Ubisoft licencie Georges Kuzmanovic, parce que candidat à la présidentielle ?
Georges Kuzmanovic a été mis à la porte par le géant du jeu vidéo après huit ans de service, notamment pour sexisme. Le candidat souverainiste conteste formellement et accuse un manque de preuves. De son côté, Ubisoft n'a pas souhaité réagir.
Contacté par RT France le 19 octobre, Georges Kuzmanovic, revient sur ce coup de massue qui lui est tombé sur la tête en quelques jours. Candidat souverainiste à la présidentielle depuis le 3 septembre, il apprenait le 1er octobre une mise à pied avant licenciement pour «faute grave» au sein de la société Ubisoft, pour laquelle il travaillait depuis huit ans (dont sept en interne), en tant que directeur de recherches.
Il confie ne pas avoir imaginé un tel scénario, alors que nombre de ses affaires personnelles sont encore dans les locaux de l'entreprise : «J'ai là-bas une valise, un aspirateur portable qu'on m'a offert, près de 150 livres,... »
Son entretien préalable au licenciement a eu lieu le 13 octobre. Deux reproches lui sont alors faits comme l'affirme La Lettre A, le 19 octobre : l'instauration d'une «ambiance de travail sexiste et dégradante» et une tentative de «manipulation» de la direction durant le scandale public concernant «la vague d'accusations de harcèlement moral et sexuel qui a secoué le paquebot Ubisoft», il y a environ un an.
Pour lui, «cela ne tient tellement pas la route» qu'il a par voie de conséquence, demandé un jugement en référé pour exiger une réintégration dans la société. Si celle-ci n'aboutit pas, il se lancera dans une procédure aux prud'hommes. «Et je sais d'avance que je gagnerai tellement le dossier est vide contre moi», affirme Georges Kuzmanovic qui nous raconte l'histoire de l'intérieur. D'abord sur les faits de misogynie. Il déplore une manœuvre de la direction, qui aurait utilisé une dénonciation anonyme – qu'il qualifie de «loufoque» car montée de toute pièce ou inventée – afin de justifier la fouille de ses mails professionnels et déceler toute trace pouvant prouver un comportement déplacé.
Sur plusieurs milliers de messages, Ubisoft en aurait trouvé une quinzaine l'incriminant. Georges Kuzmanovic confesse que «seuls deux ou trois peuvent être définis comme potaches ou légèrement graveleux». Rien de plus et rien de répréhensible selon lui. «Ubisoft me reproche d'avoir envoyé une vidéo de gymnastique à une stagiaire qui prétendait savoir faire le grand écart», énonce-t-il avec écœurement : «Apparemment, je n'avais pas à envoyer de message de ce type à une stagiaire.» Il explique que la plupart de ces messages datent de six à sept ans, et deux seraient de 2019.
«J’ai déjà des témoignages écrits de gens du CSE [Comité social et économique] qui racontent que les manipulations contre moi ne reposent sur rien», soutient Georges Kuzmanovic. En juin 2020, Ubisoft avait été au cœur d'une affaire de harcèlements et d'agressions sexuelles. L'ancien Insoumis raconte qu'Ubisoft avait alors lancé des enquêtes internes et externes pour trouver les responsables de ces faits. Le CSE avait selon lui lancé en parallèle «un système de dénonciations» anonymes afin que tous les salariés puissent s'exprimer librement.
«Celui qui, au CSE, était responsable des questions de harcèlement, a témoigné pour moi en déclarant que jusqu’au 20 mars 2021 – car il était en charge de ces questions jusqu’en mars 2021 chez Ubisoft – malgré toutes les enquêtes, rien n’avait été remonté contre moi», assure Georges Kuzmanovic. «Au contraire, on a plutôt loué mon bon management», ajoute-t-il en argumentant que des femmes de son service, en open space, lui auraient écrit ou appelé pour le soutenir après la mise à pied. L'une d'elles serait même étonnée qu'elles ne furent jamais interrogées dans le cadre d'une enquête contre lui.
Changement de pratiques managériales
Ce renvoi soudain surprend d'autant plus Georges Kuzmanovic que les derniers rendez-vous avec la direction avaient été, selon lui, excellents. «En juin, j’ai eu un bilan annuel, dont j’ai la preuve. J'ai reçu des félicitations car mon équipe marchait super bien. On a d'ailleurs été valorisé en interne», avance-t-il, racontant qu'un deuxième rendez-vous professionnel avait eu lieu le 21 septembre avec, à la clé, les mêmes qualitatifs.
«Et au 1er octobre, on me dit que j’ai organisé une ambiance sexiste et dégradante. Ca ne tient pas la route avec leurs propres bilans», résume-t-il. Cela est selon lui lié à de nouvelles pratiques de management, à l'anglo-saxonne, qui seraient à l'œuvre depuis un an au sein d'Ubisoft : «Ubisoft a recruté des gens d’Uber, dont la directrice des ressources humaines Anika Grant. Ubisoft collabore aussi avec deux cabinets de consulting qui sont chargés de réorganiser la société. Ils ont changé la moitié des managing directors des studios France. Je pense que certains d'Ubisoft, comme ceux qui viennent d’Uber, se sont dits qu'avec un candidat à la présidentielle – si un jour il y a des plans de licenciement – typiquement je pouvais faire partie des gens qui pouvaient monter sur un tonneau et leur poser des problèmes.»
Il y a ensuite ce mail qui prouverait que Georges Kuzmanovic a essayé de manipuler la direction, durant le scandale de 2020. Il relate avoir simplement proposé au PDG d'Ubisoft Yves Guillemot et aux directrices juridique et de la communication de les guider dans une stratégie de crise et de permettre à l'un des salariés licenciés – dans le cadre de l'affaire – de pouvoir se défendre et éventuellement être réintégré. «Ils m'ont reproché d'avoir été dans la manipulation d'entreprise... Ce n'est pas recevable. A la fin c'est la direction qui décide et non moi. Je proposais simplement d'aider, de bonne foi», justifie Georges Kuzmanovic.
Ubisoft ne souhaite pas commenter
Le candidat à la présidentielle veut désormais «défendre son honneur» et voit dans cette histoire l'illustration de ce qu'ont pu vivre «des centaines de personnes avant lui». S'il n'avait pas été autant inquiété professionnellement lorsqu'il fut conseiller de Jean-Luc Mélenchon durant la présidentielle de 2017, Georges Kuzmanovic estime que cela a tout de même pu lui bloquer des promotions. «Et quand on est candidat à la présidentielle, cela n'a plus la même portée», souligne-t-il.
Joint par nos soins, Ubisoft n'a pas souhaité réagir au licenciement de Georges Kuzmanovic.
Bastien Gouly