Levée des brevets sur les vaccins anti-Covid : le revirement de Macron épinglé
Jusqu'à la récente déclaration de Joe Biden en faveur de la levée des brevets sur les vaccins, Emmanuel Macron et ses ministres ne semblaient pas favorables à une telle mesure. Depuis hier, l'exécutif semble réécrire l'histoire.
Le 6 mai, Emmanuel Macron a rétropédalé sur la levée des brevets sur les vaccins pour lutter contre le coronavirus. Lors d'un point presse Porte de Versailles, le président dit désormais être «tout à fait favorable à ce qu'il y ait en effet cette ouverture de la propriété intellectuelle» et qu'elle soit «levée». Il dit avoir prononcé cette même idée «il y a un an» et affirme haut et fort : «Nous devons faire de ce vaccin un bien public mondial.» Cette prise de position intervient alors que la veille, l'administration américaine s'est prononcée en faveur de la levée des brevets en raison des circonstances extraordinaires» de la pandémie en cours.
Dans le sillage d'Emmanuel Macron, son secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes Clément Beaune déclare en outre sur Twitter : «Tant mieux, les Etats-Unis se rallient à ce que la France et l'Union européenne défendent depuis un an : faire du vaccin un bien public mondial !»
#Vaccin | Tant mieux, les États-Unis se rallient à ce que la 🇫🇷 et l’🇪🇺 défendent depuis un an : faire du vaccin un bien public mondial !
— Clement Beaune (@CBeaune) May 6, 2021
Au-delà des annonces, il faut du concret, vite : l’enjeu est de produire et livrer des doses aux pays en difficulté. pic.twitter.com/KCVG3QFVur
Tant Emmanuel Macron que Clément Beaune ont été par la suite raillés. En effet, le chef de l'Etat s'était plusieurs fois opposé à la levée des brevets, lui préférant les dons aux pays démunis. «Le sujet, nous le savons aujourd'hui, n'est pas celui-là. C'est celui du transfert de technologie, de la mobilisation des capacités de production», avait-il ainsi déclaré à ce propos le 23 avril.
De même, Clément Beaune avait souligné le 30 mars puis en avril, devant l'Assemblée nationale, que cela ne «servait à rien» de lever les brevets faute d'outils de production suffisants dans les pays en développement. «Si lever les brevets des vaccins avait une utilité, nous le ferions immédiatement», s'exclamait-il. Sur la même ligne, la ministre déléguée à l'Industrie Agnès Pannier-Runacher avait qualifié la mesure de «fausse bonne idée», expliquant à des leaders de l'opposition, favorables à la levée des brevets, que leurs «déclarations traduisaient une méconnaissance profonde de la réalité industrielle».
Imaginons 1 minute que ces brevets soient levés : les usines 🇪🇺 fabriquant de la substance active sont déjà mobilisées à + de 100% de leur capacité. Elles tournent H24 pour fabriquer des milliards de vaccins cette année. Avoir la recette c'est bien, avoir les usines, c'est mieux.
— Agnès Pannier-Runacher (@AgnesRunacher) March 17, 2021
Le 5 mai, le secrétaire d'Etat aux numériques Cédric O moquait aussi la levée des brevets devant les sénateurs, parlant également de «fausse bonne idée» craignant que «les industriels [...] soient désincités d'investir dans la recherche de nouveaux variants».
.@cedric_o sur les vaccins : "Même si tous les brevets étaient en accès libre, il n'y aurait pas de production supplémentaire pour les pays du sud avant fin 2022, compte tenu de la complexité industrielle" #QAGpic.twitter.com/FuDMdu2ixw
— Public Sénat (@publicsenat) May 5, 2021
La tentative de l'exécutif macronien du 6 mai d'expliquer que sa position est identique depuis un an a été sévèrement jugée par les oppositions de gauche. Le chef de file de la France insoumise et candidat à l'Elysée Jean-Luc Mélenchon a par exemple tweeté : «Papa Biden a parlé. Mini Macron s'aligne. Victoire totale pour nous tous qui nous sommes mobilisés dans le monde entier pour les licences libres sur les vaccins.»
Papa #Biden a parlé. Mini #Macron s'aligne. Victoire totale pour nous tous qui nous sommes mobilisés dans le monde entier pour les licences libres sur les #vaccins.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) May 6, 2021
«Hypocrite Emmanuel Macron», a enchaîné son lieutenant Adrien Quatennens sur le réseau social, ajoutant : «Vous vous êtes battu contre cette levée des brevets sur le vaccin pour servir vos amis du fric et des laboratoires pharmaceutiques ! La France a voté contre à l'Organisation mondiale du commerce ! Biden vous inspire ? Parfait : taxez les riches !»
Hypocrite @EmmanuelMacron ! Vous vous êtes battu contre cette levée des #brevets sur le #vaccin pour servir vos amis du fric et des laboratoires pharmaceutiques ! La France a voté CONTRE à l’Organisation Mondiale du Commerce ! #Biden vous inspire ? Parfait : taxez les riches ! https://t.co/MGCmSeP18y
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) May 6, 2021
Les changements de positions gouvernementaux ont aussi fait réagir le député européen de Place publique Raphaël Glucksmann qui note que «tous ces dirigeants qui expliquaient que c'était impossible depuis des semaines et deviennent soudainement ultra-pour après l'annonce du président Biden ont une conception pour le moins étrange de la cohérence et un rapport distant à la dignité».