L'Etat refuse de dévoiler les contrats de ses commandes de masques au nom du «secret des affaires»
L'Etat a rejeté la requête de Médiapart d'avoir accès aux documents. Impossible de savoir quand et pour quelle quantités les commandes ont été passées, ni dans quelles conditions ont été signés ces contrats d'un montant de 2,55 milliards d'euros.
Médiapart a annoncé avoir saisi le 12 juin la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), afin de contraindre l’agence Santé publique France (SPF) à dévoiler le contenu des contrats de masques chirurgicaux et FFP2 que celle-ci a passé auprès de ses fournisseurs chinois.
Cette saisine fait suite au refus de SPF de fournir ces documents, signifié par l'agence à Médiapart le 5 juin dernier. Pour justifier cette décision, SPF, qui dépend du ministère de la Santé, avait invoqué le secret des affaires : «Les contrats d’achats de masques sont confidentiels car ils relèvent du secret des affaires, nous ne sommes pas en mesure de transmettre de tels documents.»
Or d'après le média d'investigation, l'accès à ces documents est essentiel «au nom de la transparence sur la politique de santé publique». Médiapart rappelle en effet que les montants des contrats sont faramineux (2,55 milliards d’euros, selon le rapport d’étape de la mission d’information de l’Assemblée nationale publié le 3 juin, pour un total de 3,42 milliards de masques), et que les conditions financières dans lesquelles ils ont été signés demeurent opaques.
Qui plus est, ces documents permettent de savoir à quel moment les commandes ont été passées par le SPF à la demande du ministère, et pour quelle quantité. Une information qui permet de comprendre «comment les autorités se sont organisées pour répondre à la pénurie de masques» relève Médiapart.
Le média d'investigation ne se berce toutefois pas d'illusion quant aux chances de voir sa demande aboutir, rappelant l'épisode du Lévothyrox lors duquel l'Etat s'était déjà opposé à la transmission d'informations au nom du même secret des affaires. Un refus tout ce qu'il y a de plus légal, notamment grâce à la controversée loi sur le secret des affaires, introduite dans le droit français en 2018 par la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Adoptée avec pour objectif de «protéger les entreprises contre le pillage d'innovations, lutter contre la concurrence déloyale» selon la garde des Sceaux, son application «met aujourd’hui directement en cause le droit de savoir des citoyens», rétorque le média d'investigation.