L'épouse d'un médecin urgentiste mort du Covid-19 souhaite porter plainte contre Véran et Buzyn

L'épouse d'un médecin urgentiste mort du Covid-19 souhaite porter plainte contre Véran et Buzyn© Pascal Rossignol Source: Reuters
Image d'illustration. Soignants assistant le 23 avril à Villers-Outreaux, aux funérailles du médecin Philippe Lerche, mort de l'infection au coronavirus.
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Dénonçant un manque de protections, l'épouse d'Eric Loupiac, médecin mort du Covid-19, veut poursuivre Olivier Véran, Agnès Buzyn, l’ARS de Bourgogne-Franche-Comté et le directeur de l’hôpital, pour négligence et mise en danger de la santé d’autrui.

«S’il y avait eu des masques FFP2, mon mari serait encore là», s'est désolée ce 2 mai auprès du quotidien Le Monde Claire Loupiac, la conjointe du médecin urgentiste Eric Loupiac, décédé à 60 ans le 23 avril des suites du Covid-19.

La veuve a confié à la presse son intention de porter plainte contre Olivier Véran, Agnès Buzyn, Pierre Pribille, directeur de l'agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté et Guillaume Ducolomb, directeur de l'hôpital de Lons-le-Saulnier où officiait son mari.

Le décès de cet ancien médecin militaire, membre de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), a beaucoup ému dans la région. C'est le dixième médecin hospitalier à avoir trouvé la mort après avoir contracté le coronavirus.

On a sous-estimé le manque d’équipements, notamment en masques. J’en veux à ceux qui ont mal géré la crise au niveau national

Claire Loupiac, ancienne déléguée syndicale de l'AMUF, estime que le manque de masques et l'absence de précautions suffisantes ont été fatals à son mari. Selon elle, Eric Loupiac n'a pu être en contact avec le virus qu'à l'hôpital puisque sa famille vivait confinée depuis le 26 février. Elle pense qu'il a été contaminé le week-end du 6 au 8 mars car il n'aurait disposé que de masques FFP1, moins étanches que les modèles FFP2. La semaine suivante, lors de sa seconde garde, il y aurait eu un vol de masques aux urgences de Lons-le-Saunier, délit démenti à l'époque par le centre hospitalier Jura Sud. En outre, selon Claire Loupiac, l'urgentiste avait demandé un sas d’entrée pour trier les patients possiblement contaminés par le Covid, que la direction aurait selon elle tout d'abord refusé, pour finalement l'installer au bout de 15 jours.

«J’attends que justice soit rendue, que les coupables soient trouvés et qu’ils s’expliquent pour cette négligence qui a causé la mort de mon mari», a déclaré l'épouse de l'urgentiste au Monde. «On a sous-estimé le manque d’équipements, notamment en masques. J’en veux à ceux qui ont mal géré la crise au niveau national», a-t-elle ajouté.

Ce qu'elle reproche à Olivier Véran et son prédécesseur Agnès Buzyn ? «Le gouvernement a mis trois semaines à confiner la population, le 17 mars, après les élections municipales», explique la veuve, précisant qu'elle-même et son époux, ayant «anticipé la vague», vivaient confinés depuis le 26 février.

Guillaume Ducoulomb, le directeur de l'établissement, se défend de tout manquement. S'il dit partager la tristesse de l'épouse et des enfants d'Eric Loupiac, il estime que l'hôpital de Lons-le-Saulnier a très tôt été équipé de tous les moyens nécessaires pour combattre le Covid-19.  «Jamais nous n’avons manqué de moyens de protection à Lons, nous avons toujours eu des masques, très tôt, dès février. Les protocoles de soins et la filière ont été opérationnels dès le 28 février», explique-t-il. Il va même jusqu'à remettre en question le fait que le médecin urgentiste ait été contaminé à l'hôpital. «Je ne vois pas ce qui pourrait le prouver, à partir du moment où on a appliqué les mesures de protection et fourni le matériel», a-t-il argué.

Des dépôts de plaintes en cascade

La plainte de la famille du médecin urgentiste va rejoindre le contingent de poursuites existantes, visant les autorités. Une trentaine de collectifs ont porté plainte pour mise en danger de la vie d’autrui, homicide involontaire, ou non-assistance à personne en danger devant la Cour de justice de la République. Concernant spécifiquement les soignants, le collectif C19, composé de 600 médecins, a attaqué Agnès Buzyn, l'ancienne ministre de la Santé, et le Premier ministre Edouard Philippe le 19 mars pour manquements. Un des derniers dépôts de plainte, émanant de la Fédération Nationale des Victimes d'Attentats et d'Accidents Collectifs (FENVAC), date du 29 avril. L'association a relevé dans sa plainte l’impréparation structurelle du système de santé national à la survenue d’une crise sanitaire, la défaillance d’anticipation des mesures de protection essentielles et l’absence de prise en compte de la sécurité au travail.

Les chiffres du personnel médical contaminé parlent d'eux-même : plus de 6 000 soignants hospitaliers ont contracté le Covid-19, ainsi que 4 500 médecins libéraux. 21 de ces praticiens en sont morts, chiffre à ajouter à la dizaine de décès chez les médecins de l'APHP. Les soignants eux-mêmes et les syndicats invoquent régulièrement la pénurie de matériel, masques et blouses, ou encore les mauvaises consignes données par le gouvernement pour expliquer le drame du personnel contaminé.

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