Policiers assassinés à Magnanville en 2016 par un islamiste : les assises pour un complice présumé
- Avec AFP
L'assassin islamiste Larossi Abballa et Mohamed Lamine Aberouz «étaient portés par la même idéologie favorable au djihad armé», ont estimé les magistrats qui renvoient ce dernier aux assises pour complicité présumée dans l'attaque de Magnanville.
Plus de cinq ans après l'assassinat d'un couple de policiers à son domicile de Magnanville (Yvelines), des juges antiterroristes ont renvoyé devant les assises Mohamed Lamine Aberouz, complice présumé de l'assaillant islamiste qui avait revendiqué l'attaque au nom de Daesh avant d'être abattu.
Les juges d'instruction ont ordonné le 3 décembre que Mohamed Lamine Aberouz soit jugé pour complicité d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique, association de malfaiteurs terroriste criminelle et complicité de séquestration sur mineurs de moins de 15 ans en relation avec une entreprise terroriste, a appris l'AFP le 6 décembre de source judiciaire. Les magistrats ont suivi les réquisitions du parquet national antiterroriste (PNAT) qui demandait aussi un non-lieu pour deux autres hommes qui avaient été soupçonnés d'avoir apporté un soutien logistique à l'assaillant islamiste Larossi Abballa, a précisé cette source.
Jean-Baptiste Salvaing, 42 ans, commandant adjoint du commissariat des Mureaux (Yvelines), et sa compagne Jessica Schneider, 36 ans, agent administratif dans un commissariat voisin, avaient été assassinés chez eux le 13 juin 2016, en présence de leur fils âgé alors de 3 ans. Mis en examen le 11 décembre 2017 et placé en détention provisoire, Mohamed Lamine Aberouz, 28 ans, se dit innocent et assure s'être rendu ce soir-là à la mosquée, selon l'AFP. Mais alors que les enquêteurs penchaient initialement pour la seule présence d'Abballa au domicile du couple, les magistrats ont fini par soupçonner son ami Aberouz d'avoir été également sur place.
Son ADN a été trouvé sur le repose-poignet de l'ordinateur du couple utilisé pour la revendication et des expertises ont jugé «peu convaincante» l'hypothèse d'un «transfert» car il aurait «serré la main» d'Abballa quelques jours auparavant, selon l'ordonnance de mise en accusation consultée par l'AFP. Selon les magistrats, l'assassin islamiste, «réputé moins féru d'informatique», a pu faire appel à son ami pour ses «compétences» en la matière afin de transmettre la revendication en direct.
Ils considèrent également que Larossi Abballa a pu souhaiter la présence d'Aberouz «afin d'y trouver un encouragement moral et un renfort idéologique, mais également afin de garantir la commission [des] assassinats successifs». Mohamed Lamine Aberouz a pu s'échapper «avant l'intervention des forces de l'ordre», avancent les magistrats antiterroristes, s'appuyant sur la «configuration des lieux». «Sa seule présence, y compris passive, [...] caractérise un acte de complicité d'assassinats» en relation avec une entreprise terroriste, concluent-ils. «Les dénégations de Mohamed Lamine Aberouz quant à son adhésion à l'idéologie djihadiste [...] n'apparaissent donc pas convaincantes ni suffisantes au regard des éléments recueillis par ailleurs», notent encore les juges : les deux hommes «étaient portés par la même idéologie favorable au djihad armé».
Laberouz : déjà condamné dans l'attentat islamiste raté des bonbonnes de gaz de Notre-Dame de Paris
Son avocat, Vincent Brengarth estime pour sa part que la justice s'est «fourvoyée».
Amis, Larossi Abballa et Mohamed Lamine Aberouz ont eu successivement la même promise selon l'AFP : Sarah Hervouët, condamnée à vingt ans de réclusion pour une autre tentative d'attentat islamiste aux bonbonnes de gaz en 2016 à Paris.
Mohamed Lamine Aberouz a été condamné en appel dans ce dossier en juin 2021 à cinq ans d'emprisonnement pour non-dénonciation de crime terroriste. Concernant l'affaire Magnanville, au cours de ses interrogatoires, Mohamed Lamine Aberouz a reconnu «avoir pu se rendre à proximité du domicile des victimes» lors de cours de conduite en 2016. Mais, «si le domicile des victimes a pu être identifié à cette occasion, aucun élément n'a néanmoins permis de confirmer cette hypothèse», considèrent les juges. «La famille Salvaing salue l'enquête exemplaire [et] attend le procès avec sérénité et confiance», a réagi auprès de l'AFP l'avocate Pauline Dufourq. Cependant «il demeure la frustration et l'inquiétude de ne toujours pas savoir pourquoi le commandant Salvaing a été ciblé et comment les islamistes ont eu accès à son adresse personnelle», a temporisé pour sa part Thibault de Montbrial, avocat de la famille de Jessica Schneider. Hormis des repérages dans les semaines avant l'attentat, «il n'a pas été établi comment ni pourquoi le choix [d'Abballa] s'était porté» sur le couple, confirment les magistrats.