Destructions à Paris : Aurore Bergé assimile-t-elle les manifestants aux casseurs ?
La députée LREM Aurore Bergé a estimé dans une interview à France Info que la plupart des manifestants du week-end étaient dans la rue pour casser plutôt que pour revendiquer. Un avis qui n'est pas partagé par des opposants à la loi Sécurité globale.
La députée macroniste Aurore Bergé n'a pas mâché ses mots contre les opposants à la loi Sécurité globale, encore descendus en nombre le 5 décembre pour une journée de mobilisation marquée par d'importantes dégradations, surtout dans la capitale.
«Il y a une volonté de casse de la plupart de ceux qui manifestent», a-t-elle ainsi accusé sur France Info le 6 décembre, déplorant d'ailleurs des lacunes dans l'organisation des manifestations contre la loi Sécurité globale. «Aujourd'hui, vous avez des mots d'ordre qui sont beaucoup plus diffus, vous n'avez pas d'organisations qui appellent clairement à manifester, vous n'avez pas de service d'ordre qui vienne contrôler», a aussi critiqué la présidente déléguée du groupe LREM à l'Assemblée.
«Est-ce que celles et ceux qui manifestaient hier manifestaient vraiment ? Moi, j'ai vu surtout beaucoup de casse plus que de manifestants. Est-ce qu'ils manifestaient encore sur le fond pour certains ? Est-ce que c'est l'article 24 ? Est-ce que c'est toute la proposition de loi maintenant ? Est-ce que ce sera dans 15 jours [pour] la démission ministre ?», a-t-elle par ailleurs déclaré, sceptique sur les motivations réelles de ces manifestants.
Manifestations contre la loi de ''sécurité globale'' : ''J'ai vu davantage de casse que de manifestants'', indique Aurore Bergé, députée LREM des Yvelines, présidente déléguée du groupe LREM à l'Assemblée nationale pic.twitter.com/7QfjXQELFz
— franceinfo (@franceinfo) December 6, 2020
95 personnes ont été arrêtées le 5 décembre en France lors de manifestations parfois émaillées de violents incidents qui ont fait 67 blessées parmi les forces de l'ordre, selon un «bilan définitif» donné le 6 décembre par Gérald Darmanin.
Mais contrairement à ce que semble croire Aurore Bergé, les casseurs ne représentent pas la majorité des manifestants. Loin de là. Une source policière citée par l'AFP a chiffré entre 400 et 500 à Paris, le nombre d'«éléments radicaux» sur un chiffrage de 5 000 manifestants à Paris (aucune estimation n'a été donnée côté organisateurs).
La lutte contre le projet de loi (PPL) sur la sécurité globale est en tout cas bel et bien un mot d'ordre précis des dernières mobilisations du le 6 décembre. D'autre part, Aurore Bergé semble nier le fait que des syndicats ont en conséquence appelé à manifester, dont le principal syndicat des journalistes le SNJ.
Paris, 5 décembre 2020
— SNJ - premier syndicat de journalistes (@SNJ_national) December 5, 2020
Marches des Libertés et des Justices
✊✊✊ #StopLoiSécuritéGlobale
(photo TL) pic.twitter.com/1AXTOcqn9u
Un collectif d'organisations, «Stop loi sécurité globale», a même été fondé pour manifester et remettre en cause plusieurs articles de la PPL : «La coordination dispose d’un mandat clair : le retrait des articles 21, 22, qui organisent une surveillance de masse, et l'article 24 de la proposition de loi sécurité globale, ainsi que le retrait du nouveau Schéma national du maintien de l’ordre. Cette proposition de loi vise à porter atteinte à la liberté de la presse, à la liberté d’informer et d’être informé, à la liberté d’expression, en somme aux libertés publiques fondamentales de notre République.»
Parce que nous n’acceptons pas que ce gouvernement piétine nos droits et nos libertés les plus fondamentales.
— #StopLoiSécuritéGlobale ✊🏽 (@stopsecuglobale) November 8, 2020
Parce que nous ne voulons pas de vivre dans un état policier et dans une société de la surveillance.
Parce que nous sommes attaché.e.s à la démocratie.
Nous lançons : pic.twitter.com/8HJKxZJS7F
Plusieurs cadres syndicaux se désolidarisent d'ailleurs publiquement et totalement des black blocs et/ou casseurs. Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, a par exemple affirmé le 6 décembre sur BFM TV qu'il ne fallait pas «confondre les manifestants qui défendent une cause [...] et ceux qui dans les manifestations sèment le chaos, détruisent à tout-va». Laurent Berger «condamne» de fait «sans faille» et demande à ce que ces casseurs «soient poursuivis».
Manifestations: pour Laurent Berger (@CfdtBerger), "il y a de plus en plus de gens (…) qui sont là pour semer le chaos" pic.twitter.com/IrH0hABb0h
— BFMTV (@BFMTV) December 6, 2020
Quant aux politiques, l'opposition distingue aussi manifestants et casseurs. L'adjointe socialiste à la mairie de Paris, Audrey Pulvar, déplore qu'«à Paris, une fois de plus, des casseurs infiltrent un manifestation pacifique pour la desservir et se livrer à des violences inadmissibles». Elle exprime son «soutien aux forces de l'ordre, cibles d’agressions, aux manifestants dont la mobilisation est confisquée [et] aux commerçants».
À #Paris 1 fois de +, des casseurs infiltrent 1 manifestation pacifique pour la desservir et se livrer à des violences inadmissibles.Soutien aux FDO,cibles d’agressions,aux manifestant.e.s dont la mobilisation est confisquée,aux commerçant.e.s (images @gregoire_mandy). #5decembrepic.twitter.com/gDGUokm1Bo
— Audrey PULVAR (@AudreyPulvar) December 5, 2020
Les casseurs, meilleurs ennemis du gouvernement ?
La sénatrice d'Europe Ecologie Les Verts, Esther Benbassa, considère également le 28 novembre que les «casseurs et incendiaires n'ont rien à voir avec les innombrables manifestants pacifiques», pour elle, les casseurs donnent ainsi «au pouvoir un prétexte pour justifier sa propre violence». «Gérald Darmanin les remercie», ajoute-t-elle sur Twitter.
#StopLoiSecuriteGlobale. Casseurs & incendiaires n'ont rien à voir avec les innombrables manifestants pacifiques d'auj. Ils donnent au pouvoir un prétexte pour justifier sa propre violence. @GDarmanin les remercie. Pour ns rien ne change: notre cause est juste, la lutte continue. pic.twitter.com/iP4lx3sDZm
— Esther Benbassa 🌻 (@EstherBenbassa) November 28, 2020
Dans la même veine, le député de La France insoumise Alexis Corbière a constaté une manifestation du 5 décembre comme «pacifique, revendicative». «Ceux qui agressent des policiers, détruisent ou brûlent non seulement commettent des actes dangereux et condamnables, mais sont les alliés objectifs des Darmanin et [le préfet de police] Lallement», argumente le parlementaire.
La manifestation #retraitSecuriteGlobale était pacifique, revendicative.
— Alexis Corbière (@alexiscorbiere) December 5, 2020
Ceux qui agressent des policiers, détruisent ou brûlent non seulement commettent des actes dangereux et condamnables, mais sont les alliés objectifs des Darmanin et Lallement. Notre force c'est notre nombre
«D'abord je voudrais condamner ces violences comme à chaque fois le Parti communiste le fait quand il y a des manifestations. Des violences qui sont le fruit de casseurs qui s'infiltrent [...] et qui n'ont rien à voir avec les revendications et des violences qui sont aussi le fruit d'une politique de maintien de l'ordre qui n'est pas du tout adaptée, voire qui fait parfois le choix de ne pas s'attaquer aux casseurs et de les laisser briser des vitrines de magasins», a déclaré pour sa part le secrétaire national du PCF Fabien Roussel sur Radio J le même jour.
À l'opposé du spectre politique, la présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a accusé pour sa part le pouvoir de laisser faire les casseurs : «Le gouvernement sait qui ils [les casseurs] sont, ils ont leur nom, ils ont leur adresse, ils savent de qui ils sont les enfants, il savent où ils habitent, et on les laisse venir casser, brûler.» «Les renseignements français le savent pertinemment», avance-t-elle
▶ #BlackBlocs.
— LCI (@LCI) December 6, 2020
🗣 @MLP_officiel : "Le gouvernement sait qui ils sont, où ils habitent, et on les laisse venir casser, brûler".
📺 #EnTouteFranchise avec @Acarrouer. pic.twitter.com/Wmfdg0wo82