Laurent Wauquiez coupe les vivres à Sciences Po Grenoble après la suspension d'un enseignant
- Avec AFP
Le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez a annoncé qu'il suspendait tout financement à Sciences Po Grenoble après la suspension de l'enseignant Klaus Kinzler, accusé en mars d'islamophobie par des élèves.
Sciences Po Grenoble, qui s'est retrouvé en mars au cœur d'une polémique nationale dans le sillage du débat sur l'«islamo-gauchisme», défraie de nouveau la chronique après que le Figaro a révélé le 20 décembre que Klaus Kinzler, un des enseignants qui ont été accusés d'«islamophobie», mais aussi assimilés à des «fascistes» dans des affiches, a été suspendu pour quatre mois.
La direction lui reproche selon le quotidien «des propos diffamatoires» proférés dans la presse malgré des demandes répétées de la directrice, Sabine Saurugger, de ne pas répondre aux sollicitations de presse. L'arrêté vise des interviews accordées début décembre par l'enseignant au site de l'hebdomadaire Marianne, au quotidien L'Opinion et à la chaîne CNews.
Dans les interviews qui lui sont reprochées, l'enseignant a décrit l'IEP comme un institut de «rééducation politique», accusant un «noyau dur» de collègues, adeptes selon lui des théories «woke», d'endoctriner les étudiants, et la direction de l'IEP de laisser faire.
Pour le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, ce dernier événement fait déborder la coupe : «Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautariste inacceptable», a-t-il dénoncé dans un tweet. Il a par ailleurs annoncé la suspension par la région de «tout financement et toute coopération avec l'établissement».
Dans un communiqué, Laurent Wauquiez a justifié sa décision de suspendre les financements régionaux – environ 100 000 euros par an hors investissement sur projets, selon l'exécutif – par une «longue dérive idéologique et communautariste», qui vient selon lui de «franchir un nouveau cap» avec la suspension de l'enseignant. Selon lui, «une minorité a confisqué le débat» au sein de l'établissement, «sans que la direction ne prenne la mesure de cette dérive préoccupante».
Sciences Po Grenoble est depuis trop longtemps dans une dérive idéologique et communautariste inacceptable. Ce n’est pas ma conception de la République : la Région @auvergnerhalpes suspend donc tout financement et toute coopération avec l'établissement.https://t.co/WCvlE9zzSi
— Laurent Wauquiez (@laurentwauquiez) December 20, 2021
La décision de Laurent Wauquiez soutenue par plusieurs personnalités de droite
Au sein de cette formation politique, le président de région n'est pas le seul à avoir réagi, l'eurodéputé François-Xavier Bellamy ayant apporté son soutien à l'enseignant.
Un professeur discute la notion d'islamophobie : son nom est placardé sur les murs de l'IEP de Grenoble, il est empêché d'enseigner et placé sous protection policière. Et parce qu'il ose alerter sur la situation... son IEP le suspend. Soutien @KinzlerK ! https://t.co/kT3gSuSVvl
— Fx Bellamy (@fxbellamy) December 20, 2021
«Etrange impression que l’on condamne la mauvaise personne», a déclaré pour sa part le député et finaliste de la primaire du parti LR pour la présidentielle Eric Ciotti.
Soutien à Klaus Kinzler, enseignant à Sciences Po Grenoble suspendu de ses fonctions.
— Eric Ciotti (@ECiotti) December 20, 2021
Son nom avait été placardé sur les murs de l’école avec «fasciste», «islamophobie». Il avait dénoncé une chasse idéologique.
Étrange impression que l’on condamne la mauvaise personne … https://t.co/C4a02Knmzw
Hors de LR, l'eurodéputé RN Gilbert Collard s'est félicité de la décision de suspendre les financements : «Bravo à Laurent Wauquiez pour cette initiative : plus un seul centime public pour tous les apôtres idéologiques et communautaires de la haine de la France», a-t-il écrit.
Bravo à Laurent Wauquiez pour cette initiative : plus un seul centime public pour tous les apôtres idéologiques et communautaires de la haine de la France ! #KlausKinzler#SciencesPoGrenoblepic.twitter.com/8vkYV9ealo
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) December 20, 2021
Ça empoisonne ma vie mais il faut peut-être aller jusqu'au bout pour savoir qui a le droit de dire quoi et dans quelle situation
Pour ses avocats Patrick Klugman et Ivan Terel, qui dénoncent une «chasse aux sorcières», Klaus Kinzler «a été contraint de prendre la parole afin de se défendre» après avoir été mis en cause «sur la place publique». «Ça empoisonne ma vie mais il faut peut-être aller jusqu'au bout pour savoir qui a le droit de dire quoi et dans quelle situation», a déclaré l'enseignant à l'AFP, évoquant un possible recours devant le tribunal administratif.
Contactée par l'AFP, la direction de l'IEP de Grenoble n'a pas souhaité réagir à «une mesure interne». Le 13 décembre, dans une interview à Marianne, Sabine Saurugger avait pris la défense de l'établissement.
«Monsieur Kinzler reproche un certain nombre de faits qui ne sont pas exacts. Il dit notamment que la direction ne l'a jamais protégé. Sciences Po Grenoble est un établissement où la liberté d'expression et la liberté d'enseignement se trouvent au cœur du projet académique», avait-elle dit.
Controverse sur le terme «islamophobie»
À l'origine de l'affaire, fin 2020, Klaus Kinzler et une collègue historienne avaient échangé des courriels véhéments à propos d'une journée de débats intitulée «racisme, antisémitisme et islamophobie», terme dont il contestait le caractère scientifique, tout en critiquant l'islam.
Le 4 mars, Klaus Kinzler et un autre enseignant avaient été la cible d'affichettes les accusant d'«islamophobie» et les assimilant aux «fascistes», placardées par des étudiants et relayées sur les réseaux sociaux par des syndicats.
La directrice de l'IEP avait condamné «très clairement» ces affiches, tout en estimant que la façon dont Klaus Kinzler parlait de l'islam était «extrêmement problématique». Le 26 novembre, 16 des 17 étudiants de l'IEP poursuivis devant une instance disciplinaire ont été relaxés, tandis que la ministre de l'Enseignement supérieur avait préconisé des sanctions à leur encontre. Un seul a fait l'objet d'une exclusion temporaire avec sursis.