La France et la Russie commémorent une Sainte russe de la Résistance française
L'inauguration d’une plaque en mémoire de Sainte mère Marie Skobtsov a eu lieu le 24 juin au mémorial aux émigrés russes impliqués dans la Résistance, à Sainte-Geneviève-des-Bois, près de Paris.
L'année du 75e anniversaire de la Victoire sur l'Allemagne nazie est aussi une occasion de revenir sur le destin tragique de ceux qui n'ont pas pu célébrer la défaite de la barbarie hitlérienne et le triomphe des peuples libérés. Ainsi, le 24 juin, une cérémonie officielle a été organisée sur le cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois au pied du mémorial aux émigrés russes ayant participé à la Résistance. «Evénements intrinsèquement liés entre eux. Cette victoire suscite le deuil et la tristesse», a souligné Xénia Krivochéine, artiste peintre et biographe de mère Marie Skobtsov.
En présence des autorités locales, de représentants de l'ambassade de Russie en France, de membres de la communauté russe et d'ecclésiastiques de l'Eglise orthodoxe russe, une plaque commémorative a été inaugurée à la mémoire de Sainte mère Marie Skobtsov. Ce nom est connu en Russie comme en France car il est devenu synonyme de courage infaillible et d'abnégation véritable. Cette année marque le 75e anniversaire de sa mort en déportation à Ravensbrück, l'un des plus terribles camps de concentration réservé aux femmes.
Cette femme russe, poète et artiste, arrive en France au début des années 20, juste après la Révolution et la prise du pouvoir par les communistes. Dès ses premières années en France, Marie Skobtsov s'engage dans le combat pour sauver des vies : laïque, mère de plusieurs enfants, elle rend visite aux malades dans les hôpitaux psychiatriques et distribue des repas aux pauvres. Puis, après avoir prononcé ses vœux, elle fonde un sanatorium pour les tuberculeux, un foyer et une paroisse pour les indigents, a rappelé Xénia Krivochéine. En 1932, elle décide de consacrer sa vie à Dieu et devient religieuse. Pendant les années de guerre, elle choisit son camp sans hésiter, et accomplit des actes extrêmement marquants, qui en font un des héros de cette époque impitoyable.
Pendant l'occupation allemande, intégrée à la Résistance, mère Marie aidait ceux qui risquaient d’être arrêtés à prendre la fuite, cachait les personnes déplacées d’origine soviétique et établissait de faux actes de baptême pour les juifs afin de les sauver d'une mort certaine. La courageuse mère Marie a réussi à sauver trois enfants juifs du Vélodrome d'hiver à Paris. Mais dénoncée, elle a été arrêtée par la Gestapo, puis déportée à Ravensbrück où elle a trouvé la mort seulement quelques semaines avant la fin de la guerre.
Le 31 mars 1945, Samedi Saint, mère Marie a été envoyée à la chambre à gaz. Ses cendres ont été dispersées dans les collines voisines à 80 km au nord de Berlin. Elle donc n’a pas de sépulture, c'est pourquoi il a été décidé, à l'initiative de Xénia et Nikita Krivochéines, de placer cette plaque commémorative à sa mémoire au cimetière russe à Sainte-Geneviève-des-Bois où désormais, parmi d'autres noms, sera gravé celui de la Mère Marie Skobtsov (1891-1945).
Cette initiative a été soutenue par l'ambassade russe et le Centre de Russie pour la science et la culture à Paris, pour qui la conservation de la mémoire de ces héros issus de l'immigration constitue une priorité majeure, qui témoigne d'un lien fort entre la France et la Russie aussi bien aujourd'hui que pendant la guerre contre l'ennemi commun. Artem Stoudennikov, le ministre-conseiller de l’ambassadeur russe, a notamment souligné que cette cérémonie démontrait le lien inséparable existant entre la grande mère-Patrie et la diaspora russe en France. «La mère Marie est une figure de proue de l’émigration russe et [notre] héros de la Résistance [...] L'exploit des participants russes à la Résistance ne doit jamais être oublié. Ils se sont battus et sont morts pour la liberté de la France et pour la liberté de la Russie», a ajouté le diplomate.
Le 24 juin, alors que Moscou accueillait le grand défilé militaire consacré à la Victoire, le petit cimetière russe près de Paris accueillait une cérémonie religieuse en hommage à Sainte mère Marie Skobtsov. Ces deux événements, quoique d'ampleur différente, incarnent chacun à leur façon cette force de la mémoire qui maintient aujourd'hui la vérité historique et symbolise non seulement la victoire de la paix sur la guerre, mais aussi le triomphe de la vie sur la mort.
Mgr Jean, de l’Archevêché des églises orthodoxes de tradition russe en Europe occidentale, avait effectué les rites de consécration et bénédiction du lieu. Soulignant que le cœur de la mère Marie a «toujours été tourné vers les autres», ce qui incarne la réalisation des principes évangéliques, il a rappelé que la canonisation en 2004 de cette femme de foi morte en martyre est une preuve de la reconnaissance par l'Eglise de «son engagement au service des frères, des pauvres, de la Résistance» comme «une action de Dieu au milieu des hommes».
Après le dépôt de gerbes, Nikita Krivochéine, traducteur de nombreux ouvrages sur la vie de la Sainte Marie Skovtsov et fils du résistant Igor Krivochéine, proche de mère Marie, a rappelé que cette femme avait combattu de toutes ses forces contre le nazisme en vue de la victoire sur le mal. Depuis son enfance, après avoir rencontré la mère Marie, il a gardé pendant toute sa vie un souvenir inoubliable de sa «force d'esprit, de [...] prière, de [...] renoncement et d'abnégation de soi.»
Aujourd'hui, le nom de cette femme admirable appartient à l’histoire du XXe siècle. Des films, de nombreux ouvrages, conférences et expositions lui sont consacrés. Une rue du XVe arrondissement de Paris porte son nom, et des plaques commémoratives à sa mémoire sont visibles à Riga, Saint Pétersbourg, Anapa et Yalta.