensuite à Damas, où il s'illustre en 1860 en défendant les chrétiens de Syrie, en proie aux persécutions. Cet acte fera de lui un symbole de tolérance. Il sera récompensé de la grand-croix de la Légion d'honneur.