Plusieurs manifestations de policiers se sont déroulées les 10 et 11 juin dans l’Hexagone pour protester contre les accusations de racisme proférées à l’encontre des forces de l’ordre ainsi que pour exprimer un mécontentement face aux récentes déclarations du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner. Celui-ci avait envisagé le 8 juin «la suspension systématiquement envisagée en cas de soupçon avéré de racisme», provoquant nombre de réactions.
L’exécutif «risque de subir la colère des policiers», selon Alliance
Dans le même temps, les représentants syndicaux de la police ont été reçus par le ministre place Beauvau, ce 11 juin, pour deux journées d'entretiens. Katia Pecnik, notre journaliste sur place, a évoqué des «policiers et syndicats extrêmement en colère».
«C'est trop facile de citer M.Castaner. Il y a M.Castaner et tous les autres [...] Au dessus de M.Castaner il y a M.Macron et aujourd'hui il ne soutient pas sa police. Le gouvernement a deux choix : soit la soutenir [la police] et l’annoncer soit ils risquent de subir la colère des policiers», a tempêté Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance au micro de RT France.
Même constat chez son collègue Yves Lefebvre (Unité SGP Police FO), qui a, lui, appelé sur BFMTV les policiers à «se rassembler ce soir à 18h devant les commissariats et à déposer à terre de manière symbolique leurs menottes».
Roubaix, Nice, Toulouse, Paris
Peu avant le début des réunions, une centaine de policiers se sont réunis devant le commissariat de Roubaix (Nord) selon actu.fr. Une vidéo mise en ligne par un membre des forces de l’ordre renommé sur les réseaux sociaux, @DeltaMike59, aussi connu sous le pseudonyme «Matricule007», montre les fonctionnaires alignés devant l’hôtel de police. Leurs menottes sont déposées au sol.
«Les policiers en ont ras-le-bol d’être pointés du doigt […] les accusations de racisme sont totalement disproportionnées. On fait une généralité sur toute une profession d’une minorité qui effectivement a des comportements condamnables […] Effectivement, il y a des comportements qu’il faudra sanctionner, mais l’institution n’est pas raciste, la majorité des collègues font un boulot exceptionnel», assure auprès du site d’informations un agent présent sous couvert d’anonymat.
Plus tard dans l'après-midi, ils étaient une centaine devant le commissariat de Toulouse et ont aussi déposé leurs menottes au sol en signe de protestation, d'après des images d'un journaliste de Radio Occitania, radio associative basée dans la Ville Rose.
Vers 18h, des policiers se sont également rassemblés devant un commissariat parisien, comme en témoignent les images de notre reporter sur place.
La veille, quelques dizaines de fonctionnaires de police s’étaient, eux, retrouvés sur la place Masséna de Nice, d’après nos confrères de Nice-Matin. Ils étaient 70, accompagnés de 16 véhicules selon Karine Jouglas, secrétaire départementale du syndicat Alliance.
«On bafoue nos droits et la présomption d’innocence. Les policiers ne comprennent pas pourquoi le gouvernement réagit dans la précipitation après une manifestation de 23 000 personnes alors que plus de 80 % de la population ont confiance en la police. Beaucoup de ceux qui nous critiquent ignorent la réalité de notre métier, la détresse des habitants des cités qui subissent la délinquance au quotidien», s’est-elle insurgée auprès du quotidien régional.
Autre point de crispation : l’abandon de la technique de «la prise par le cou». Jugée trop dangereuse par le ministère, comme par certaines familles de victimes, son interdiction avait également été décidée par Christophe Castaner lors de sa conférence de presse du 8 juin. «Que les politiques écoutent les hommes de terrain. Il n’y a pas une intervention qui se ressemblent […] Les techniques utilisées sont éprouvées», a fait valoir de son côté un ancien patron du Raid à Nice, toujours auprès de Nice-Matin.
Ces derniers mois, entre crise des Gilets jaunes, mouvement contre la réforme des retraites ou encore mobilisation dans les services publics, de nombreuses tensions sont apparues entre le ministère et ses agents. «S'il [Christophe Castaner] veut décrisper la situation, qu'il démissionne ! Le vrai geste qu'attendent les gens, c'est ça. Sur l'affaire Traoré, ce n'est pas la peine de nous jouer les bourgeois de Calais qui viennent faire amende honorable avec la corde au cou. On ne joue pas l'apaisement après avoir mis le feu à la citoyenneté pendant toute la crise des Gilets jaunes», avait souligné Jean-Pierre Colombies, ancien commandant de police et porte-parole de l'association de policiers en colère UPNI, auprès de notre journaliste Antoine Boitel.
Présent au Sénat le 10 juin, le Premier ministre Edouard Philippe a assuré ne pas vouloir «que la peur change de camp, que la présomption passe de celui qui trouble l’ordre public à celui qui le défend». «Si nous acceptons cette facilité de l'esprit sous le coup d'une émotion légitime et partagée, la République bascule», a-t-il ajouté devant les élus du palais du Luxembourg.