«Super CRS» : les syndicats de police pas enchantés par les nouvelles Forces d'appui rapide

«Super CRS» : les syndicats de police pas enchantés par les nouvelles Forces d'appui rapide© Gonzalo Fuentes Source: Reuters
Un fonctionnaire de CRS sécurise le périmètre d'un incendie de véhicule à Paris en marge d'une manifestation des Gilets jaunes le 12 septembre 2020 (image d'illustration).
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Le ministère de l'Intérieur a-t-il voulu aller plus vite que la musique en court-circuitant les partenaires sociaux lorsque l'idée d'une super CRS a déboulé dans les médias sans aucune concertation préalable ? Les syndicats désapprouvent la démarche.

Nos confrères d’Europe 1 ont révélé le 8 janvier 2021 qu’une nouvelle compagnie républicaine de sécurité (CRS), dite «d’élite», devait voir le jour d’ici l’été : la Force d’appui rapide (FAR).

Surnommée la «super CRS», cette nouvelle force sera composée de 200 fonctionnaires projetables à toute heure, sept jours sur sept, sur tout le territoire et se tiendra prête à partir en 15 minutes pour intervenir notamment sur des violences urbaines ou pour un rétablissement de l’ordre.

Des arguments matériels ont été également été avancés par la source d'Europe 1 pour faire briller la rutilante petite nouvelle : des véhicules 4X4 pouvant franchir des barricades plutôt que les habituels fourgons, des casques plus légers pour le combat et des équipements ignifugés... pour aller au feu ? Une promesse d'aventure, en somme, pour les policiers qui se laisseraient tenter.

Contacté par RT France, le délégué zonal Hauts-de-France pour l'Unsa-Police Mickaël Duval reconnaît d'ailleurs que ces appas pourraient présenter quelque attrait pour des fonctionnaires souscrivant à cette promesse d'unité d'«élite» : «Evidemment, on trouvera toujours des volontaires à partir du moment où on parle d'élite. Par contre, quand on entre dans le vif du sujet, c'est plus mitigé.»

Le «vif du sujet» en question, c'est principalement la question du revenu : «Un CRS sans IJAT, pour moi, ce n'est plus un CRS», déplore le représentant syndical. L'acronyme IJAT signifie indemnité journalière d'absence temporaire et s'élève en CRS à 40 euros par jour au-delà de 12 heures de déplacement... Autant d'indemnités qui ne concerneraient plus vraiment ces nouveaux CRS puisque leurs missions seraient destinées à être plus courtes. Europe 1 assure qu'une autre prime serait envisagée pour palier le manque à gagner des volontaires, mais les syndicats policiers ne semblent pas rassurés par une promesse découverte dans les médias.

«Il n'y a eu aucune concertation» : les policiers n'apprécient pas la démarche

Il y a là un autre problème : le ministère de l'Intérieur et la Direction générale de la police nationale n'ont visiblement pas jugé opportun de consulter les corps intermédiaires au sujet de cette nouvelle FAR, les plaçant devant le fait accompli. Si cette stratégie n'est certes pas inconnue, ni des observateurs de l'actuel gouvernement, ni du personnel de l'administration française, elle ne passe pas du tout auprès des syndicalistes.

«Il n'y a eu aucune concertation là-dessus», déplore Mickaël Duval de l'Unsa-police. Les représentants syndicaux spécialisés dans les problématiques spécifiques aux CRS auraient pourtant pu faire part de leur expertise : Mickaël Duval pointe par exemple la donnée simple du manque de place en cantonnement, avec une partie des effectifs qui doivent dormir à l'hôtel quand ils sont projetés à travers le territoire et des cantonnements dans un état parfois douteux et généralement pas adaptés aux nouveaux défis posés par l'épidémie de Covid-19. Sans compter que, selon les informations de FranceInfo, six autres compagnies du même type devraient être créées à terme.

Le syndicaliste s'inquiète: «Ils vont les mettre où ? Nous avons déjà des CRS qui sont en souffrance et qui manquent de place, alors venir nous parler de nouveau matériel... Nous aurions préféré que l'argent soit utilisé pour rendre les compagnies existantes plus efficientes.»

On va placer cette super CRS en région parisienne, mais si les violences urbaines ont lieu à Marseille, on fait comment ?

Le policier militant soupçonne tout simplement un «coup de com'» de la part de Beauvau : «Toute cette affaire nous donne l'impression qu'ils avaient déjà ça dans les tuyaux et qu'ils ont été pressés par l'actualité avec le technival près de Rennes à la Saint-Sylvestre sur lequel les forces de sécurité sont intervenues trop tard. Mais peut-être que la DGPN a une feuille de route, ou peut-être qu'il faut satisfaire certaines personnes à la nouvelle direction des CRS [l'ancien DCCRS Philippe Klayman a été remplacé au mois d'août par sa numéro 2 et a rejoint l'inspection générale de l'administration au début du mois de décembre].»

Comme un écho des violences intercommunautaires qui ont eu lieu à Dijon (Côtes d'Or) au mois de juin ? La nouvelle force est censée intervenir prioritairement sur les violences urbaines, mais là encore, Mickaël Duval pointe une interrogation : «On va créer cette super CRS en remplaçant la CRS 8 à Bièvres, en région parisienne, mais si les violences urbaines ont lieu à Marseille, on fait comment ? Il y a trois compagnies dans ce secteur géographique et on va y projeter cette compagnie-là ? La question qui se pose derrière tout cela, c'est celle de l'emploi. D'un point de vue opérationnel, il y a tout ce qu'il faut et on ne voit pas quel pourrait être l'intérêt. Même à Paris, il n'y pas des trucs tous les jours, non plus. Alors le reste du temps, ces CRS, que vont-ils faire ? Qui va les former également ?»

C'est tout simplement le sarkozysme auquel Gérald Darmanin nous a habitués

L'inquiétude de l'Unsa-police fait écho à celle de l'Union des policiers nationaux indépendants (UPNI), dont le porte-parole, l'ancien commandant de police Jean-Pierre Colombiès, s'est insurgé auprès de RT France : «On est encore une fois dans la réaction, toujours avec un coup de retard, sans aucune perspective ! Le flic est placé dans une posture défensive face au voyou et à l'agitateur sans que le gouvernement ni l'administration ne semblent en mesure de changer la donne... Finalement ils se contentent d'une politique d'affichage et de nouvelles forces fantoches. Ce n'est pas de l'action ça, mais c'est tout simplement le sarkozysme auquel Gérald Darmanin nous a déjà habitués. C'est du bidon, c'est un machin de plus et cette police spectacle dévalorise celle du quotidien. Le ministre serait mieux inspiré de se concentrer sur la fluidification du protocole de mise à disposition de la justice et de présentation des contrevenants à un magistrat.»

Pour résumer, le ministère pourrait avoir manqué de concertation en annonçant par des moyens de presse détournés un «machin» et aurait sûrement gagné en efficacité en se concertant avec les corps intermédiaires censés représenter la base policière, ce qui s'avère particulièrement vérifiable à l'Unsa-police en ce qui concerne les CRS. La super CRS : quel budget, quelle utilité, quelle philosophie d'emploi ? Fonctionnaires et population générale devront attendre de juger sur pièce lorsque la FAR sera opérationnelle... livraison prévue d'ici l'été 2021.

Antoine Boitel

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