Des tensions allant crescendo lors des manifestations : jusqu'où ?

Des tensions allant crescendo lors des manifestations : jusqu'où ?© GONZALO FUENTES Source: Reuters
Policiers lors de la manifestation contre la loi Sécurité globale du 5 décembre 2020 (image d'illustration).
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Les événements violents survenus le 5 décembre lors des manifestations contre la loi Sécurité globale sont le signe d'une tension qui ne cesse de monter sur le terrain et qui inquiète jusqu'au sommet de l'Etat.

Le 5 décembre dernier, lors des manifestations contre la loi Sécurité globale, les violences sont montées d'un cran. A Paris, des images montrant des casseurs s'en prendre très violemment aux forces de l'ordre ont choqué une partie de l'opinion et au sein de l'institution policière.

Des engins explosifs ont même été projetés sur les policiers. 

Des violences similaires ont également eu lieu à Nantes, où la police nationale a même lancé une enquête pour tentative de meurtre.

Lors des opérations de maintien de l'ordre au sein de la manifestation parisienne, l'usage de la grenade GM2L par les policiers a aussi été très remarqué par les journalistes sur place. Un manifestant a même perdu cinq doigts en ramassant une de ces grenades au sol et un journaliste a également été blessé à la jambe par ce qu'il estime être une GM2L.

Cet usage de la grenade classée A2 (comme les armes de guerre que sont le lance-roquettes et les obusiers) signe peut-être la volonté de la préfecture de police de Paris ou des autorités de monter d'un cran dans l'arsenal répressif contre des manifestants qui, selon un reporter de RT France présent sur place, ne se montraient pas particulièrement hostiles lorsqu'elle a été utilisée.

Mais la tension s'est encore accrue sur les réseaux sociaux et dans les médias avec une publication du collectif policier Hors Service sur Facebook le 7 décembre. Ce collectif a ainsi appelé à ouvrir le feu sur les manifestants comme moyen de «légitime défense». Il s'est attiré les foudres de certains syndicats de police et de la Direction générale de la police, qui a saisi le parquet de la République de Paris au nom de l'article 40 du code de procédure pénale.

Des tensions allant crescendo lors des manifestations : jusqu'où ?

Après la suppression de cette publication, Hors Service a publié une explication évoquant «la manipulation et la déformation» du message et a précisé : «La publication est claire, à aucun moment elle n'appelle à tirer dans la foule comme l'extrême gauche le relaie et essaie de le faire croire. En droit, la légitime défense est claire, nette et précise.» En l'espèce, le cas de la légitime défense est encadré par l'article 435-1 du code de la sécurité intérieure.

Hors Service assume ses propos 

Contacté par RT France, un représentant du collectif Hors Service a déclaré : «Hors Service assume ses propos et déplore uniquement la médiocrité intellectuelle ou le vice des minorités bruyantes qui ont déformé le fond du débat pour créer finalement le déferlement habituel de haine dont ces mouvances anarchistes ont le secret. En saisissant la justice contre [nous] l'administration choisit une nouvelle fois son camp. Je précise que cela fait deux ans que Hors Service demande à être reçu par la Direction générale de la police pour évoquer les blessures et le ras le bol de nos collègues et que cette dernière refuse.»

Et le militant de préciser : «L'éventualité que l'un de nos collègues finisse par ouvrir le feu, c'est une analyse de ceux qui sont au plus près du terrain et c'est le cas des membres d'Hors Service puisque nous sommes en effet des opérationnels.
C’est un miracle que ça ne soit pas déjà arrivé depuis les deux dernières années.»

Parmi les individus violents peuvent aussi se trouver des manifestants pacifiques

Contacté par RT France, le secrétaire national du syndicat France Police, Antoine Villedieu, relativise, mais sans cautionner : «Les collègues sont très à vif après avoir vu toutes ces vidéos qui inondent les réseaux sociaux, et cela dure depuis des mois. On ne cesse de voir des collègues en difficulté sur des opérations de maintien de l'ordre. Il faut tout de même rappeler que les armes de force intermédiaire [LBD, matraque, gaz, grenade...] sont là pour ces situations précises. Chez France Police, nous tenons à rappeler que parmi les individus violents peuvent aussi se trouver des manifestants pacifiques et légitimes.»

Et d'expliquer : «Les gens de Hors Service sont sûrement passionnés, mais ils ne font que rapporter finalement les propos que l'on peut lire sous des publications relatives aux manifestations sur les réseaux sociaux, émanant de toutes sortes de Français. Il n'y a pas que les policiers qui s'émeuvent de ces images et elles se banalisent.»

Une image dégradée de la Police auprès de la population

La fameuse confrontation entre deux camps, évoquée par le préfet de police de Paris Didier Lallement en novembre 2019 lors d'un très médiatisé échange avec une Gilet jaune, est-elle en train de se mettre en place à nouveau ?

Ce qui est certain, c'est que l'image de l'institution policière se dégrade. Selon les plus récents sondages repris par BFMTV, la cote de popularité de la police nationale parmi la population générale est en baisse depuis au moins avril 2019 (76%), et une situation qui a encore empiré entre le printemps 2020 (69%) et la dernière étude publiée le 2 décembre (60%), c'est-à-dire après la polémique de l'affaire Zecler, dont le gouvernement s'est saisi à bras le corps, annonçant notamment un Beauvau de la sécurité pour le mois de janvier...

Le policier a souvent le sentiment d'être peu soutenu et il y a cette pression administrative en interne qui est un rouleau compresseur

Cela suffira-t-il ? En tout état de cause, les analyses catastrophistes sur la sécurité intérieure, surtout en relation avec les violences constatées en manifestation s'enchaînent, comme un avertissement. Ainsi, invité à s'exprimer sur le plateau de Canal+ le 7 décembre, l'avocat Thibault de Montbrial déclarait à propos de la banalisation de la violence en manifestations : «Moi je pense que ça va arriver et je pense que c'est inéluctable : il va y avoir un, deux, trois ou cinq morts et là, il va y avoir une sidération.»

Le syndicaliste de France Police, Antoine Villedieu, abonde au téléphone : «La peur de mourir est quand même très présente chez nos collègues de terrain, que ce soit les compagnies d'intervention ou les collègues de voie publique, voire les CRS. Il y a parfois cette impression que le rapport de force s'est un peu inversé, donc évidemment, il faut garder ça en tête.»

Mais il tempère également : «Le 5 décembre, bien sûr, il y a eu beaucoup de surprise pour les policiers, notamment en voyant ces images de policiers qui battent en retraite. Mais justement, par leur professionnalisme, ces fonctionnaires ont su se protéger en reculant. Ils avaient cette possibilité et ils l'ont saisie, sans faire usage de l'arme, donc ils n'en avaient pas besoin, puisqu'ils ont réussi à s'en sortir. L'arme létale, de toute façon, ce n'est jamais un ordre, sinon il est illégal, c'est un sentiment de l'instant.»

Et de tenter d'expliquer la psyché dominante à l'heure actuelle dans les services de police : «Les policiers ont un peu l'impression d'être pris pour des paillassons par le gouvernement. D'abord on a dû éponger le mouvement des Gilets jaunes, puis cette nouvelle vague, avec des manifestations autorisées, alors que les Français sont déjà à cran. Le policier a souvent le sentiment d'être peu soutenu, même par la population à présent, et il y a cette pression administrative en interne qui est un rouleau compresseur. Donc les conflits sont multiples, externes et internes, ce à quoi il faut ajouter une hiérarchie déconnectée.»

«Par tous les moyens» : Macron veut-il «casser du black bloc» ?

De son côté, le gouvernement a bien saisi qu'il fallait agir, ou du moins en faire montre, contre le phénomène black bloc, entouré d'une incompréhension grandissante au sein de la population générale, selon les informations du Canard enchaîné qui publie dans son édition du 9 décembre : «L'Elysée veut casser du Black Bloc. [...] Après la casse et les incendies du 5 décembre, le chef de l'Etat a secoué son Darmanin de ministre. Sa consigne ? "Régler le problème par tous les moyens." Viril !»

Et l'hebdomadaire de citer «une huile de Beauvau» : «Régler par tous les moyens le problème des Black Blocs (comme le souhaite Macron), c'est péter le Bloc le plus tôt possible en prenant de gros risques. Il faut assumer les dégâts collatéraux non seulement chez eux, mais aussi côté policiers.» L'article donne ensuite la parole à «un proche du chef de l'Etat» : «Les occasions pour les Black Blocs, qui font leur nid dans les manifs, vont être de plus en plus nombreuses. Plus nous réformons, plus la rue peut être amenée à contester.»

Les tensions vont-elles aller crescendo dans les manifestations contre la PPL Sécurité globale, à l'instar du mouvement des Gilets jaunes qui se réunissait tous les samedis ? Ou bien les casseurs black blocs vont-ils se faire oublier quelques semaines avant de réapparaître par surprise ?

Quoiqu'il en soit, la hausse des violences en manifestations est déjà revenue sur le devant de la scène, avec des engins explosifs, des marteaux et divers débris jetés sur les forces de sécurité intérieure, tandis que les policiers ont fait un usage intensif de la GM2L le 5 décembre à Paris, selon des témoignages sur place. Comment les engagements du président de la République relatés dans les colonnes du Canard enchaîné se traduiront-ils le 12 décembre, alors que de nouvelles mobilisations s'annoncent ? Rendez-vous dans la rue... ou sur les réseaux sociaux.

Plus nous réformons, plus la rue peut être amenée à contester

Antoine Villedieu de France Police s'inquiète pour sa part : «Toute personne impliquée dans la vie politique peut s'inquiéter du climat insurrectionnel qui se banalise actuellement : mais quand est-ce que ça va se terminer ? Et comment ?»

Jean-Pierre Colombiès, porte-parole de l'Union nationale des policiers indépendants, renchérit : «Chez Emmanuel Macron, il y a dans la relation qu'il entretient entre pouvoir et population des tendances à imposer sa vision personnelle par la force... ça doit interroger. Il faudrait que les flics puissent prendre du recul aussi et fassent preuve de discernement à cet égard en se demandant si ce qu'on leur demande de faire est bien républicain. Ce questionnement est également à mettre en rapport avec le phénomène black bloc, le grand sujet qui fâche. Parce que si on veut vraiment s'attaquer au problème, il y a des moyens. La situation actuelle est dangereuse, et la fragmentation sociale est palpable.»

Antoine Boitel

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