L'arabe à l'école est-il réellement un garde-fou contre le séparatisme islamiste ?

L'arabe à l'école est-il réellement un garde-fou contre le séparatisme islamiste ?© REMY GABALDA Source: AFP
L'école musulmane hors-contrat Al-Badr à Toulouse (image d'illustration).
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Dans sa lutte contre le séparatisme islamiste, Emmanuel Macron souhaite développer l'arabe dès l'école. Est-ce une mesure capable de ramener des enfants vers un arabe laïc, un coup d'épée dans l'eau ou une forme de promotion du communautarisme ?

Emmanuel Macron en a fait l'une de ses priorités pour lutter contre le séparatisme islamiste : promouvoir l'arabe à l'école. Dans cette optique, lors d'un discours aux Mureaux le 2 octobre, Emmanuel Macron, estimant la jeunesse française «riche de cette culture plurielle», a plaidé pour enseigner davantage la langue arabe à l'école ou dans un périscolaire que l'Etat maîtrise. Les ministres se sont de fait mis au diapason des prises de parole du président.

Ramener certains enfants de confession musulmane vers un enseignement laïc

Le 3 octobre, dans le Journal du dimanche, Gérald Darmanin a ainsi regretté que, durant sa jeunesse, ses «cousins d'origine maghrébine n'avaient que la mosquée pour ­apprendre l'arabe» : «Est-ce cela que l'on veut ? Nous avons besoin de jeunes Français qui parlent aussi l'arabe [...] L'enseigner à l'école, c'est aussi un moyen de réduire le pouvoir des religieux.»

De fait, l'Institut Montaigne, proche de la macronie, établit dans une publication de septembre 2018 que «les cours d'arabe dans les mosquées sont devenus pour les islamistes le meilleur moyen d'attirer des jeunes dans leurs mosquées et écoles».

En théorie, les enfants peuvent déjà recevoir un enseignement de l'arabe dès le CE1, à travers les Elco (enseignement des langues et cultures d’origine) mis en place en 1977. Ceux-ci se fondent sur des accords signés avec plusieurs pays dont l'Algérie, le Maroc, la Tunisie ou la Turquie. D'après Le Parisien, «en 2018-2019, 0,2 % des familles avaient choisi [la langue arabe] pour leur enfant» en école primaire. Néanmoins, plusieurs études du Haut conseil à l’intégration et du Sénat ont pointé du doigt les Elco, certains promouvant le communautarisme. Les cours sont en effet dispensés par des enseignants des pays concernés, permettant selon la philosophie des Elco de maintenir un lien entre les enfants d'immigrés avec leur pays d'origine. Les Elco sont-ils responsables, en partie, du séparatisme ? Emmanuel Macron assure que ces Elco seront supprimés afin de mieux encadrer l'enseignement de la langue arabe.

Davantage encadré, que ce soit au collège ou au lycée, l'apprentissage de l'arabe peut également avoir lieu à travers celui des langues vivantes. Néanmoins, là aussi, le succès n'est pas au rendez-vous. Toujours selon Le Parisien, «sur près de 5,7 millions d'élèves concernés, ils n'étaient que 14 900 à avoir choisi l'arabe à la rentrée 2019».

Pour l'enseignante en histoire Fatiha Agag-Boudjahlat, qui se présente comme militante pour la laïcité, tout cela est logique et le discours d'Emmanuel Macron relève par voie de conséquence de la «naïveté». «Les options LV2 existent déjà. Les parents n’y mettent pas leurs enfants parce que c’est bien la religion que les parents veulent enseigner, et c’est l’imam qui surpasse l’école publique à leurs yeux», a-t-elle estimé sur Twitter. L'essayiste doute donc que l'arrivée de l'arabe en langue vivante dans les écoles républicaines puisse permettre d'extraire les plus jeunes de l'emprise religieuse.

La langue arabe dès le plus jeune âge à l'école... inefficace contre l'islamisme ?

Dans une tribune pour Valeurs actuelles, le membre du bureau du Rassemblement national, Jean Messiha, réfute lui aussi l'argumentation du gouvernement, la langue arabe étant, pour lui, «une langue religieuse par essence». Il estime d'ailleurs sur Twitter que «le rôle de l’Education nationale est de faire de nos enfants des Français et non des Arabes».

«Elle n’a pas à satisfaire les aspirations identitaires de parents irrédentistes, la curiosité linguistique de certains élèves ou les lubies différentialistes du "pédagogisme" gaucho-immigrationniste», poursuit-il.

L'ancien ministre de l'Education nationale Luc Ferry s'est lui aussi montré sceptique le 7 octobre sur Cnews. Pour lui, cela n'empêchera pas les «familles acquises aux idées des frères musulmans ou des salafistes» de placer leurs enfants dans des «écoles coraniques» ou «confessionnelles». 

Institutionnaliser à l’école l’apprentissage de la langue arabe est une lâcheté et une faute

Le député Les Républicains, Aurélien Pradié, considère pour sa part que l'Etat devrait d'abord s'inquiéter de l'apprentissage de la langue française avant d'encourager l'enseignement de l'arabe : «La langue fait la Nation. La langue de la République, c’est le français. Elle est belle, porteuse de liberté et d’émancipation. Apprendre à l’aimer, c’est apprendre à aimer la France. Institutionnaliser à l’école l’apprentissage de la langue arabe est une lâcheté et une faute.»

Il ajoute qu'Emmanuel Macron fait «une faute de donner à la langue arabe une vocation communautaire». «Et c’est une lâcheté de penser que quelques heures d’apprentissage en école élémentaire permettront de lutter contre le fléau de la radicalisation, comme pour ignorer l’ampleur du combat à mener», conclut-il dans un deuxième tweet.

L'élue socialiste (PS) parisienne, Gabrielle Siry-Houari, conteste pour sa part cet argument : «Donc on interdit l'apprentissage de toutes les langues étrangères en France, arabe mais aussi anglais, allemand, italien, espagnol, chinois, russe..? Merci pour cette belle perspective. Que votre message est stupide et dangereux. Votre position vous fait dire n’importe quoi», a-t-elle estimé. 

Le président du parti Le Printemps républicain Amine El-Khatmi, ne voit pas non plus d'un mauvais œil la mesure macronienne, avec une question rhétorique : «Les enfants qui, légitimement, veulent apprendre l’arabe littéraire pour garder un lien avec leurs origines familiales seront-ils mieux formés à l’école par les enseignants de la République ou par certains imams qui, dans des caves, leur disent que la musique transforme en singe ?»

Qui pour enseigner l'arabe ? Sera-t-il dispensé sur toute la France ?

Dans tous les cas, une question demeure. A l'heure où la profession d'enseignant suscite une crise de vocation, qui enseignera l'arabe ? Pour l'instant, les contours n'ont pas été définis. Par ailleurs, comment le gouvernement pourra-t-il convaincre des arabophones français de devenir enseignants ? En effet, les effectifs actuels «corrects» dont le ministère de l'Education nationale dit se satisfaire, dans Le Parisien, semblent compromettre l'enseignement de l'arabe à tous les enfants du territoire national, notamment en ruralité. Comme l'explique le quotidien, actuellement, «près de 400 établissements, collèges et lycées proposaient des cours d'arabe, essentiellement implantés dans les grandes agglomérations, ainsi qu'à Mayotte».

Fatiha Agag-Boudjahlat craint en outre le maintien du décret n°2020-498 publié le 30 avril 2020 au Journal officiel, «portant publication de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne dans le domaine de l'enseignement de la langue arabe à l'école élémentaire en France». Le texte précise que l'enseignement de la langue arabe à l'école élémentaire «propose[ra] un apprentissage de la langue arabe qui fait référence à la culture arabe, notamment à des éléments de la culture tunisienne».

Elle questionne : «Pourquoi faut-il importer des profs tunisiens ? [Emmanuel Macron] a-t-il conscience que le président tunisien souhaite le retour de la peine de mort et s'oppose à l'égalité femme-homme ? Que le parti Ennahda islamiste dirige l'Assemblée nationale tunisienne ? Pourquoi les Franco-algériens devraient-ils apprendre des éléments de la culture tunisienne ? Ou le modèle souhaité est-il de faire venir des profs algériens pour eux ? Turques ou marocains pour les autres ? On va où ?»

Elle estime en outre : «Soit on enseigne l'arabe dans toutes les écoles primaires comme une langue vivante ordinaire, comme l'anglais, soit on ne l'enseigne pas.» 

Selon un sondage Ifop du 8 octobre, 69% des Français interrogés ne se disent pas favorables à l'enseignement «de l'arabe et des langues maternelles dans l'école publique». Une donnée qui peut intéresser Emmanuel Macron puisque 60% des sympathisants de La République en marche n'y sont... pas favorables.

Bastien Gouly

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