Le Conseil d’Etat valide l’éloignement des journalistes lors des évacuations de migrants
- Avec AFP
Deux journalistes qui se plaignaient de ne pas avoir pu pénétrer dans les périmètres de sécurité de la police lors d'évacuations de migrants ont été déboutés par le Conseil d'Etat, qui a jugé qu'il n'y avait pas d'atteinte à la liberté de la presse.
Les périmètres de sécurité mis en place par la police lors des évacuations de camps de migrants, qui ont pour conséquence de tenir à distance les journalistes, ne portent pas une atteinte excessive à la liberté de la presse, a jugé le 3 février le Conseil d'Etat.
Le juge des référés, qui statue seul selon une procédure d'urgence, a ainsi débouté deux journalistes qui se plaignaient de ne pas avoir pu pénétrer à cinq reprises, les 29 et 30 décembre, dans les périmètres de sécurité entourant des opérations d'évacuation dans les régions de Calais et de Dunkerque.
«La protection de l'ordre public l'a emporté sur la liberté d'informer», a regretté Vincent Brengarth, avocat du Syndicat national des journalistes (SNJ) intervenu en soutien des deux reporters. «C'est d'autant plus choquant qu'on sait qu'il y a des violations répétées des droits humains [...] et que le droit à l'information devrait donc y être renforcé», a-t-il ajouté.
Des expulsions quasi quotidiennes
L'un des requérants, Louis Witter, avait diffusé sur son compte Twitter des photos, devenues virales, montrant à Grande-Synthe (Pas-de-Calais) une personne en combinaison de protection lacérant une tente de migrant. Des photographies prises selon lui lors d'un moment d'inattention des policiers.
8H45 à Grande Synthe où une expulsion de réfugiés a lieu en ce moment.
— Louis Witter (@LouisWitter) December 29, 2020
Deux contrôles d’identité, impossible d’entrer dans la forêt où une vingtaine de policiers sont entrés.
Ils sont accompagnés d’équipes de nettoyage, qui lacèrent les tentes pour empêcher leur réutilisation. pic.twitter.com/YiranZrOk3
Ce reporter et son confrère Simon Hamy avaient d'abord saisi un juge des référés du tribunal administratif de Lille. Mais celui-ci avait rejeté leur recours le 5 janvier, le jugeant dénué de caractère d'urgence. Les journalistes avaient donc fait appel devant la plus haute juridiction administrative.
«Il n'apparaît pas que ces mesures [de police] aient jusqu'à présent excédé ce qui était nécessaire pour assurer la sécurité des opérations et aient porté une atteinte grave et manifestement illégale à l'exercice par les journalistes de leur profession», conclut le Conseil d'Etat dans sa décision relayée par l'AFP.
Le ministère de l'Intérieur avait fait valoir que «ces mesures d'éloignement visent à faciliter l'exécution matérielle de leur mission par les forces de l'ordre, à assurer le respect de la dignité due aux personnes évacuées, et à prévenir les atteintes aux tiers que de telles opérations pourraient engendrer».
L'administration affirme que ces évacuations sont destinées à faire cesser des occupations irrégulières de terrains en exécution d'expulsions ordonnées par la justice ainsi qu'à offrir une mise à l'abri des migrants et une aide administrative. Selon les associations, très critiques de ces opérations, environ un millier de migrants sont actuellement entre Calais et Grande-Synthe, exposés à des expulsions quasi quotidiennes de leurs campements de fortune.
L'un des journalistes, Louis Witter, avait déjà dénoncé le 29 décembre l'évacuation de campements de migrants à Grande-Synthe (Nord); le photographe y avait décrit l'évacuation par ces mots : «Voici une photo des membres des équipes de nettoyage qui accompagnent les policiers lors des expulsions de réfugiés à Grande-Synthe. Cagoule deux trous, couteau à la main pour lacérer les tentes. Imaginez deux secondes la stupeur des exilés réveillés par ça à 8 heures ce matin.» Néanmoins, selon le protocole de nettoyage du site, les tentes avaient préalablement été évacuées.